🍀 Où il sera question de secret d'État

18 février 2022 | La recherche et ses pratiques

Femme, chercheuse

ordinaire

Chercheuses en or. Vendredi dernier nous célébrions la Journée internationale des femmes et des filles de science. L’occasion pour tous les établissements de recherche de mettre en avant leurs “meilleures” chercheuses. On a donc assisté à un défilé de femmes d’exception, primées et médaillées.

Modèles inaccessibles. Mais si l’objectif est de donner des modèles aux jeunes filles, n’est-ce pas contre-productif ? Car le message peut être interprété de la manière suivante : pour devenir scientifique, il faut être exceptionnelle. Retour à la case départ côté identification.

Excellence ordinaire. Sans compter que cette mise en avant de l’excellence ne représente pas la majorité des chercheuses “ordinaires” qui font juste avancer la recherche à leur modeste mesure… et peuvent se sentir dévalorisées face à cette injonction au succès.

Des hommes pressés. Mais ce dernier point n’est peut-être pas qu’un problème pour les femmes, comme en témoignent certains hommes.

Bonne lecture,
Lucile de TMN

 PS.  Je serai en congés la semaine prochaine, je vous retrouve le 03 mars !

Si vous n’avez que 30 secondes

• Les chercheurs surveillés, Félix Tréguer vous alerte
• Des infos en passant
• Votre revue de presse express
• Et pour finir avec …

Cinq minutes dans le monde de la recherche

Trois questions à… Félix Tréguer

« Le cadre juridique français ne protège pas les chercheurs »

Travailler sur des sujets sensibles n’est pas sans conséquences pour la communauté, s’inquiète ce chercheur très au fait.

 Si vous avez raté le début  Chercheur en sciences sociales et membre de La Quadrature du Net, association de défense et de promotion des droits et libertés sur Internet, Félix Tréguer s’intéresse à la surveillance numérique des chercheurs. C’est l’objet d’un chapitre de l’ouvrage L’enquête en danger tout juste paru ; nous y reviendrons dans un prochain numéro. Ici, nous l’abordons sous l’angle de la surveillance d’État.

Avez-vous en tête des cas concrets de chercheurs surveillés par l’État ?
Les cas documentés sont très rares, étant généralement couverts par le secret d’État. Le plus emblématique est celui de Thierry Dominici au début des années 2000. Lors de son doctorat, il enquêtait sur les milieux nationalistes corses et fit l’objet d’une surveillance par la section antiterroriste de la police judiciaire, avant d’être perquisitionné à son domicile avec une saisie de l’ensemble de ses notes, carnets et matériaux informatiques sur lesquels il avait consigné ses enquêtes de terrain. Il a dû changer de sujet pour finir sa thèse [ne pouvant récupérer ses notes, NDLR] et a été intimidé par ses enquêtés qui voyaient d’un mauvais œil le fait qu’il ait été perquisitionné.

De quelle protection bénéficient les chercheurs ?
Le cadre juridique français ne les protège pas. Au moment de la loi renseignement de 2015, le Conseil constitutionnel avait été saisi et il lui avait été demandé de reconnaître aux chercheurs le statut de profession protégée comme les journalistes, avocats, magistrats, etc [qui leur permet notamment de conserver le secret de leurs sources, NDLR]. Mais le Conseil s’y est opposé, estimant que le principe d’indépendance des enseignants-chercheurs n’impliquait pas qu’ils bénéficient d’une protection juridique particulière [point 36 de la jurisprudence, NDLR]. Pourtant, un certain nombre de chercheuses et chercheurs qui enquêtent sur des terrains sensibles constituent des cibles pour les services de renseignements et peuvent donc tomber sous le coup de leur surveillance.

Quelles sont les conséquences ?
La surveillance des chercheurs risque tout d’abord de briser la relation de confiance avec les enquêtés. Le sociologue Marwan Mohammed en témoignait, il a dû renoncer à ses recherches sur la radicalisation par crainte d’attirer l’attention des autorités. Lors d’un colloque en 2018, un certain nombre de doctorants rapportaient des cas sur des terrains étrangers, notamment au Moyen-Orient, où ils avaient été aux prises avec les forces de sécurité locales mais également suspectés par les services de renseignement à leur retour en France, ce qui les avaient beaucoup déstabilisés. Les conséquences peuvent donc aussi bien être psychologiques que professionnelles, voire matérielles pour ceux qui n’ont pas de poste permanent, a fortiori en l’absence de toute solidarité de la part du milieu académique.

 Des infos en passant  Les premiers concernés doivent être au courant mais pour les autres : les résultats de l’étape 1 des appels à projets génériques de l’ANR sont tombés //////// Appels à projets toujours, Cap Digital vous propose un panorama de ceux en R&D le 1er mars //////// 

Vous aimez ce que vous lisez ? Alors réfléchissez à deux fois avant de nous transférer : une fois ça va, vingt fois, bonjour les dégâts.

//////// Et maintenant, on fait quoi ? Vaste question à laquelle un collectif de membres de l’Université Grenoble-Alpes essaiera de répondre lors d’un colloque-action les 23 et 24 mars //////// Le mouvement #MeTooFac passe à l’action : l’association Nous Toutes UPEC a développé Safeprof, un outil pour lutter contre les violences entre étudiantes et enseignants //////// On vous avait annoncé l’appel à candidature, voici les résultats du prix du logiciel libre organisé par le comité pour la science ouverte. Pour cette occasion, l’association pour la promotion et défense du logiciel libre (April) a d’ailleurs réalisé un podcast //////// 

Votre revue de presse express

• Jamais deux sans trois. Une revue a publié un article rétracté onze mois auparavant et commenté sur Pubpeer. Comment les reviewers ont-ils pu le rater ? Devrait-on rémunérer le peer review, se demande Retraction Watch. Vous pouvez également relire notre numéro à ce sujet.
• Un œil discret. Une doctorante chinoise qui passe ses nuits au labo et qui se connecte aux ordinateurs avec les identifiants d’autres doctorants ? Mediapart retrace l’histoire de l’espionne Xuan Wu qui n’a pas tardé à éveiller les soupçons au sein des Arts et Métiers de Metz, quelques mois après l’alerte sénatoriale (dont TheMetaNews vous parlait).

• Métaux rares. La science inspire largement le célèbre dessinateur Enki Bilal, bientôt exposé au Musée de l’Homme à Paris. L’artiste en atteste dans un entretien croisé avec le biologiste Guillaume Lecointre, réalisé par Sciences&Avenir.

Et pour finir

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En écho au “Et pour finir” de Laurent mercredi, voici un autre train, mais celui-ci volant ! L’impressionnant film tourné à bord et conservé au Museum of Modern Art a tout juste 120 ans cette année.