Maintenir des examens de fin d’année est-il vraiment indispensable ? Une évaluation est indispensable pour permettre aux étudiants de valider leur année, même si les conditions ne sont pas idéales. Ne pas en faire serait d’autant plus injuste pour les étudiants qui travaillent pour financer leurs études. On voit bien que les inégalités sont exacerbées avec le confinement. Heureusement, dans certaines universités, de vraies aides ont été mises en place (prêts d’ordinateur à l’Upec, aides financières à Rouen). La contrainte du numérique est très pesante dans cette question de l’évaluation à l’université qui n’est pas simple.
Doit-on être plus souple ? L’indulgence est souvent vue comme une baisse des exigences, alors qu’elle doit être une adaptation. Par exemple, à l’Inspé [‘Institut national supérieur du professorat et de l’éducation, NDLR] où je travaille, le mémoire prend une place très importante. Certains Inspé ont décidé de supprimer la soutenance alors qu’elle permet à l’étudiant d’améliorer la note d’écrit, mais surtout de prendre du recul par rapport à l’écriture du mémoire. C’est extrêmement important du point de vue du développement professionnel. Dans cette situation, d’autres Inspé ont préféré un système intermédiaire où ils envoient par emails les questions qu’ils auraient posé à la soutenance.
Mettre 10/20 à tous les étudiants, c’est la solution ? C’est compliqué car cela dépend des formations. Dans ma formation, il y a des étudiants que je désespérerais de voir devant des classes l’année prochaine. Ce serait extrêmement préjudiciable pour tous les élèves qu’ils auront pour la suite. Donner 10 à tout le monde poserait donc un gros problème éthique car l’année de master 2 est la seule année de formation après le concours. Mais j’encourage beaucoup les étudiants à rendre des travaux à plusieurs, parce que ça rend compte de la dimension collaborative du métier d’enseignant qu’ils feront plus tard.
« Donner 10 à tout le monde poserait un gros problème éthique. »
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Qu’est-ce qui pose problème dans l’évaluation à l’université ? La vision qu’ont les enseignants de l’évaluation est parfois déplorable. Elle est peu pensée en France ou uniquement de manière trop rigide et académique. C’était déjà dénoncé dans le rapport de Marc Romainville de 2002 et, malheureusement, les choses n’ont pas beaucoup bougé depuis. L’évaluation a tendance à être enfermée dans sa dimension certificative, certes obligatoire. Mais je défends une évaluation au service de l’apprentissage, au service de la professionnalisation. Le problème vient aussi du fait que les enseignants ont eux-mêmes subi tellement d’évaluation qu’ils pensent savoir ce qu’il faut faire — et ne pas faire — et ne demandent donc pas de formation.
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