Le Sigaps. Derrière cet acronyme barbare (comme beaucoup) se cache le Système d’interrogation, de gestion et d’analyse des publications scientifiques. Développé en 2002 par le CHU de Lille, ce logiciel attribue pour chaque publication et par auteur un nombre de points sur deux critères : la notoriété de la revue — un espèce de facteur d’impact corrigé —, et le rang des auteurs. Ces points (entre 1 et 32) sont ensuite directement monétisés : 600 euros par an pendant quatre ans pour l’établissement (chiffre 2017).
En toute opacité. C’est ainsi que sont attribués environ un quart des budgets des MERRI (déclinaison et explication) : 944 millions d’euros en 2016. Les établissements qui en bénéficient sont de tous types : centre hospitalo-universitaire (80%), centres de lutte contre le cancer (10%), établissements privés… Mais une fois encaissés, la répartition des budgets reste souvent très opaque, nous confie Hervé Maisonneuve, grand connaisseur du sujet.
« Ces indicateurs ne font pas l’objet de contrôles suffisants. »
Rapport de la Cour des comptes sur le rôle des CHU, 2017
Au vu et au su de tous. En 2017, la Cour des comptes dénonçait dans son rapport un modèle d’allocation « de plus en plus fondé sur des critères de performance », ainsi que le manque de pertinence de ce type d’indicateurs pour déterminer les besoins réels des établissements. De leur côté, les chercheurs sont bien évidemment soumis à une compétition exacerbée – les fameuses querelles pour être premier auteur – entre les médecins hospitalo-universitaires (employés par les CHU) et les chercheurs non hospitaliers (employés le plus souvent par l’Inserm).
Echanges de bons procédés. Hervé Maisonneuve parle sans détours d’une véritable « mafia » autour de Sigaps. Les établissements proposent des vacations à des chercheurs non hospitaliers pour bénéficier de leurs publications ; l’annuaire des personnels est en effet déclaré par l’établissement mais jamais contrôlé. Autre exemple, le groupe privé Ramsay reverse environ 30% à ses médecins « pour les indemniser de leur temps investi ». Depuis la révélation de ces dysfonctionnements par la Cour des comptes en 2017, « rien n’a changé », déplore Hervé Maisonneuve.