🔶 Exit la 5G, bonjour la 6G


26 avril 2021 | Une innovation décryptée 
Du porno
dans l ‘ascenseur

C’est fou comme une petite phrase peut parfois « imprimer Â» : c’est le cas de celle-ci, prononcée par le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle en juillet dernier : « la 5G servira à regarder du porno dans l’ascenseur en HD ».
Grenoble, c’est pourtant la ville où est implantée le Leti, un des centres de recherche les plus actifs en France sur le successeur de la 5G… la bien-nommée 6G, dont le déploiement commencera en 2030.
Car après la 5G, la 6G viendra… mais dans un monde qui ne ressemblera sûrement que de loin à celui d’aujourd’hui. En particulier parce que l’Europe a pris l’engagement de la neutralité carbone pour 2050.
On ne sait pas exactement ce que la 6G (et encore moins la 7G) permettra de regarder dans l’ascenseur (ou ailleurs) mais on est allé interroger ceux qui en ont une petite idée aujourd’hui.

Bonne lecture,
Laurent de TheMetaNews
 PS  Merci au CEA et à Orange Labs d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Dans 15 jours, retrouvez Lucile avec un numéro spécial climat sur le stockage du carbone.


Si vous n’avez que 30 secondes



5 min de lecture à convertir en Gb/s


 Tout vient de la paillasse 
La 6G, c’est la 5G (en mieux)
La prochaine génération des réseaux de data mobile fait l’actu mais n’est pas encore sortie des laboratoires.


Celui-là n’était pas rapide
mais réputé indestructible
En pleine gestation. C’est en Finlande à l’université de Oulu qu’a été lancé en  2018 le premier programme de développement de la 6G au niveau mondial. Depuis, les parties prenantes se mettent en ordre de marche, puisque pas moins de neuf programmes européens se sont lancés depuis janvier 2021, dont Hexa-X. Ce fut également le cas en 2020 aux USA (NextG Alliance), au Japon, en Corée du Sud mais aussi évidemment en Chine.
Encore plus vite. Vous connaissez peut-être la loi de Moore, qui veut que la puissance de calcul double tous les 18 mois. En matière de télécommunications, il s’agit de la loi de Edholm qui décrit une courbe similaire pour les débits de données. En d’autres termes, la 6G apporterait :
  •  Des débits plus élevés  de l’ordre du terabit par seconde (20 films en HD), soit à 10 à 100 fois plus que la 5G.   
  •  Un temps de latence réduit  qui pourrait tomber sous la milliseconde (4 Ã  5 ms pour la 5G), ce temps de latence est important dans certaines applis comme la réalité virtuelle.

Les yeux ouverts. Côté applications, c’est évidemment beaucoup plus prospectif mais puisqu’il faut bien faire rêver, les sources consultées (dont celle-ci) présentent de nombreux scénarios d’usage plus ou moins utopiques. Jean-René Lèquepeys, du CEA-Leti, en cite d’autres :

 Â« Beaucoup pensent que les lunettes « augmentées Â» vont jouer un rôle clef à l’avenir (…) On s’achemine vers de la reconnaissance de gestes, de la traduction automatique en temps réel où les intonations, les mots, les accents d’un interlocuteur étranger pourraient être traduits en temps réel. La 6G pourrait porter ce genre d’applications ou de nouvelles comme le pilotage de robots à distance ou la localisation temps réel de colis. »

Acceptabilité cruciale. Les réticences légitimes au déploiement de la 5G (agrémentées de complotisme) incitent tous les acteurs à marcher sur des Å“ufs à la fois sur les aspects environnementaux et sanitaires. Si aucun risque clair pour la santé ne semble être clairement identifié, la prudence reste de mise, d’autant que la 6G impliquera l’implantation d’antennes-relais, toujours selon Jean-René Lèquepeys :

« Plus vous montez en débit (et c’est le cas avec la 6G a priori ), plus vous êtes amenés à monter en fréquence, les distances de communication deviennent plus courtes avec des cellules de plus petites tailles (…) Il faudra en conséquence multiplier les stations de base avec des cellules de plus petite tailles »

 Si vous avez le temps.  La guerre d’influence entre les USA et la Chine mènera-t-elle à une partition numérique du monde de la téléphonie ? Ce papier de l’Ecole de guerre économique estime l’hypothèse plausible.


