🍀 Rétracter, est-ce grave docteur ?



26 mars 2021 /// L’actu des labos
Faute avouée,
à demi pardonnée

Les rétractations, on en mentionne régulièrement. Mais elles paraissent loin de nous finalement : « Pas dans mon domaine » ou bien « ce ne sont que quelques individus mal intentionnés ».
C’est le moment de faire le bilan. Combien ? Pourquoi ? Comment ? Avec toujours cette arrière-pensĂ©e : si rĂ©tracter un article est aujourd’hui encore perçu comme une infamie, pourrait-ce devenir une preuve d’intĂ©gritĂ© ?
Cette question, nous l’avons adressée à Frédérique Vidal, il y a maintenant deux mois, elle-même autrice d’un article rétracté et d’autres qui soulèvent des interrogations. Sans réponse pour l’instant.

Bonne lecture,
Lucile de TMN


Si vous n’avez que 30 secondes



A partir d’ici, cinq minutes de lecture honnĂŞte



La vertu à portée de main 


Les rĂ©tractations : punition ou preuve d’intĂ©gritĂ© ? On fait le bilan sur leurs occurrences et leurs causes.


La vertu n’est pas un luxe,
contrairement à ce téléphone.
L’ampleur des dégâts. La rétractation survient dans un cas sur 2000, si l’on considère les 25 000 recensées par Retraction Watch, rapportés aux 50 millions de publications existantes. D’après l’Observatoire des Sciences et Techniques (voir la note en annexe de ce rapport), il s’agirait plutôt d’un sur 6000.
Pas une semaine sans rĂ©tractations. Ce lundi, le blog RĂ©daction MĂ©dicale revenait sur le cas d’un plagiaire multirĂ©cidiviste qui fait maintenant partie des recordman français de la rĂ©tractation. Mais au-delĂ  de cas particuliers souvent spectaculaires, beaucoup s’accordent Ă  dire que le système est en cause, plus que les individus.
A l’insu du plein grĂ©. La rĂ©tractation n’est en gĂ©nĂ©ral pas une dĂ©marche volontaire. Si un quart provient d’erreurs involontaires (« honest errors »), une bonne moitiĂ© consiste en de la fraude ou du plagiat gĂ©nĂ©ralement dĂ©noncĂ© par un tiers. L’exemple de la prix Nobel Frances H. Arnold qui avait demandĂ© la rĂ©tractation de “son” Science est un fait rare (et saluĂ©).
« La rétractation est perçue comme une punition, alors qu’elle devrait être vue comme une action vertueuse »
Hervé Maisonneuve, Rédaction Médicale
Champions du monde. L’Iran et la Chine trĂ´nent en tĂŞte du podium, la France se place dans la moyenne europĂ©enne (toujours d’après l’OST), avec 389 rĂ©tractations recensĂ©es sur Retraction Watch. L’emblĂ©matique affaire Olivier Voinnet imprègne toujours nos esprits, avec huit articles rĂ©tractĂ©s et plus de vingt corrections pour fabrication de donnĂ©es et quelques “erreurs honnĂŞtes”.
Les fraudeurs, tous en bio ? Les nombreux scandales qui ont Ă©clatĂ©s dans ces disciplines peuvent le laisser penser : de fait, les taux de rĂ©tractation y sont dix fois plus Ă©levĂ©s qu’en informatique, toujours selon l’OST. Mais toutes les disciplines sont touchĂ©es, rappelait Michelle BergadaĂ . Plus de rĂ©tractions ne signifie pas nĂ©cessairement plus de mĂ©conduites mais aussi plus de dĂ©tection.
Prime Ă  l’honnĂŞtetĂ©. MalgrĂ© le mea culpa d’Olivier Voinnet, le malaise reste perceptible, en France comme ailleurs, lorsqu’on parle de rĂ©tracter un article. « La rĂ©tractation est perçue comme une punition, alors qu’elle devrait ĂŞtre vue comme une action vertueuse, notamment de la part des Ă©diteurs », dĂ©clare HervĂ© Maisonneuve en faisant rĂ©fĂ©rence au « Lancet gate » de juin dernier.
 L’idĂ©al de vertu ?  En cas de rĂ©tractation, publier un second article corrigĂ© est essentiel afin de ne pas laisser planer de doutes sur les conclusions de l’article rĂ©tractĂ©.


Vous avez déjà retiré un papier ? Témoignez

Les rétractations,
un indicateur d’intégrité ?
Il y a un paradoxe : le nombre de rĂ©tractations reflète Ă  la fois des manquements Ă  l’intĂ©gritĂ© mais peut aussi ĂŞtre le signe d’une surveillance accrue… et donc devenir un indicateur d’auto-rĂ©gulation. Un rapport de juin dernier sur l’intĂ©gritĂ© — produit par l’inspection gĂ©nĂ©rale de l’ESR — recommandait de « publier annuellement, en tant qu’indicateurs d’activitĂ© (et pas d’efficience), des donnĂ©es (…) sur les rĂ©tractations ». Cette mission serait confiĂ©e Ă  l’Office français de l’intĂ©gritĂ© scientifique (Ofis), qui vient de se choisir une nouvelle directrice. Affaire Ă  suivre.


