đź”· Le luxe selon Nature



02 dĂ©cembre 2020 /// L’actu de la profession
On rompt
une promesse

C’Ă©tait, certes, une promesse faite Ă  soi-mĂŞme mais enfin : on s’Ă©tait jurĂ© de ne pas parler de la loi Recherche durant tout un numĂ©ro. RatĂ© pour au moins deux raisons.
La première est l’attente d’un dernier rebondissement. Une centaine de dĂ©putĂ©s et sĂ©nateurs ont en effet dĂ©posĂ© un recours contre le texte au Conseil constitutionnel. Attendons-donc le Palais Royal.
La deuxième est une dĂ©mission symbolique. Celle d’un haut commis de l’Etat, comme on dit, Bernard Larrouturou, maintenant ex DGRI, qui a quittĂ© prĂ©cocement son poste et dont la lettre de dĂ©mission en dit long sur la mĂ©tĂ©o rue Descartes.
Keep calm & science hard,
Laurent de TheMetaNews



A partir d’ici 5 mn de lecture très qualifiĂ©e.


Nature en open est-elle un luxe ?

L’annonce des tarifs en « open access » des revues du groupe Nature met les chercheurs au pied du mur.




9500 euros, soit cinq de ces sacs


Une brique pour une publication ! L’annonce par le groupe Springer Nature de ses tarifs pour le gold open access, l’extensions d’un accord baptisĂ© Projekt Deal signĂ© avec l’Allemagne, occupe les esprits en cette fin d’annĂ©e. En voici tout d’abord le dĂ©tail : 

  •  9500 euros  c’est le prix pour publier un article, qui sera tĂ©lĂ©chargeable dès publication dans les 32 revues du groupe Nature Ă  partir du 1er janvier. Les anciennes modalitĂ©s de publi (abonnement et paywall) restent en vigueur.
  •  5000 euros   Le gĂ©ant de l’Ă©dition a Ă©galement annoncĂ© une expĂ©rimentation concernant six revues (Nature Genetics, Nature Methods et Nature Physics, Nature Communications, Communications Biology et Communications Physics) Ă  qui les auteurs pourront soumettre un manuscrit une seule fois pour les six. Une relecture fine (« guided review ») coĂ»tera 2190 dollars et, en cas de publication en OA, il faudra ajouter jusqu’Ă  2600 euros.

Compliance au plan S. Les tenants de l’open access sont pris entre deux feux. Le gĂ©ant de l’Ă©dition a enfin pris rĂ©solument le chemin de l’open, avec un an de retard par rapport au calendrier initial du PlanS. Mais pour les nĂ©gociateurs français, l’annonce de Nature soulève une indignation, non encore publique.
Litanie de réactions. Le prix extrêmement élevé, voire « absurde », imposé par Nature fait débat. Il est deux fois plus cher que ses concurrents les plus onéreux pour un service équivalent (autour de 5000 euros) et risque de favoriser les équipes, les institutions ou les pays qui « ont les moyens ».
Et pourtant, ça ne se refuse pas. On pense Ă  l’introduction de La vie de laboratoire de Bruno Latour : « Larry entre croquant une pomme. Il parcourt le dernier numĂ©ro de Nature ». Le prestige de l’Ă©diteur est tellement ancrĂ© dans la communautĂ© qu’on voit mal un chercheur bouder l’opportunitĂ© de publier, d’autant que l’open access a le grand mĂ©rite de rendre ses travaux plus visibles.
Une concurrence qui ne vient pas. Si Science et son Ă©diteur l’AAAS n’ont pas encore fait connaĂ®tre leurs intentions, on voit mal comment Springer pourra ĂŞtre concurrencĂ© efficacement, mĂŞme par la toute nouvelle plate forme europĂ©enne Open science europe qui vient de publier ses guidelines.


Une réaction ? Laissez-nous un message vocal

Des infos en peu de mots /////////// Ca nous touche particulièrement : le tĂ©lescope d’Arecibo s’est effondrĂ© hier soir /////////// Faut-il rouvrir les universitĂ©s dès dĂ©but janvier au lieu du 20 janvier ? Tous les reprĂ©sentants du secteur (CPU, Udice, Snesup, CFDT et d’autres) pensent que oui //////////


Trois questions Ă … Julien Aubert
« On ne peut pas interdire ces sujets à des élus »


Si vous avez ratĂ© le dĂ©but. La proposition des dĂ©putĂ©s LR Julien Aubert et Damien Abad de crĂ©er une mission d’information sur « les dĂ©rives intellectuelles idĂ©ologiques dans les milieux universitaires » a soulevĂ© de nombreuses critiques. Elle est en lien avec les prĂ©cĂ©dentes dĂ©clarations de Jean-Michel Blanquer sur « l’islamo-gauchisme » Ă  l’universitĂ©.


