🔶 L'aventure intérieure du microbiote

 
 

31 mai 2021 | Une innovation dĂ©cryptĂ©e 
10 000 milliards
d’amis

Ce chiffre un peu abstrait est le nombre de bactĂ©ries avec lesquelles nous cohabitons en permanence. Une cohabitation qui n’avait rien d’Ă©vident jusqu’Ă  ce que la recherche s’en empare.
PassĂ© les poncifs du « deuxième cerveau » ou les tentatives de rĂ©cupĂ©ration mercantile, ce domaine de recherche arrive aujourd’hui aux portes de la thĂ©rapeutique, après des annĂ©es de travail discret.
Bonne lecture,
Laurent de TheMetaNews

 PS  Merci Ă  Nathalie Vignolle, François Trottein, Stanislas Desjonquères et Ă  la fondation Biocodex (l’ordre est alĂ©atoire) d’avoir pris le temps d’explorer le sujet avec moi.


Si vous n’avez que 30 secondes
  • On commence par un schĂ©ma, pour changer
  • Comment le microbiote a fait florès (intestinale)
  • Un chiffre plutĂ´t qu’un long discours
  • Le microbiote est-il une rĂ©volution ? Par Stanislas Desjonquères
  • Un trombinoscope de pionniers
  • Et pour finir



5 min de lecture en pleine lumière (intestinale)


Commençons par une image, pour changer. Voici une carte des microbiotes du corps humain, répartis sur tout notre corps. Dans ce numéro, il sera principalement question du microbiote intestinal, le plus étudié. En couleur, les différentes souches de bactéries (détails et source)

 Tout vient de la paillasse 
Comment le microbiote a fait florès


Longtemps mĂ©sestimĂ©, l’impact du microbiote sur la santĂ© humaine fait aujourd’hui la une. L’aboutissement de dizaines d’annĂ©es de recherche.


Le petit peuple des villosités
(vue d’artiste)
Lumières intestinales. L’influence de la population microbienne de notre corps (en particulier celle de l’intestin) n’est pas une prĂ©occupation rĂ©cente, puisqu’elle remonte a minima au XIXe siècle. Longtemps purement descriptive, la recherche sur le microbiote a connu une accĂ©lĂ©ration ces dernières annĂ©es. Verrous techniques. Jusqu’au tournant des annĂ©es 2000, la recherche Ă©tait en effet freinĂ©e par la culture très complexe de ces bactĂ©ries qui doivent ĂŞtre privĂ©es d’oxygène. Mais la rĂ©volution ADN est passĂ©e par lĂ , comme le prĂ©cise Nathalie Vergnolle :
« La possibilitĂ© de sĂ©quencer le microbiote a permis de lever les verrous : il Ă©tait devenu faisable de cartographier sa composition. Cela a poussĂ© les chercheurs Ă  Ă©tudier les bactĂ©ries espèces par espèces Â» 

RĂ©volution. Deux projets de sĂ©quençage, Ă  la suite de celui du gĂ©nome humain, marquent ce tournant vers la big data : Le Human Microbiome Project (HMP) dès 2007 aux Etats-Unis, MetaHIT en Europe entre 2008 et 2012, menĂ© par l’Inrae. De purement descriptive, la recherche devient fonctionnelle, s’accĂ©lère et se diversifie.

Organe ubiquitaire. L’Ă©vidence s’impose : quand on rĂ©implante un microbiote d’un individu Ă  un autre, certaines pathologies suivent, comme dans cette Ă©tude pionnière sur l’obĂ©sitĂ© chez la souris. Le microbiote serait impliquĂ© dans une liste de de maladie qui donne le vertige : cancer, maladies inflammatoires, allergie, ostĂ©oporose, Alzheimer…
L’air du temps. Les publis se multiplient Ă  vitesse exponentielle dans les annĂ©es 2010, comme en tĂ©moigne un chercheur, connaisseur du secteur :
« Le microbiote Ă©tant “Ă  la mode”, les scientifiques se sont prĂ©cipitĂ©s dessus ; on en revient aujourd’hui. Editeurs et reviewers sont plus prudents et les Ă©tudes qui sortent sont plus solides »
Ce qui reste Ă  faire. Si de nombreux espoirs sont permis (â–Ľ voir interview â–Ľ), les thĂ©rapies liĂ©es au microbiote doivent encore faire leurs preuves. Une seule est aujourd’hui autorisĂ©e dans le traitement d’infections intestinales rĂ©sistantes, d’autres arriveront en adjuvant des traitements de certains cancers ou d’infections Ă  Helicobacter Pylori. Ce n’est que le dĂ©but, la France Ă©tant bien positionnĂ©e dans le secteur.
 Pour aller plus loin.  Si vous vous intĂ©ressez au sujet, prenez le temps de regarder ce docu de rĂ©fĂ©rence. Des actus scientifiques et techniques peuvent aussi ĂŞtre dĂ©nichĂ©es ici.


