🍀 Ça ne vous a pas laissé de marbre

26 novembre 2021 | La recherche et sa pratique

La ronde
des tables (rondes)

En tant que journalistes, Laurent et moi animons ces jours-ci bon nombre de débats – en vrai. Et le premier d’entre eux dès aujourd’hui avec ce forum sur la médiatisation des sciences et le désordre informationnel au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Dans le thème innovation, Laurent continue sa folle tournée deeptech de France (Nice hier, Lyon le 2 décembre) et je me lancerai à Clermont-Ferrand lundi. Spécifiquement sur la ville de demain, vous pourrez également me retrouver pour SCI.TY jeudi prochain.
A la rédaction de TheMetaNews, on aime toujours autant lire vos réactions donc merci encore à ceux qui nous ont écrit ! Devant la pertinence de vos propos, pourquoi ne pas en faire profiter tous nos lecteurs ?
C’est le but de ce numéro spécial courriers des lecteurs, qui semble s’institutionnaliser – pour notre plus grand bonheur. Faire vivre les débats, c’est aussi notre but.

A très vite,
Lucile de TMN
PS Est-ce que l’innovation et la deeptech vont nous sauver ? Vos avis de chercheuses et chercheurs sur ce sujet m’intéressent !

Ils nous ont écrit

Guillaume Cabanac et Jean-Yves Baudais réagissent à la critique post-publication
Maxime Deforet s’exprime sur les lanceurs d’alerte présumés.
Jean-Paul Booth et Eva Markiewicz ont des avis bien différents sur le doctorat
Des infos en passant
Votre revue de presse express
Et pour finir avec un manuscrit à plusieurs millions d’euros

Environ 7 minutes à partir de ce point

Guillaume Cabanac est maître de conférences en informatique et réagit à notre numéro sur la critique post-publication.

« Merci pour la communication autour de PubPeer qui est un formidable outil pour les lecteurs et les reviewers. En effet, les reviewers sont parfois frustrés d’avoir travaillé sur un rapport d’évaluation détaillé et voir leurs recommandations ignorées par les éditeurs ou les auteurs. À ces reviewers déçus que des erreurs détectées survivent à la peer-review, je recommande de poster les parties pertinentes de leurs rapports sur PubPeer. Le public pourra consulter ce travail d’évaluation sérieux (on l’espère) et les auteurs pourront répondre…
Par ailleurs, Cyril Labbé et moi-même continuons la traque des publications problématiques [relire leur interview sur les articles générés par ordinateur, NDLR] et avons publié un preprint en forme d’open call for investigation. »

Jean-Yves Baudais est chargé de recherche en traitement du signal et communications. Il réagit également à notre numéro sur la critique post-publication.

« C’est le travail des éditeurs. Fichtre ! Une revue digne de ce nom à des éditrices payées (aujourd’hui c’est le féminin qui sert pour les deux genres, ce n’est pas une domination mais un service rendu par un genre pour l’autre) par la revue pour faire de l’édition. La chercheuse est payée sur le dos de la contribuable pour faire la fameuse, parfois fumeuse, « validation par les pairs ». Le contribuable a le dos large mais quand même… Il va être temps que les éditrices participent ! Les autrices fautives se font taper sur les doigts mais quid des pairs (les relectrices dites reviewers) qui n’ont pas fait correctement leur boulot ? »

Maxime Deforet est chargé de recherche en biophysique. Il nous a écrit suite à l’interview de Laurent Mucchielli suivi d’un premier courrier des lecteurs.

« Écouter un lanceur d’alerte, pourquoi pas. Mais que fait-on quand le lanceur d’alerte fait des fautes de logique indignes d’un élève de terminale ? On le laisse parler parce que c’est un « lanceur d’alerte » ? Moi, si je lance l’alerte que la Terre est ronde, on doit m’écouter ? C’est contre-productif de laisser au lanceur d’alerte la liberté de dire n’importe quoi. »

Jean-Paul Booth est directeur de recherche en physique des plasmas. Il réagit à notre numéro sur la dure vie des directeurs de thèse.

« Je trouve que le contrat de bourse de thèse actuelle est une travestie [un travestissement ?, NDLR]. Le directeur de thèse, lui, s’engage sur des résultats quand il accepte un contrat avec l’ANR, un industriel ou autre. Le thésard n’a pas cet engagement, et il peut se la couler douce sachant que le directeur, in fine, fera le travail.

A la place, je propose un contrat CDD (type ingénieur) de 3 ans avec engagement de résultats pour le candidat, et qui peut être interrompu à tout moment (avec justification, bien sûr) par le directeur si le travail n’est pas satisfaisant. La progression vers la soutenance de thèse serait un privilège, et non pas un droit. La qualité des thèses serait ainsi améliorée, et logiquement leur valeur, dans un cercle vertueux.
Je ne parle que de mes constatations dans un laboratoire de recherche en physique. Du moment qu’un thésard est accepté en thèse, l’obtenir trois ans plus tard est une formalité, d’où la dévalorisation de ce diplôme. Si le directeur a obtenu un financement pour payer la bourse, lui il a une obligation de résultats, donc il (elle) est pris entre les deux. Bien sûr, il y a des bons étudiants qui ont envie d’avancer leur carrière mais il y a une minorité non négligeable qui se rendent compte assez rapidement que la recherche n’est pas pour eux. Avec le système actuel, nous sommes obligés de les porter pendant trois ans. Les réformes récentes nous obligent à faire des réunions de comité de suivi très chronophages, où il est supposé que, s’il y a un problème, c’est la faute du directeur et non pas du candidat ! »

Eva Markiewicz est doctorante en sciences de l’ingénierie et réagit également à notre numéro sur la dure vie des directeurs de thèse.