Quatre questions Ă … Ivan Oransky
« Récompensons les rétractations pour erreur »


Journaliste spécialisé dans le médical, Ivan Oransky a fondé Retraction Watch qui dénonce les méconduites et recense les articles rétractés.




© Elizabeth Solaka
Une rétractation est encore vue par les chercheurs comme une punition. Pourquoi ?
Lorsqu’un article est rĂ©tractĂ©, leur carrière en est directement affectĂ©e : ils peuvent rater une promotion ou un financement, voire perdre leur emploi. Certains accusent la rĂ©tractation, mais le vrai problème est celui de l’incitation : on ne les pousse qu’à publier.
Comment inciter les chercheurs Ă  admettre leurs erreurs ?
Nous pouvons les rĂ©compenser. En rĂ©alitĂ©, c’est le fonctionnement de la science qui est en cause. Les chercheurs devraient prendre plus de distance par rapport Ă  leurs publications : par exemple, les rĂ©tractations pour erreurs pourraient ĂŞtre mentionnĂ©es comme un Ă©lĂ©ment-clĂ© du CV, Ă  cĂ´tĂ© d’autres mentions comme « J’ai rendu mes donnĂ©es et mon code disponibles pour examen ».
Selon vous, le nombre de rĂ©tractations peut-il ĂŞtre un indicateur d’intĂ©gritĂ© ?
Non, car le taux est encore trop faible – beaucoup plus de papiers devraient ĂŞtre rĂ©tractĂ©s. En utilisant le taux de rĂ©tractation comme indicateur, on risque de punir les revues, les universitĂ©s et les chercheurs. Cependant, le taux de rĂ©tractation reflète Ă©galement la rĂ©gulation d’un domaine de recherche et donc une progression de l’intĂ©gritĂ©.
Les sciences de la vie sont-elles plus affectées que les autres domaines ?

En valeur absolue et sans tenir compte d’autres facteurs, c’est une statistique dĂ©nuĂ©e de sens. Les sciences de la vie produisent plus d’articles et retiennent davantage l’attention, en partie parce qu’elles peuvent avoir un impact direct sur la sociĂ©tĂ©. Et des personnes comme Elisabeth Bik font un excellent travail pour trouver des fraudes dans les publications en sciences de la vie. Bien sĂ»r, si vous les passer au crible, vous trouverez plus de cas.


 Dix ans de surveillance.  Fondé en 2010 par Ivan Oransky et Adam Marcus, Retraction Watch était au départ un blog qui informait sur les rétractions au fil de l’eau et enquêtait sur leurs circonstances. Puis en 2018, après en avoir recensé plus de 18000, l’équipe crée une base de données ouverte.


Un outil dans le vent
La visio autrement




Vous pouvez choisir plus festif.
 Papoter entre collègues, ça manque, non ?  Avez-vous essayé SpacialChat ? Gratuit jusqu’à 25 personnes, cet outil de visioconférence est unique en son genre : chaque participant peut se déplacer dans l’espace virtuel (jusqu’à trois pièces différentes) et parler à tous ou en privé aux personnes autour de lui. Il est également possible d’afficher des images, Gif ou vidéos. Parfait pour les réunions, les présentations en petit nombre, des mini sessions posters ou même des pots de thèse virtuels !


Un chiffre Ă  fĂŞter
 1 
C’est le nombre de bougies sur le premier gâteau d’anniversaire de Camille NoĂ»s. Créé par RogueESR, ce chercheur fictif incarnant l’aspect collectif de la science s’est invitĂ© sur presque 200 publications. De quoi dĂ©trĂ´ner les “Highly Cited Researchers” !


 Des infos en passant   Premier numĂ©ro d’une infolettre Sciences et sociĂ©tĂ© par le ministère de la Recherche //////// H2020, c’est fini mais les programmes SkĹ‚odowska-Marie Curie continuent avec Horizon Europe. Les appels Ă  candidature s’ouvrent le 18 mai pour les doctorants et postdocs //////// Sciences et sociĂ©tĂ© toujours, l’appel Ă  manifestation d’intĂ©rĂŞt de l’ANR est ouvert jusqu’au 30 mars //////// Les chercheurs prĂ©fèrent la version publiĂ©e d’un article plutĂ´t que son preprint, rĂ©vèle (sans grande surprise) une Ă©tude de Springer Nature //////// 


//////// Votre sujet d’Ă©tude n’est pas simple ? Candidatez au prix de thèse Systèmes Complexes (qui sont un domaine de recherche Ă  part entière) //////// Un an après le dĂ©but de l’épidĂ©mie, l’Agence Nationale de la Recherche fait le bilan des projets financĂ©s sur la Covid-19 //////// Sciences et sociĂ©tĂ©s enfin, un sondage sur les recherches participatives en SHS est organisĂ© par l’initiative europĂ©enne Collaborative Engagement on Societal Issues //////// 


Votre revue
de presse express



Et pour finir…
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Musicologues. Le boléro de Ravel, vous connaissez ? Oui mais peut-être pas méthodiquement décortiqué et analysé de cette façon. Le tout magnifiquement présenté par l’agence de design italienne Mentine.