Universitaire et sénateur, André Gattolin est rapporteur de la mission d’information sur les ingérences étatiques extraeuropéennes. Que retenez-vous de ces semaines d’audition ? Sans tomber dans un système de flicage, nous souhaiterions que les publications scientifiques de premier rang fasse l’objet d’une déclaration de conflits d’intérêts et de transparence sur les financements. Il ne s’agit pas d’interdire mais de savoir d’où les gens parlent. On ne peut pas soumettre les chercheurs à un régime équivalent aux parlementaires mais ils doivent prendre conscience que des financements étrangers ne sont pas anodins. En cas de voyages à l’étranger, le risque de se faire aspirer ses données et par là même, mettre en danger ses sources ou ses collègues, est bien réel. Pouvez-vous être plus précis ? Les services de renseignement nous ont signalé des cas que nous ne pouvions publier. Toute collaboration avec une structure extraeuropéenne doit faire l’objet d’une déclaration au ministère de la Recherche et au Quai d’Orsay auprès du fonctionnaire habilité. Surtout qu’il y a une zone grise de la recherche qui est à la fois civile et militaire, en virologie ou dans le numérique. De ce point de vue les mathématiciens notamment sont parfois naïfs et l’open science est un vrai enjeu : ne faut-il pas être parfois plus méfiants ? La course à la publication de travaux parfois non finalisés sans protection de la propriété intellectuelle peut représenter un danger. Outre la Chine, quels pays représentent le plus de risque d’ingérences ? Les travaux de la commission ont commencé en juillet ; nous manquions de temps pour tout couvrir et nous sommes concentrés sur la Turquie en plus de la Chine, même si les services de renseignements nous pointaient aussi le Maghreb, les pays du Golfe persique ou l’Iran. Nous avons décrit les différents types d’influence possibles, depuis le traditionnel soft power ou le plus « pushy », comme les instituts Confucius, jusqu’aux cas de captation ou d’espionnage. Le classement de Shanghai est d’ailleurs une forme de ce soft power. Revenons à la Chine, comment se traduit son influence dans les campus et les labos ? L’autocensure des chercheurs chinois déteint en France, surtout que les étudiants chinois ne sont plus réservés comme ils l’étaient sur ces questions. La jeune génération a baigné dans un nationalisme exacerbé. Du côté des chercheurs et des établissements, cela créé une forme d’autocensure par exemple dans l’intitulé de séminaires; l’infraction aux libertés académiques n’est pas loin, comme nous l’a témoigné une sinologue qui a connu une époque où le régime chinois était moins dur. L’extension des cours de ligne représente également une menace, en externalisant la salle de cours. |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....