La suspension voire la rupture des relations avec la Russie de Poutine ne se fera pas sans mal ni sans dégâts pour les chercheurs. Si vous avez raté le début. La guerre russe en Ukraine a provoqué une déflagration mondiale et la science n’est pas épargnée. À l’heure des prises de position politique se dessine aussi un retrait de la Russie de la recherche, dû à la fois aux sanctions internationales et à sa volonté d’isolationnisme. Brouillard. C’est l’heure de choisir son camp, au moins pour ceux qui le peuvent. L’Union des recteurs de Russie l’a fait le 04 mars en soutenant sans failles « l’opération spéciale » de Vladimir Poutine en Ukraine, s’attirant immédiatement les foudres de ses homologues internationaux (l’EUA et France Universités). Manichéen. Dans la réalité, les relations nouées entre institutions et scientifiques sont mis sur pause. Le retrait de grandes institutions françaises possédant des liens avec la Russie (ANR, CNRS…) ont rapidement eu des conséquences directes au-delà de l’Oural même si l’Allemagne « a de plus intenses collaborations avec la Russie que la France », nous confie une source. Comptez-vous. Pour préciser le cas du CNRS, l’organisme cogère cinq International research laboratories (IRL) en Russie, deux à Moscou, deux à Novossibirsk, un à Iakoustk, dont trois avec du personnel affecté, qui ne sera pas rapatrié pour le moment. Il recense 65 formes de collaboration « faisant l’objet d’un soutien financier » et coproduit 2000 publications par an. Des chiffres néanmoins en baisse ces dernières années. Sièges éjectables. Il semble en effet plus aisé d’éjecter la Russie de ses strapontins (comme au Cern où elle n’est qu’observatrice) que de ses mandats de plein droit comme dans ITER, dont elle est cofondatrice avec l’Union européenne, la Chine, l’Inde… L’institution n’a d’ailleurs pas encore fait entendre sa voix, contrairement à de très nombreuses autres. À 400 km au dessus de nos têtes, rien ne semble avoir changé dans l’International space station (ISS). Facteur d’impact. Un dernier front commence à se dessiner : celui des publications scientifiques. Les Russes doivent-ils être bannis des éditeurs internationaux ? Si de grands éditeurs ont écarté la possibilité malgré la pression de scientifiques ukrainiens, les Russes eux-mêmes pourraient succomber à l’isolationnisme en se retirant de Web of science ou Scopus, comme a menacé de le faire son ministre de la Recherche, Dmitry Chernyshenko. A la vie… Comme le résume crûment Nikita Tananaev, chercheur sur le permafrost à Iakoustk (et courageux signataire de l’appel des 7000) : « Si dans deux semaines, rien n’avance sur le front, nous paierons les échecs de notre armée, le gouvernement voudra trouver des traîtres au sein de son pays. » |
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Notre analyse. La chape de plomb ne concerne pas que les chercheurs : une collègue journaliste scientifique russe nous confiait qu’avec la loi récemment votée punissant de 15 ans d’emprisonnement toute incartade, l’exercice du journalisme, scientifique ou non, était de facto devenu « illégal ». De nombreux médias internationaux (BBC, CBC, Radio Canada, ARD, ZDF, CNN, CBS, la RAI, El Pais, RTVE, EFE ou Bloomberg) ont déjà quitté le pays. |