En tant que chercheur, vous sentez-vous incité à produire de la nouveauté ?
Oui. La recherche de la nouveautĂ© fait partie intĂ©grante de notre travail : il n’est pas nĂ©cessaire de la rĂ©compenser explicitement. Notre système de revue par les pairs rĂ©ussit dĂ©jĂ Ă contrebalancer la volontĂ© d’ĂŞtre le premier Ă publier par la peur de se tromper. Si la nouveautĂ© est trop promue par les institutions, la rapiditĂ© pourrait l’emporter sur la rigueur.
Quel est le risque à trop inciter à produire de la nouveauté ?
Celui de diminuer la motivation Ă approfondir les problèmes. En surĂ©valuant l’importance de publier du nouveau, le travail nĂ©cessaire pour valider les thĂ©ories et Ă©tendre leur portĂ©e Ă de nouveaux domaines est sous-estimĂ©. Nous l’avons tous vĂ©cu : le premier article sur un sujet reçoit beaucoup d’attention, les suivants moins. Cela envoie un message dĂ©courageant aux postdocs et aux doctorants.
Est-ce que la situation s’amĂ©liore ?
C’est constant, je dirais. L’incitation Ă la nouveautĂ© est encore assez lourde – par exemple, dans les instructions du NIH [l’institut gouvernemental pour la recherche biomĂ©dicale aux Etats-Unis, NDLR] pour les demandes de financements, le mot nouveautĂ© revient rĂ©gulièrement – et nous devrions la diminuer. L’un des objectifs de la recherche est d’Ă©tendre les thĂ©ories Ă de nouveaux domaines et, pour cela, vous devez mener des expĂ©riences similaires, encore et encore, dans des contextes diffĂ©rents. Il ne faut pas dĂ©courager ce type de travail !
Les chercheurs sont-ils en capacitĂ© d’agir ?
Oui, nous avons le pouvoir de changer les choses. En tant qu’évaluateurs, nous n’avons pas besoin de mettre l’accent sur la nouveautĂ© s’il existe d’autres preuves de qualitĂ© d’un travail scientifique que nous valorisons Ă©galement. Lorsque je relis un manuscrit, j’apprĂ©cie les modèles quantitatifs et les travaux prĂ©dictifs – domaine dans lesquels la France est historiquement en pointe, ce dont elle devrait ĂŞtre fière.
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