2 octobre 2020 /// L’actu des labos
Sociologues
en série
TheMetaNews est le média de tous les chercheurs. La preuve : ça fait trois semaines de suite que des sociologues sont à l’honneur dans InsideLab. Aujourd’hui, Sylvain Laurens répond à nos questions à propos de l’influence de certains lobbys sur la vulgarisation de la science.
Cette semaine, on s’ouvre également à la situation des chercheurs dans les EPIC à travers un cas de l’IRSN. Ces établissements de recherche ont des règles de fonctionnement parfois éloignées de l’académie. Comme le montre le récent licenciement d’une sociologue – encore une !
Bonne lecture,
Lucile de TMN |
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Ils sont jeunes (souvent), ils sont beaux, ils font de l’inno. Elodie Chabrol est allée à la rencontre de chercheurs qui ont sauté le pas. Premier épisode avec Xavier Duportet.
<< Ecoutez son témoignage >> |
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5 minutes de lecture électrisante depuis ce point
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L’histoire d’un électron libre |
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Une chercheuse licenciée pour insubordination ? Analyse et enquête d’un cas récent au sein de l’IRSN. |
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Christine Fassert avait pour terrain Fukushima
Une employée désobéissante ? L’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) a licencié en juin dernier une chercheuse pour « insubordination récurrente se manifestant par une défiance vis-à-vis de sa hiérarchie et une contestation chronique des processus internes de l’Institut ». La sociologue Christine Fassert était employée à l’IRSN depuis 2009 et pilotait le projet Shinrai (confiance en japonais) depuis 2014.
Des recherches radioactives. A l’IRSN, ce n’est pas comme au CNRS. La recherche est pilotée par les besoins de l’expertise, une recherche dite finalisée ou opérationnelle (voir l’encadré ). Les sciences humaines sont en minorité parmi les 400 chercheurs de l’institut. Christine Fassert mène ses études de terrain sur la confiance en les experts de la population touchée par l’accident de Fukushima, le tout en partenariat avec Sciences-Po Paris et l’Institut technologique de Tokyo.
« Pour mon collaborateur japonais, c’était inimaginable »
Christine Fassert, sociologue à l’IRSN
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Beaucoup de temps perdu. Le processus est long avant même de démarrer ses travaux et, comme pour tous les chercheurs de l’IRSN, ses articles et rapports sont relus par sa hiérarchie avant publication. Note d’opportunité puis note de cadrage doivent être validées à tous les étages et reviennent avec de nombreux commentaires, relues par une hiérarchie qui ne compte pas d’autre sociologue qu’elle – on est loin de l’évaluation par les pairs. Entre l’accident de Fukushima en 2011 et le début des recherches en 2014, il aura fallu trois ans.
Relecture obligatoire. Pour Patrice Bueso, directeur de la stratégie recherche de l’IRSN, cette phase de relecture est uniquement un « lissage institutionnel afin de recontextualiser les résultats scientifiques ». De son côté, Christine Fassert nous assure avoir été d’accord pour retirer ou reformuler des passages mais il lui est difficile de faire comprendre ce processus d’écriture à ses collègues de l’académie. « Pour mon collaborateur japonais, c’était inimaginable », nous confie-t-elle.
« Nous publions parfois des résultats qui ne correspondent pas à ce que le gouvernement veut entendre. »
Patrick Bueso, IRSN
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Articles “non-finalisés”. Lorsque ce sont des pans entiers qui sont supprimés – avec comme explication « ce n’est pas le message que l’on veut faire passer à l’IRSN » –, la sociologue refuse de soumettre des articles « vidés de leur sens ». Ce sera le cas pour deux papiers, nous dit-elle. Patrick Bueso l’affirme, « il n’y a quasiment aucune publication finalisée refusée à l’IRSN. Christine Fassert avait reconnu à l’époque qu’elles ne pouvaient pas sortir comme ça. »
Communication breakdown. En regard, la chercheuse déplore le manque de clarté sur le poste qu’elle a accepté il y a onze ans : « Si les chercheurs ne sont pas libres, l’IRSN doit le dire publiquement et l’assumer ». Patrice Bueso s’oppose à ce constat : « Il n’y a pas de “message” à faire passer à l’IRSN. Nous publions parfois des résultats qui ne correspondent pas à ce que le gouvernement veut entendre. »
La suite au prochain épisode. Christine Fassert a déposé une requête aux Prud’hommes, l’instruction devrait avoir lieu d’ici la fin de l’année.