« Je commence par aborder le point qui m’a le plus interpellé dans cet article : à en croire les auteurs, les doctorants ne finissant pas leur thèse sont tous des profiteurs qui gaspillent l’argent de l’état (à l’exception de quelques cas particuliers de problèmes de santé, vaguement évoqués en fin d’article). C’est à mon sens faire un raccourci rapide sur les raisons qui poussent les doctorants à arrêter leur thèse en cours de route. Je ne nie pas le fait qu’il y ait des doctorants profiteurs du système, mais cela ne me semble pas être la majorité. D’autres raisons peuvent expliquer une démission ou une non-soutenance, dont de nombreuses valables : problèmes personnels, réorientation suite à un travail de recherche qui finalement ne convient pas, difficultés financières menant à accepter un meilleur poste ailleurs, découragement face à des institutions où il est de plus en plus difficile d’obtenir un poste après de longues études… D’ailleurs, comme vous l’avez justement signalé, le texte ne se base sur aucune donnée solide : avec quelques éléments chiffrés (que ce soit le nombre d’abandons ou bien une enquête auprès des directeurs de thèse/écoles doctorales sur le sujet), il aurait été beaucoup plus simple (et beaucoup plus scientifique, méthodologiquement parlant !) de cerner exactement l’ampleur du problème, mais également ses causes.
Ensuite, j’ai eu du mal avec leur proposition de devoir rembourser le salaire versé pour la thèse. Dans l’industrie, quand on vire une personne car elle fait mal son travail, lui demande-t-on de rembourser son salaire ? Pourquoi cela serait-il le cas pour le contrat de travail d’un doctorant, et non pas pour les autres travailleurs ? Nous sommes des salariés comme des autres. C’est d’autant plus vrai qu’il est possible de virer un doctorant en cours de thèse : si il n’a pas été possible de rompre le contrat au bout de trois ans, plutôt que de mettre en cause le doctorant, c’est tout un système qui est à revoir. Cela supposerait que ni le CST, ni l’encadrement, n’aient pu voir qu’il profitait du système avant que le financement ne finisse, ce qui laisse présupposer un problème ailleurs dans sa supervision (au sens large). De plus, la proposition de demander un remboursement au doctorant ne me semble humainement pas acceptable, dans le sens où le contrat doctoral n’est pas un contrat que l’on peut qualifier de confortable financièrement : un thésard est une personne souvent jeune, sortant d’études, avec pour seul soutien financier celui des parents ou d’un prêt étudiant. Rembourser tout son salaire, cela n’est tout simplement pas possible pour la grande majorité d’entre eux et certaines personnes, notamment venant de familles peu aisées, pourraient ne pas prendre le risque de s’engager dans un contrat où, en cas d’échec, ils se retrouveraient dans une situation catastrophique.
J’ai été également surprise par le ton général de l’article, que j’ai perçu comme étant assez hautain. On a presque l’impression que les auteurs tentent de monter les uns contre les autres, en trouvant un coupable idéal en la présence du doctorant. Cela se ressent particulièrement dans la partie où sont évoqués les postes qui auraient pu être créés à la place de financements doctoraux, en faisant miroiter des postes de maîtres de conférences et/ou d’ingénieurs de recherche (beaucoup plus utiles que ces « doctorants détendus », s’entend). Or, on n’embauche pas un doctorant comme on embauche un maître de conférence : ce n’est pas le même travail, ce n’est pas la même visée, ce n’est pas le même investissement financier (un maître de conférence est recruté pour potentiellement toute sa carrière, soit près de 30 ans de salaire à prévoir !), ce n’est pas la même source d’argent… Les auteurs comparent des choses incomparables, dans le seul but d’appuyer leur charge frontale contre un bouc émissaire qui est, par le manque de chiffres précis, injustifiée.
Je m’interroge donc de l’intérêt d’une telle pétition, qui me semble assez extrême, par les préjugés de départ, par le ton employé et par leurs propositions. Cela est fort dommageable car il y a visiblement là un sujet de débat, à en lire votre conclusion. Je suis personnellement curieuse de savoir si le sentiment d’être lésé face à de nombreux doctorants usurpateurs est partagé par de nombreux directeurs de thèse/encadrants. Si ce sentiment est général (ou tout du moins suffisamment important pour ne pas être considéré comme étant marginal), cela devrait attirer l’attention et faire l’objet d’enquêtes afin de bien pouvoir cerner les causes de ce mal-être, pour proposer des solutions adaptées et profitables à tous. »

Vous voulez réagir ? On vous lira

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Votre revue de presse express

Never stop learning. Au milieu des vieux barbus, deux visages féminins trop peu mis en avant ont aidé cette étudiante canadienne à surpasser ses doutes. Elle le raconte dans The Varsity.
Réalité glacée. Certains cherchent à le cacher aux étudiants mais il faut être honnête : la réalité de la carrière académique est parfois loin du rêve. A lire dans Inside Higher Ed avec quelques conseils à la clé.
Imposteur, mais pas partout. De moins en moins de satisfaction au labo et de plus en plus de burnout, c’est ce que montre l’enquête de Nature menée sur les conditions de travail de chercheurs de tous pays. Des frustrations qui semblent moins prégnantes dans le privé.

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Mardi dernier, dans les salons parisiens de Christie’s, 54 pages sur la relativité générale sont passées dans des mains inconnues mais certainement riches : un manuscrit d’Einstein estimé à 2 ou 3 millions d’euros et finalement vendu presque 12 !

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