Aujourd'hui on #ParlePolitique



23 septembre 2020 /// L’actu de la profession
On fait un
instant Festen

Il y a des choses dont il est parfois difficile de parler au sein d’une communauté. Dans celle de la recherche — on ne vous fera pas la métaphore de la grande famille —, il en va de même.
En voilà une : sciences humaines et sciences « dures » sont-elles logées à la même enseigne ? On s’avancera plus tard sur des chiffres mais la perception des chercheurs est claire : c’est non.
Ce n’est qu’un des résultats de #ParlonsRecherche que nous analysons pendant cette semaine hors du commun.
Keep calm & science hard,
Laurent de TheMetaNews

PS. Fête-t-on un 101e numéro d’une newsletter ? Je ne crois pas mais au cas où : 🥳
PS2. Si, si Festen, ce formidable et cathartique film danois, qui recèle cette scène.


Ils sont jeunes (souvent), ils sont beaux, ils font de l’inno. Elodie Chabrol est allée à la rencontre de chercheurs qui ont sauté le pas. Premier épisode avec Xavier Duportet.


A partir d’ici 5′ de lecture édifiante.


Les malentendus de la loi Recherche


L’enquête #ParlonsRecherche dessine en creux une crainte de la précarité et la fracture entre disciplines.


Mais sur un malentendu, ça peut marcher
La tempête parfaite. La rentrée devait être acrobatique, entre Covid et grogne sociale, elle est pour l’instant calme du côté de la loi de programmation de la recherche (LPR), en cours de discussion au Parlement. Sortis de plusieurs mois de confinement, les enseignants et chercheurs, englués dans une rentrée entre présentiel, hybride et distanciel en ont presque oublié de se mobiliser. Ces derniers temps, des différences d’approche politiques sont apparues entre les disciplines. En voici une sélection :
  •  Plus de 20% des chercheurs en sciences humaines   ont manifesté d’une manière ou d’une autre contre la LPR, environ 13% en sciences exactes
    .
  •  60% des chercheurs en sciences humaines   ont entendu parler de la LPR, contre moins de 50% pour les sciences exactes.
  •  Seuls 29% des chercheurs en sciences exactes  ont déjà échangé avec leurs collègues à propos de la LPR, contre plus de 50% en sciences humaines.
Un résultat marquant. 60% des chercheurs en sciences humaines estiment que les budgets ne sont pas répartis également entre les disciplines, ils ne sont qu’environ 40 % en sciences exactes. Enfonçons le clou : plus de 90% des chercheurs en sciences humaines pensent qu’il n’ont pas assez de moyens budgétaires mais seuls 54% des chercheurs en sciences exactes pensent que les sciences humaines n’ont pas assez de moyens.
NB. Pour des questions de lisibilité, nous indiquons « XX% des chercheurs…. », il faudrait en toute rigueur dire « XX% des répondants à l’enquête ». Plus d’infos


Tous les résultats ? C’est par là.

#ParlonsChiffre
 10 % 
Au village, sans prétention… Nous avons posé la question suivante aux 1678 chercheurs de #ParlonsRecherche : « Une mesure a retenu particulièrement mon attention dans la LPPR. Si oui, laquelle ? ». Sur les 521 réponses à cette question deux mesures surnagent : les « tenure track » ou « chaires de professeur junior » et les CDI de mission scientifique, citées par près de 170 personnes, soit 10% du panel. Le reflet de leur inquiétudes… mais aussi du relatif désintérêt pour la loi Recherche.

 Lire notre sélection de verbatims (après l’interview) 


On #ParleRecherche avec… Philippe Berta
« Il n’y a pas de volonté d’exclusion »

La loi Recherche favorise-t-elle les sciences dures ? On a posé la question à ce député, également chercheur.




Philippe Berta est rapporteur de la LPR

Pour vous, la loi Recherche a-t-elle « atteint sa cible », pour parler comme un publicitaire ?  
J’étais il y a peu à une réunion de responsables de masters et je fais le constat qu’à part les syndicalisés, la majorité ne suit pas du tout. Ce n’est que mon point de vue mais on est tous dans nos bulles, dans un monde à part ; c’était mon cas aussi quand je n’étais pas député. Je suivais peu les lois, même celles qui auraient pu me concerner. Il m’a fallu étudier le dossier pour mesurer à quel point les cinq dernières années de financement de la recherche n’ont été qu’une goutte d’eau.

Quel est le péché originel ? Le manque de pédagogie ?
Ca aurait déjà été intéressant que le courrier du ministère ait été reçu par tous les enseignants chercheurs de ce pays, pour leur expliquer ce que la loi Recherche allait changer pour leur fiche de salaire, le texte serait peut-être perçu différemment. La priorité a été donnée aux bas salaires : c’est sur cette population que la France décroche par rapport à l’OCDE. J’insiste sur le fait que la LPR reste un des plus grands investissements dans la recherche depuis la seconde guerre mondiale.

La loi défavorise-t-elle les sciences humaines ? 
Il n’y a pas de volonté d’exclusion même si c’est peut-être leur ressenti. Il est vrai que si j’étais chercheur en mathématiques, en sciences morales ou en période médiévale, je ne serais pas sensible à ce texte car ce n’est pas dans ces domaines où les moyens sont cruciaux pour être visible à l’international. Il y a pourtant eu de la part des députés une demande pour ouvrir plus l’ANR aux sciences humaines mais beaucoup de mes collègues en sciences humaines ne candidatent pas. Quand on met sur la table 20% de docteurs en plus et 100% de thèses financées, il faut aussi que les chercheurs en sciences sociales en soient conscients.
Les CDI de mission et les tenure tracks concentrent toutes les critiques…
Au cours de mes auditions, la demande pour la mise en place de CDI de mission était unanime. Pourquoi ? La loi Sauvadet “mettait dehors” au bout de six ans certains personnels, dans des conditions dégradées souvent sans même une publication ou un brevet à mettre sur le CV. Je comprends bien que ce n’est pas l’idéal mais nous n’avons pas les moyens de fonctionnariser tout le monde et, pour les intéressés, c’est le jour et la nuit. Mes propres enfants ont été embauchés sous ce régime, ça a été un pied à l’étrier vers le CDI tout court. Quant aux « tenure tracks », ils resteront à la main des établissements.

Propos recueillis par Laurent Simon


#ParlonsRecherche, c’est aussi 
 plus de 4000 verbatims 
 « J’ai été surpris qu’autour de moi, dans mon labo et sur le campus, presque aucun chercheur ne connaissait ni ne discutait de la LPPR, qu’ils n’avaient pas envie de discuter de leurs conditions de travail et comment les améliorer. » 
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 « Les postes de « tenure track » : une vraie innovation positive si elle n’est pas détournée pour accroitre la précarité. Le diable se cache dans les détails de l’application de la loi. » 
////////////////////////////////////////« Globalement le projet de LPPR donne trop dans le « star system » à anglo-saxonne où le chercheur devient une sorte de businessman qui conduit son labo comme une entreprise, au mépris parfois de la déontologie scientifique. » 
////////////////////////////////////////« Les « tenure track » ne sont vraiment pas adaptés au système français ou nécessiteraient des budgets faramineux pour être compétitifs avec les grands pays qui les pratiquent. Quoi qu’on en dise, le système Français tel qu’il est actuellement reste attractif (…) J’ai très peur qu’avec ces demi-mesures on perde tout : notre âme et la compétition internationale. » 
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Et pour finir


Qui est ce canard, où va-t-il, que doit-il espérer ? De qui cet anatidé est-il le nom ? Vous le saurez en cliquant sur la photo.