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Pas logés à la même enseigne
Dans le droit français, il n’existe pas de liberté scientifique à proprement parler, mais une liberté académique qui s’exerce uniquement pour les chercheurs et enseignants-chercheurs dans le public, explique Charles Fortier. Les chercheurs des Epic — établissement public à caractère industriel et commercial, dont font partie le CEA, l’IRSN et bien d’autres — « sont recrutés au service d’une démarche industrielle ciblée (…) et non pas spécifiquement pour contribuer au développement des connaissances. »
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Envie d’apprendre ou d’initier les nouveaux à la science ouverte ? A l’asSO est un jeu de plateau avec questions et gages et peut se jouer en ligne !
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3 questions à… Sylvain Laurens
« La vulgarisation est investie par les lobbys »
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Co-auteur des Gardiens de la raison avec deux journalistes du Monde, il dénonce les nouveaux mécanismes de la désinformation scientifique. |
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On reconnaît un bon sociologue à sa bibliothèque.
Est-ce en tant que chercheur que vous avez participé à ce livre ? C’est avant tout une enquête journalistique, pas un ouvrage académique destiné à être présenté dans des séminaires. Il s’agit plutôt d’un cri, d’une prise de position, qui aurait pu prendre la forme d’un essai, sauf qu’on voulait être plus factuel et poser des éléments empiriques. Nous avons mené de nombreux entretiens et nous nous appuyons sur des preuves. Et c’est aussi en tant que chercheur voyant son propre univers professionnel détourné de sa finalité que je cosigne le livre.
Pourquoi les chercheurs doivent-ils s’emparer du sujet ? Les chercheurs en poste se sont éloignés des activités de vulgarisation, alors que cet espace de la médiation peut donner des prises aux industriels. De plus, la diminution du nombre de postes incitent de nombreux jeunes scientifiques à se lancer dans la médiation afin de garder un lien avec la science, sans avoir toutes les clés : ce milieu fait l’objet d’investissements par des lobbyistes.
Quel est le problème avec la communauté de jeunes vulgarisateurs que vous dénoncez ? On ne dénonce pas une communauté. Lorsqu’on est vulgarisateur, on ne parle pas seulement de son domaine de compétence et il arrive que certains reprennent des arguments sans vérifier d’où ils viennent. Mais l’immense majorité est de bonne foi. Le livre montre notamment le rôle joué par les agences dites de micro-influence qui se donnent pour tâche de repérer les chaînes Youtube les plus pertinentes pour leurs clients et les nourrir en contenu.
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Des infos en passant //////// Les livres de SHS en open access ont un plus fort impact, selon une étude de Mike Taylor sur arxiv //////// Fini l’open science, l’ERC sort de coalitionS. Les chercheurs pourront maintenant publier dans des revues hybrides //////// C’est l’open access week du 19 au 25 octobre avec pour thème « Ouvrir avec intention : renforcer l’équité et l’inclusion de manière structurante ». Des événements auront lieu partout dans le monde, vous pouvez d’ailleurs en organiser un ! //////// Couperin a mené une nouvelle enquête sur les pratiques de publications et d’open access. Voici les résultats à l’université de Lorraine //////// Les cotisations pour HAL augmentent ! Elles passent de 5000 à 18000€ pour les plus gros établissements //////// Une enquête belge révèle que la moitié des docteurs abandonne avant la fin. Analyse par Marianne Le Gagneur //////// |
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Votre revue
de presse express |
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Et pour finir…
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Il y a mieux comme campagne de sensibilisation… Une publi concluant que les personnes intelligentes sont plus enclines à utiliser des préservatifs vient d’être retirée.
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