18 décembre 2020 /// L’actu des labos
Tout est affaire
de physique
Dans notre sujet sur la réouverture des universités de la semaine passée, on voyait déjà que des physiciens pouvaient jouer un rôle dans l’établissement des règles sanitaires contre la Covid.
J’ai eu un retour de flamme pour la physique – comme régulièrement, vous me pardonnerez je l’espère – et je me suis demandé sur quels points précis ils pouvaient contribuer aux recherches sur la Covid.
Vous découvrirez donc ici comment les communautés scientifiques tantôt s’opposent – entre médecins et physiciens des aérosols –, tantôt collaborent – avec l’exemple d’un projet d’immunologie/physique statistique.
Bonne lecture mais surtout bonnes fêtes de la part de toute l’équipe ! Nous serons de retour tout début janvier avec OutsideLab.
Lucile de TMN
PS. Êtes-vous vraiment sûr d’avoir tous vos cadeaux de Noël ?… Notre campagne Ulule se termine dimanche soir ! |
|
5.67 +/- 0.30 minutes de lecture Ă partir de t0
|
|
Spécialiste des aérosols, Jean-François Doussin a vite senti qu’il avait un rôle à jouer dans la crise de la Covid : celui de médiateur. |
|
Ce professeur ne se disperse pas.
Comment prenez-vous la parole dans les médias ? Je précise tout de suite que je ne suis ni virologue ni épidémiologue. Je ne réponds aux journalistes que si cela rentre dans mon spectre de compétence – sinon, on n’a plus de légitimité et on tombe dans le café du commerce. Le problème est qu’il y a peu d’interlocuteurs et beaucoup de demandes – j’ai actuellement 2 à 3 sollicitations par semaine.
Quel a été le déclencheur ? Une note – à peine un preprint – mise en ligne en mars 2020 par Leonardo Setti et ses collaborateurs concluaient à la corrélation entre pollution atmosphérique et infection à la Covid. Cette étude n’était pas robuste, les chercheurs n’étaient pas du domaine et leur hypothèse de base violait des éléments établis de la physique des aérosols. Bref, ce n’était pas déontologique et j’ai vu une véritable levée de bouclier de la part de la communauté.
« En sciences de l’environnement, notre parole est souvent perçue comme anxiogène. »
Pourquoi vous ? Certains collègues parlent au labo mais pas en public : en sciences de l’environnement, notre parole est souvent perçue comme anxiogène. De plus, la transmission aéroportée des virus est un champ très spécifique qui ne regroupe qu’une poignée de chercheurs aux Etats-Unis – et aucun en France à ma connaissance. Je m’y suis donc collé, soutenu par le CNRS. Un groupe en ligne s’est auto-organisé autour de la communauté des aérosols où nous partageons et discutons les dernières parutions.
Avez-vous des contacts avec des virologues et des épidémiologistes ? Pas vraiment. A l’échelle mondiale, on a assisté à une sorte de confrontation entre la communauté médicale et celle des physico-chimistes des particules. En juillet dernier, plus de 200 chercheurs ont adressé une lettre à l’OMS pour demander la reconnaissance de la contamination par voie aérienne – que je n’ai personnellement pas signée car je trouvais étrange que cela prenne la forme d’une pétition. Cette reconnaissance a progressé mais il reste tellement de retard à rattraper…
Pourquoi avoir pris ces responsabilités ? Avoir des liens avec la presse n’a pas d’impact positif dans les dossiers d’avancement, il peut même en avoir un négatif. Je fais ça parce que je crois en l’éthique du service public de recherche et en la responsabilité des chercheurs – qui sont d’ailleurs mal comprises par le grand public. Lors d’une intervention diffusée sur Facebook, les commentaires – du type « tous les chercheurs sont vendus aux lobbies » – montrent bien la méfiance envers la science. Celle-ci cristallise des colères présentes dans la société.