Première question, la plus évidente : la commission d’information que vous appelez de vos vœux verra-t-elle le jour ?
Richard Ferrand [président de l’Assemblée nationale, NDLR] s’en est lavé les mains, il a transmis notre demande la commission des Affaires culturelles, dont je ne suis pas membre. Je doute du fait qu’ils accèderont à une demande qui vient de l’opposition. Quant à la raison d’être de cette commission, le sujet a déjà beaucoup fait parler de lui par la bande ou par tribunes interposées dans les médias, il aurait été intéressant d’éclairer la représentation nationale pour le caractériser. Pour l’instant, on ne veut pas prendre la température.

Les réactions ont été unanimes pour condamner la création de cette commission…
J’ai personnellement reçu nombre de mails de professeurs, y compris des Français installés à l’étranger ou des étudiants et il y a un décalage entre ces réactions et les témoignages que j’ai reçus. J’ai déjà présidé des missions d’information [sur les blockchains, notamment, NDLR] mais étant non spécialiste du monde universitaire — je suis magistrat à la Cour des comptes —, j’ai été surpris par ces réactions immédiates devant une “simple” mission d’information, certains ayant crié crié au « fascisme», au « MacCarthysme » ou pointant l’incompétence des députés.

Un amendement finalement rejeté a failli restreindre les libertés académiques aux « valeurs de la République », votre démarche ne va-t-elle pas occulter certaines thématiques de recherche ?
La lettre que j’ai signée n’a pas toujours été relayée correctement : son objet premier était la « cancel culture » ou l’ostracisation, l’importation de thèses américaines empêchant le débat dans certaines universités. Nous l’avons ensuite élargi à « l’islamogauchisme », qui n’est venu qu’après. Nous voulions analyser d’éventuels points de convergence. Ma démarche concernait au départ plutôt les étudiants que leurs professeurs. Une mission d’information par définition ne présente pas de risque, ce n’est pas un projet de loi. Mais la logique qui voudrait qu’on fasse des recherches sur la théorie du genre ou le néoféminisme et d’en faire la promotion auprès de ses étudiants, je la réprouve totalement. Ce sont deux sujets distincts : il faut un pluralisme académique pour que, par exemple, le catholicisme social dans les campagnes puisse être étudié tout comme le néoféminisme américain et que la culture de l’ostracisme n’empêche pas les débats.

Avec la mort de Samuel Paty, Ă©tait-ce vraiment le bon moment pour mettre le sujet sur la table ?
Il est rare qu’on s’occupe de tels sujets en temps calme. Avec des raisonnements comme ça, on ne ferait jamais d’enquête sur le Covid ou sur les violences policières. Le sujet doit intéresser les acteurs pour être traités : je comprends que l’université soit bouleversée pour d’autres raisons, y compris à cause du manque de moyens. On m’a également signalé des mouvements identitaires. Mais on ne peut pas interdire à des élus de s’occuper de ces sujets, l’université n’appartient ni aux élèves, ni aux présidents, c’est un service public qui appartient aux Français. L’autonomie des universités n’est pas leur indépendance.


 Le Journal officiel au pas de charge  Dix Ă©tablissements au sein de CY Cergy Paris UniversitĂ© s’associent dans la bien nommĂ©e « CY Alliance » //////// Les Ă©tudiants paramĂ©dicaux dont les Ă©tudes durent au moins trois ans pourront dĂ©sormais voter dans les instances universitaires //////// L’Institut de France a reçu quatre donations, toutes dĂ»ment publiĂ©es (lĂ , lĂ , lĂ  et lĂ ) //////// La chaise de direction de l’Institut de physique du globe est officiellement dĂ©clarĂ©e vacante //////// Il y a des places Ă©galement vacantes aux conseils scientifiques de certains instituts du CNRS. Pour candidater, c’est par là //////// 


 Ils actualisent leur CV  Virginie Laval a Ă©tĂ© Ă©lue prĂ©sidente de l’UniversitĂ© de Poitiers toute fin novembre  //////// On vous en parle un peu plus haut mais Bernard Larrouturou a dĂ©missionnĂ© de ses fonctions Ă  la tĂŞte de la DGRI au ministère /////// Deux recteurs ont Ă©tĂ© nommĂ©s, Olivier Brandouy Ă  l’acadĂ©mie de Reims, Carole Drucker-Godard Ă  l’AcadĂ©mie de Limoges //////// Laurent Stencel a Ă©tĂ© nommĂ© directeur de la communication de l’Inria ////////


Et pour finir

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Un instant suspendu : cette chouette plane dans un nuage de bulles gonflĂ©es Ă  l’hĂ©lium pour les besoins d’une Ă©tude scientifique sur le vol des rapaces nocturnes.