🍀 Les matheux, ces inconnus.




04 dĂ©cembre 2020 /// L’actu des labos
Le verre
à moitié vide

Parle-t-on trop de ce qui ne va pas ? Dénoncer les discriminations que subissent les femmes, les troubles de la santé mentale chez les doctorants… C’est indispensable pour certains, trop négatif pour d’autres.
Il y a trois jours, le chercheur Thomas Breda l’illustrait lors de la confĂ©rence de la nouvelles chaire Femmes et sciences : faire peur aux futures Ă©tudiantes les dĂ©couragerait de se lancer dans des carrières scientifiques.
Ces sujets ne sont peut-être pas les premiers à aborder avec le grand public, certes. Mais TheMetaNews s’adresse aux chercheurs (au sens large) et, puisque nous sommes entre nous, pourquoi ne pas se dire les choses en face ?
Bonne lecture,
Lucile de TMN



Six minutes de lectures bien logiques



A la découverte des matheux


Les mathématiciens français sont une espèce à part. Une équipe de sociologues les a observé dans leur milieu naturel, chiffres à l’appui.


© Collections Ecole polytechnique
Avec nos douze mĂ©dailles Fields, l’Hexagone est deuxième au niveau mondial. Mais d’oĂą vient cette excellence quand les Français touchent aux mathĂ©matiques ? Une Ă©tude très riche en donnĂ©es (et en surprises) dĂ©crit les us et coutumes de cette communautĂ© pas tout Ă  fait comme les autres. En voici les principaux rĂ©sultats : 
  •  Le goĂ»t pour les maths se dĂ©veloppe tĂ´t.  Pour beaucoup enfants de chercheurs, les futurs matheux participent aux Olympiades comme Ă  un jeu, puis s’entraĂ®nent comme des sportifs en classes prĂ©pa’.
  •  Le choix du père.  Les matheux ne choisissent pas au hasard oĂą faire leur thèse. Paris 11, 6 et 7 — devenues depuis Paris-Saclay, Sorbonne et universitĂ© de Paris — sont majoritairement choisies. Cette ascendance vient ensuite remplir des arbres gĂ©nĂ©alogiques, constituĂ©s par la communautĂ© elle-mĂŞmes.
  •  Issus des « Grandes » Ă©coles.  Deux tiers des recrutĂ©s au CNRS ont Ă©tĂ© formĂ©s dans les “très” grandes Ă©coles (les trois ENS et l’X), contre seulement un quart chez les universitaires – on voit poindre les diffĂ©rences entre chercheurs et enseignants-chercheurs (voir plus loin ).
« La discipline des mathématiques peut être comparée à la musique classique ou à la danse : ceux qui réussissent très tôt gagnent en confiance »
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  •  TitularisĂ©s au berceau.  RecrutĂ© si jeune, c’est possible ? Au CNRS, la section 41 des « maths pures » est la seule Ă  afficher un âge moyen de titularisation infĂ©rieur Ă  30 ans. Quant aux professeurs d’universitĂ©, ils le deviennent Ă  38 ans en moyenne. On notera tout de mĂŞme qu’ils n’ont pas besoin d’attendre des rĂ©sultats expĂ©rimentaux !
  •  Une profession cosmopolite.  Un tiers des professeurs d’universitĂ© de cette discipline Ă©taient de nationalitĂ© Ă©trangère en 2014 (contre 5% en 1990).
  •  Haro sur la consanguinitĂ©.  Les maths sont l’unique discipline qui ne privilĂ©gie pas les candidats issus de la mĂŞme universitĂ© ou du mĂŞme labo – qui d’ailleurs sont peu nombreux : 2,5% de candidats locaux et 2,5% d’admis locaux sur les postes de maĂ®tres de confĂ©rence entre 2009 et 2013. CQFD.

« Ce n’est pas une règle écrite mais une décision de la communauté : le localisme n’est pas la bonne solution »
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Matheux, comptez-vous !
En France, il y aurait 3 600 chercheurs et enseignants-chercheurs en mathĂ©matiques, dont 400 CNRS, selon l’INSMI. Le Ministère donne le nombre de 6642, en incluant les ingĂ©nieurs de recherche et les contractuels.1500 doctorants et 200 post-doctorants complètent le tableau, le tout au sein de 94 structures de recherche. La direction scientifique de l’INSMI dĂ©nonçait en 2019 une diminution du nombre de postes ces dix dernières annĂ©es, pour arriver Ă  dix places de chargĂ©s de recherche par an au concours. 