Un chiffre plutôt qu’un long discours
 75% 
Bilan carbone. Les trois quarts de l’impact écologique de la téléphonie mobile ne dépendraient pas des réseaux mais des terminaux, en d’autres termes de nos téléphones, rappelle Orange. Si l’enjeu écologique est bel et bien pris en compte dans la 6G — ses promoteurs veulent diminuer par 100 la facture énergétique d’un bit transmis —, elle reposerait aussi à l’avenir entre les mains de ses utilisateurs et des fabricants. A quoi bon diminuer d’un facteur 100 l’énergie d’un bit si leur consommation est multipliée par 1000 ? Par ailleurs, augmenter la durée de vie des téléphones d’un an pourrait économiser 2,1 millions de tonnes de CO2 par an jusqu’en 2030, estime la Commission européenne… mais le passage à la 5G et in fine à la 6G imposera d’en changer.


Trois questions à Eric Hardouin
« On ne peut qu’imaginer les besoins en 2030 Â»
Dix ans, ce n’est pas encore demain pour ce chercheur de chez Orange Labs. 


Qui est Eric Hardouin ?
Plus de détails

La 6G devrait être déployée vers 2030. Quels en seront les contours ?
Ce que sera en détails la 6G est un grand point d’interrogation mais nous travaillons aujourd’hui à ce qu’elle pourrait être. En termes de nouveaux usages, nous travaillons sur deux axes complémentaires, qui se nourrissent mutuellement : un travail sur les technologies pour repousser les limites de performance possibles, et un travail d’imagination — sans qu’elle soit totalement débridée — pour créer de nouveaux usages qui créent de la valeur pour la société grâce à ces nouvelles performances.

Quels seraient ces nouveaux usages précisément ?
Des capacités de communication plus immersives, une plus faible consommation énergétique dans les villes…. ce que nous développons doit bien sûr être faisable techniquement mais aussi soutenable au niveau environnemental. La condition est que la mise en Å“uvre de la technologie soit économiquement viable pour tous les acteurs impliqués. On ne peut qu’imaginer les besoins de 2030 : notre hantise est de développer des technologies qui ne servent à rien.

Les enjeux écologiques sont-ils anticipés ?
Nous avons une conviction, celle que la 6G doit être pensée dès le début pour remplir des objectifs sociétaux : par exemple, dépenser beaucoup moins d’énergie pour un bit transmis, améliorer la résilience des réseaux et l’inclusion numérique. Ce réflexe d’améliorer l’efficacité énergétique au moins autant que les débits n’est pas encore présent chez tous les acteurs, mais nous travaillons à faire progresser la prise de conscience.


 Des infos en vrac  L’incubateur Nubbo de la région Occitanie a annoncé sa promotion 2021, composée de neuf start-up à tendance deeptech //////////// Le géant Atos et Inria lance un partenariat de recherche et d’innovationqui les amènera à répondre à des appels à projets (…) à encadrer des thèses Cifre ou encore « à consolider des équipes de recherche communes » autour de six thématiques /////////// A peine créé, l’European innovation council lance son premier appel à financement pour les start-up, à hauteur d’un milliard d’euros /////////// Labos publics, industriels, la première session de l’appel Labcom est lancée pour 2021 /////////// Le CNRS a remis ses médailles de l’innovation pour 2021, si vous voulez voir le palmarès ///////////


Un trombi non exhaustif 
 Le visionnaire.  Ce papier de Claude Shannon baptisé « A Mathematical Theory of Communication » pose les bases de la théorie de l’information et donc des télécommunications modernes (mais pas seulement). Pour les curieux, ce documentaire est très bien fait.
 Le discret.  La première occurence de l’idée d’un téléphone mobile n’eut pas lieu dans une revue académique mais en 1945 dans un quotidien américain, le Saturday evening post, par le chef des PTT américaines de l’époque, un certain JK Jett. Son idée mit 40 ans à s’imposer.
 Les éponymes.   Ce sont des ingénieurs des Bell Labs (du nom d’Alexander Graham Bell ici en portrait ) qui imaginent la téléphonie cellulaire à partir des années 50. Elle permet de multiplier les communications et d’en diminuer le coût énergétique.
 Le portatif.  Le sans-fil, c’est bien, le portable c’est mieux. Martin Cooper, chercheur chez Motorola se met en scène en 1972 en train de passer le premier coup de fil grâce à un téléphone vraiment portatif à son rival des Bell Labs. Le prototype pesait plus d’un kilo et avait une autonomie très limitée.
 La data, la data.  On fait un saut dans le temps pour arriver directement Ã  la 4G, toujours aux Bell labs (rachetés par Nokia en 2016), avec les travaux de Gerard Foschini sur la technologie MIMO, qui ont ouvert la voie à la 4G que nous connaissons aujourd’hui.


Ils parlent d’inno (alors on vous en parle)



Et pour finir
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Il y a quelques jours, le 19 avril, nous fêtions le bicycle day. Non pas cette journée de la bicyclette mais l’anniversaire de la découverte du LSD par Albert Hofmann, alors chercheur chez Sandoz. On vous en dira plus dans un prochain numéro.