Bertrand Chapron : « Ces articles ne seront jamais cités »­­­

Ce chercheur de l’Ifremer a vu son nom apparaître sur des publications malgré lui. Une usurpation d’identité qu’il essaye de comprendre.

— Le 11 mars 2022

­Quelle a été votre réaction quand vous avez appris votre usurpation d’identité ?
J’ai plutôt rigolé lorsque j’ai eu connaissance de ces publications dont j’étais supposé être co-auteur : je changeais d’adresse, de domaine de recherche… Je suis en fin de carrière et cela ne présente aucun risque, si ce n’est un possible préjudice pour le laboratoire. Pour un jeune chercheur, ce serait certainement beaucoup plus embêtant.

A quoi ressemblent les articles ?
Intrigué, je les ai lus et c’était assez aberrant : sujets incohérents, méthodes infondées… La responsabilité des éditeurs m’a semblé clairement engagée. J’ai cherché à savoir si les articles n’étaient pas issus d’agrégations d’autres écrits et articles d’autres auteurs. Auraient-ils pu être écrits par une technique d’intelligence artificielle [relire notre numéro sur la génération de faux articles, NDLR] ? Mais non, ces articles n’avaient même pas cet intérêt-là !

Quelles sont les motivations des auteurs, d’après vous ?
Je m’interroge. Ces articles ne seront jamais cités, seulement par eux, au mieux. Pour de petites universités, il s’agit peut-être de créer des liens avec des universités plus reconnues via les affiliations des auteurs. Les filtres bibliométriques n’analysent pas les contenus, seulement quelques mots-clés, les auteurs et leurs affiliations.

Les chercheurs sont-ils armés contre ça ?
Le travail de Marianne Alunno-Bruscia est important car le monde de la recherche est en évolution et de plus en plus de piratage et détournements sont à venir. Les éditeurs doivent être plus scrupuleux et les chercheurs doivent être éduqués pour être armés contre le harponnage [à ne pas confondre avec l’hameçonnage, NDLR] et les escroqueries.

­­­ Restez vigilant.  « Certains articles passent sous les radars de grosses bases comme Scopus ou Web of Science mais sont recensés par Google Scholar », explique la déléguée à la déontologie et à l’intégrité scientifique de l’Ifremer Marianne Alunno-Bruscia. Cette dernière conseille à tous les chercheurs de vérifier régulièrement dans quelles publications leurs noms apparaissent.­­

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