  •  Enseignement secondaire.  Comme dans toutes les disciplines, l’aspect recherche est le plus valorisĂ© – c’est le vecteur de la rĂ©putation. Les universitaires profitent de plus de dĂ©charges d’enseignement (dĂ©lĂ©gations CNRS, IUF…) en maths que dans d’autres disciplines.
  •  Avantage CNRS.  On pouvait s’en douter mais les chiffres le montrent : les chercheurs CNRS sont plus productifs en terme de publication. Après six ans d’activitĂ©, la moitiĂ© des chercheurs CNRS ont publiĂ© au moins cinq articles, contre deux pour les universitaires.
  •  Profs avant tout.  Les chargĂ©s de recherche se dirigent plus vers les postes de professeurs (27%) que vers une promotion de directeur de recherche (11%). En revanche, pratiquement aucun universitaire ne rentre au CNRS en cours de carrière.

« En mathématiques, il existe une plus grande (auto)-sélection des étudiants. Ainsi, les enseignants bénéficient d’une véritable stimulation intellectuelle à leur contact »
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  •  Très peu de femmes…  On comptait Ă  peine plus de 5% de femmes parmi les professeurs d’universitĂ© en 2014. CĂ´tĂ© CNRS, les chargĂ©es de recherche reprĂ©sentaient 12% des effectifs.
  •  Et ça ne s’arrange pas. Les maths pures sont la seule discipline Ă  afficher une proportion de femmes en diminution depuis 1990. Les maths appliquĂ©es font un peu mieux en tant que « zone de contiguĂŻtĂ© » avec d’autres sciences (biologie, chimie…), oĂą la fĂ©minisation a eu lieu.

 NB.  Les verbatims de ce papier sont de Pierre-Michel Menger, sociologue. Et si vous n’en avez pas assez, voici un livre tout entier consacrĂ© aux matheux : L’univers des mathĂ©maticiens, du sociologue Bernard Zarca


Un mot sur les auteurs. « On ne veut pas dire si c’est bien ou pas, mais voir comment ça fonctionne », affirme Pierre-Michel Menger. Et pour ça, il faut des preuves et des arguments documentĂ©s. D’oĂą le gros travail â€” pas toujours Ă©vident — de rĂ©cupĂ©ration des donnĂ©es auprès du ministère et du CNRS. C’est donc un travail d’équipe, impliquant diffĂ©rents profils que sont :
  • Pierre-Michel Menger, sociologue et professeur au Collège de France
  • Colin Marchika, ingĂ©nieur d’études Ă  l’EHESS
  • Yann Renisio, postdoc en sociologie au Centre Maurice Halbwachs
  • Pierre Verschueren, maĂ®tre de confĂ©rence en histoire contemporaine Ă  l’universitĂ© de Franche-ComtĂ©


Un chiffre plutôt qu’un long discours
 2% 
C’est Ă  peine la proportion des revues qui pratiquent l’open peer-review â€“ ne pas anonymiser les reviewers â€“selon une Ă©tude sur plus de 300 revues. Les auteurs pointent les diffĂ©rences de pratique (single, double blind…) entre disciplines mais aussi le manque de transparence dans le peer review en gĂ©nĂ©ral.


Un outil dans la boîte
Revues OA-conformes 


 Checker les revues.  Comme vous le savez certainement, la plupart des agences de financements exigent maintenant la publication des rĂ©sultats dans des revues conformes Ă  leur politique de science ouverte. Après le test pour dĂ©jouer les revues prĂ©datrices, voici donc celui pour vĂ©rifier si les revues sont conformes au plan S : le Journal Checker Tool. Attention, il est en version bĂŞta.


 Des infos en passant.  Un prix de thèse pour des travaux portant sur le racisme et l’antisĂ©mitisme. Candidatez avant le 15 fĂ©vrier 2021 //////// 200 Ă©tudiants en dĂ©tresse  ont envoyĂ© une lettre Ă  leurs profs pour crier leur dĂ©sarroi. StĂ©phanie Daumas rĂ©agit sur Twitter //////// Hier s’ouvraient les concours CNRS. Dossiers Ă  rendre le 7 janvier. Comme on dit par chez nous, bonne chance mais surtout bonnes vacances !  //////// Ouvrons les universitĂ©s, l’appel de RogueESR, a recueilli plus de 6 000 signatures ////////


//////// Comment Ă©valuer et suivre son activitĂ© scientifique ? Les chercheurs de l’Inria proposent des indicateurs //////// Vous avez reçu la lettre de la ministre ? Elle ne plaĂ®t pas Ă  tout le monde //////// Campus connectĂ©s, seconde vague : 15 nouveaux projets financĂ©s par le ministère pour la rentrĂ©e 2021, avec des subventions de 4,3 millions d’euros sur 5 ans //////// 


Votre revue
de presse express



Et pour finir…
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Puisqu’on parle de matheux, en voici un dernier, mĂŞme si il Ă©tait de son propre aveu un « mauvais » matheux. HervĂ© Le Tellier, qui a Ă©galement Ă©tĂ© journaliste scientifique, est prix Goncourt 2020 pour son roman L’Anomalie.