|
|
Petites gouttes ou grosses gouttes ? Dans la communauté médicale, la limite des 5 µm divise historiquement les « grosses gouttes » qui tombent immédiatement au sol des « petites gouttes » qui restent en suspension dans l’air. Pour Jean-François Doussin, « c’est un mythe ». En effet, cette catégorisation binaire, inspirée par la courbe de Wells de 1934, n’a aucune base scientifique.
|
|
|
Physiciens et immunologiste, mĂŞme combat
|
|
Certains outils de physique s’avèrent cruciaux pour analyser les données médicales. Mais on ne s’improvise pas immunologue du jour au lendemain. |
|
Aleksandra Ă gauche, Thierry Ă droite
Pourquoi deux physiciens attendent avec impatience les données de séquençage provenant de patients atteints de la Covid ? Réponse : pour tenter de comprendre l’hétérogénéité des réponses immunitaires dans la population par des méthodes de physique statistique, habituellement utilisées pour étudier les gaz.
Ces deux physiciens, les voici . Aleksandra Walczak et Thierry Mora ont passé de nombreuses heures en compagnie de biologistes et de médecins de l’hôpital Bichat à Paris dès le mois de mars. Après dix ans à collaborer avec des virologues à l’international, ils ont en charge le volet « immuno » de cette collaboration.
Ayant « raté la première vague » , selon leurs propres mots, en raison des protocoles éthiques – on ne demande d’habitude pas à des atomes la permission d’effectuer des prélèvements —, ils ont remporté un appel flash de l’ANR en mars dernier. Les chercheurs ont encore neuf mois pour dénicher les signatures des diverses réponses immunitaires.
« Une bonne raison de ne pas dormir ». On peut donc être un physicien de crise, à écouter ces chercheurs ! Pour Aleksandra Walczak, la Covid montre l’importance des mathématiques et plus largement de toutes les disciplines, même celles dont l’utilité n’apparaît pas dans l’immédiat en cette période troublée.
|
|
Un chiffre non reproductible
70%
(seulement) des scientifiques font confiance aux résultats produits dans leur domaine, d’après un sondage réalisé sur 8800 chercheurs allemands en 2019-2020. Pire, un sur quatre estime que plus de la moitié des travaux ne sont pas robustes. Effet Saint-Thomas – « je ne crois que ce que je vois » – ou bien crise de reproductibilité ?
|
|
Des infos en passant En protestation contre la LPR, la CP-CNU suspend ses activités – évaluation Hcéres entre autres – jusqu’à nouvel ordre //////// La conférence du 1er décembre organisée par la chaire Femmes et sciences est à (re)voir sur Youtube //////// Les dix plus belles rétractations d’article de 2020 par Retraction Watch //////// Rouvrir les facs ? Voici les préconisations du séminaire Politique des sciences en vidéo. Lors d’une conférence de presse le 11 décembre, la CPU proposait que les étudiants reviennent par demi-journée pour éviter le problème des repas du midi mais renvoyait la gestion de la ventilation des locaux à la responsabilité des établissements //////// |
|
//////// Repenser l’évaluation en recherche : DORA présente des études de cas provenant d’universités partout dans le monde //////// Le Comité pour la science ouverte vient de sortir son rapport et préconise entre autres de traduire vos publications de et vers l’anglais. A vos dictionnaires ! //////// Création d’un portail HAL-ANR au cas où vous souhaiteriez explorer uniquement les travaux financés par l’ANR //////// Diffuser sa thèse, c’est crucial pour la communauté. C’est aussi un devoir. Besoin de faire le point ? Cadre législatif, possibilité en terme d’archive, données personnelles… Tout est abordé dans le compte-rendu d’un séminaire organisé début décembre par la MMSH d’Aix-en-Provence //////// |
|
Votre revue
de presse express |
|
Erratum La semaine passée, on vous annonçait des frais de publication proportionnels à la longueur de l’article en test dans deux revues de l’Union européenne des géosciences. C’est en fait l’inverse, les frais seront maintenant indépendants du nombre de pages. Heureusement que certains suivent… Merci Sophie Szopa !
|
|
|
|
|
|