Des chiffres plutĂ´t qu’un long discours
 1,3 milliard d’euros  
La recherche liĂ©e aux microbiotes, restĂ©e longtemps fondamentale Ă  cause de certaines limitations techniques (voir article â–˛), a franchi rĂ©cemment les Ă©tapes vers le marchĂ©. 300 start-up environ ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es ces dix dernières annĂ©es au niveau mondial et 111 millions d’euros ont Ă©tĂ© levĂ©s en 2020 dans l’Hexagone pour un marchĂ© total estimĂ© Ă  1,3 milliards d’euros. Parmi ces start-up, quelques “stars” hexagonales (Enterome, Maat pharma…), la France et les USA Ă©tant en pointe sur ces sujets. Deux catĂ©gories d’industriels lorgnent sur le secteur : l’agroalimentaire (Danone, NestlĂ©…), historiquement prĂ©sent sur l’aspect prĂ©vention, ainsi que l’industrie pharmaceutique.


Trois questions Ă … Stanislas Desjonquères 
« Les vraies rĂ©volutions sont silencieuses »
Il a fondĂ© Nexbiome, un incubateur privĂ© de candidats mĂ©dicaments liĂ©s au microbiote, il analyse le secteur. 


Le microbiote est aujourd’hui populaire mais Ă  quoi est dĂ» ce succès ?

Le succès des thĂ©rapies liĂ©es au microbiote tient Ă  une poignĂ©e de facteurs tous rĂ©unis aujourd’hui : la demande des consommateurs, tout d’abord, qui sont en demande de naturalitĂ©. Notre environnement interne est peuplĂ© de bactĂ©ries. Une recherche dynamique, ensuite : celle sur le microbiote l’est, vous pouvez le vĂ©rifier sur PubMed. Enfin des financements privĂ©s sont aujourd’hui au rendez-vous et des solutions techniques existent, comme le sĂ©quençage Ă  haut dĂ©bit ou la bioinformatique.
En quoi les thérapies liées au microbiote diffèrent des autres médicaments ?
On a, il est vrai, affaire à une nouvelle catégorie de produits, différents de ceux qui les précèdent, comme les vaccins, les antibiotiques ou les génériques, mais ce sont bien des médicaments. Des centaines de pathologies sont concernées, dans quatre domaines en particulier : infectiologie, immunité, système nerveux central et les maladies inflammatoires. Après des années de recherche fondamentale, on se rend compte que le microbiote est à la fois le problème et la solution.
Est-ce une autre manière de guérir ?
Les vraies rĂ©volutions sont silencieuses. Contrairement Ă  la grande majoritĂ© des mĂ©dicaments, curatifs, les thĂ©rapies basĂ©es sur le microbiote apporteront une valeur prĂ©ventive et j’estime qu’il s’agit d’une nouvelle approche de la mĂ©decine. Mais ces thĂ©rapies seront tout de mĂŞme jugĂ©es par les autoritĂ©s sanitaires comme les autres mĂ©dicaments, au travers de leur efficacitĂ©, de leur sĂ©curitĂ© et de l’amĂ©lioration du service mĂ©dical rendu. Cela ne changera pas.


 Des infos en vrac  BPIfrance et Phdtalent dĂ©voilent les rĂ©sultats de leur baromètre Jeunes chercheurs et entrepreneuriat Deeptech le 15 juin prochain de 14h Ă  15h15 (et votre serviteur animera)  /////////// Entrepreneuriat toujours, cette fois-ci cĂ´tĂ© Ă©tudiants, la date limite de dĂ©pĂ´t des candidatures pour les prix PĂ©pite est fixĂ©e au 30 juin prochain ///////////


Une affaire de pionniers
 L’incontournable.  Le père fondateur de la vaccination et icĂ´ne française de la science a Ă©galement menĂ© des rĂ©flexions sur le rĂ´le du microbiote dans la digestion dès 1885… interrompues par ses travaux sur les vaccins. Bien lui en a pris.
 Le frenchie (1).   Stanislav Dusko Ehrlich est un chercheur d’origine croate, il a dĂ©veloppĂ© cette discipline encore confidentielle au sein de l’Inrae qu’il a rejoint en 1986 et a a contribuĂ© Ă  un projet europĂ©en de dĂ©cryptage du gĂ©nome du microbiote, fondamental pour la discipline : MetaHIT.
 Le frenchie (2).  Outre ses travaux fondamentaux (notamment sur les maladies mentales) depuis les annĂ©es 80, ce chercheur de l’Inrae a rĂ©ussi Ă  populariser ce domaine de recherche. Ce portrait prĂ©cise qu’il aime faire son propre vin et ses fromages (une dĂ©formation professionnelle ?).
 Et tous les autres.  De nombreux scientifiques ont Ă©videmment mis leur pierre Ă  l’Ă©difice. Parmi eux : Willem De Vos ou Martin Blaser Ă  l’international, en France, les noms d’Harry Sokol (formĂ© par JoĂ«l DorĂ©), de Philippe Seksik, Karine ClĂ©ment ou Patricia Lepage (etc) font rĂ©fĂ©rence.


Ils parlent d’inno (alors on vous en parle)



Et pour finir
—

Voici une preuve, s’il en fallait, que la recherche avance parfois de manière incongrue. La migration des cigognes a ainsi longtemps Ă©tĂ© un mystère, jusqu’Ă  ce que ce spĂ©cimen (et d’autres) soit capturĂ© avec une pointe de flèche tribale venant d’Afrique fichĂ©e dans le cou.