MDPI, éditeur prédateur ?

18.11.2022 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Entre deux eaux

À la dérive. Une recherche sans étrangers, ça donnerait quoi ? Alors que le difficile accueil en France des 230 passagers de l’Ocean Viking fait les gros titres et agite les peurs politiciennes, notamment à l’extrême droite, je saisis l’opportunité de poser vous la question.

Perte de valeurs. Si vous l’ignoriez, la proportion d’étrangers dans la recherche française dépasse les 20% et participe à son rayonnement, explique François Héran, professeur au Collège de France, spécialiste du droit d’asile et des migrations, dans Mediapart.

À suivre. Un sujet qui mérite attention et qui rejoint les enjeux liés aux frais d’inscription des étudiants étrangers ou celui des doctorants étrangers, qui eux représentent près de 40% des effectifs en France. Ça vous intéresse ? Dites-le nous et nous y reviendrons dans un prochain numéro.

Zone grise. Pour l’heure, ce numéro est consacré à ces éditeurs aux pratiques controversées, dont le poids dans l’édition scientifique explose… j’ai nommé MDPI et ses acolytes. Par ailleurs, un grand merci à notre nouvelle journaliste en alternance, Noémie Berroir, qui a confectionné votre revue de presse.

À très vite, 
— Lucile de TheMetaNews.

PS. Déjà 21% pour notre campagne « Demain, ouvrir TMN » ! N’oubliez pas : à 100%, on lève le paywall en 2023.

Sommaire

→  ANALYSE  MDPI et consorts, éditeurs entre deux eaux
→  UN CHIFFRE  Des spams en masse
→  UN OUTIL  Irez-vous sur Mastodon ?
→  EXPRESS  Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR L’arbre qui ne cache pas de forêt

TEMPS DE LECTURE : 3 ou 7 MINUTES

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ANALYSE

Ces éditeurs dans la zone grise


Prédatrice pour certains, opportunité de publication sans égale pour d’autres, la maison d’édition MDPI, explose ses scores de publication mais reste un sujet d’interrogation pour la communauté. Elle n’est pas la seule.

Avez-vous reçu cette semaine un email de MDPI ou de Frontiers vous proposant de contribuer à un numéro spécial ? Si ce n’est pas le cas, vous avez de la chance car certains de vos collègues ne sont pas épargnés, avec parfois plusieurs sollicitations hebdomadaires de la part de ces éditeurs aux méthodes douteuses, et ce depuis des années (…)

UN CHIFFRE

1280

C’est le nombre de courriels indésirables qu’a reçu en cinq ans – presque un par jour – un jeune chercheur dans le domaine du biomédical. Auteur d’un article publié dans Learned publishing, Owen W. Tomlinson a reçu son premier spam au milieu de sa thèse, trois mois après avoir soumis un abstract à une conférence internationale. La grande majorité correspond à du harponnage par des revues prédatrices (990), suivies par les conférences prédatrices (220) et d’autres sollicitations. Parmi les prédateurs identifiés, la plupart proviennent des USA et notamment de l’état du Delaware – une pratique apparemment connue. Selon l’auteur, les demandes de désinscription ne fonctionnent que partiellement.

UN OUTIL

Irez-vous sur Mastodon ?

Les habitués des réseaux ne parlent que de ça : depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, la crainte de voir la plateforme se transformer en nid à “fake news” au nom du “free speech” cher à son nouveau patron pousse un grand nombre d’utilisateurs à migrer vers l’alternative open source répondant au nom – un peu moins élégant – de Mastodon. Une chercheuse australienne vous éclaire dans The Conversation sur la façon d’y ouvrir un compte et le fonctionnement de la plateforme. Si celle-ci ressemble beaucoup à Twitter – on publie des messages courts et publics –, sa conception est optimisée pour d’autres usages, explique le magazine Nature dans son guide pour les scientifiques. De par son hébergement décentralisé, il est moins évident d’être lu par le plus grand nombre, un inconvénient pour ceux qui souhaitent communiquer largement sur leurs recherches ou la science en général. En revanche, Mastodon semble parfait pour la discussion entre pairs au sein d’une communauté et accueille des débats plus sereins, selon les premiers témoignages. Un aller simple pour le pays des Mammutidae ? Une partie des scientifiques ont déjà créé leur compte sur Mastodon et attendent de voir comment les choses évoluent, rapporte Science Mag. Pour Hilda Bastian, c’est la lune de miel, raconte-t-elle avec enthousiasme sur son blog de Plos.

EXPRESS

Des infos en passant


● À la source. Au sein du Comité pour la science ouverte (CSO), le groupe de travail sur les logiciels libres et open source devient le collège Codes sources et logiciels avec, entre autres, comme objectif de « construire et maintenir un catalogue national des logiciels de recherche ». Vous en avez développé ? Contactez-les.

● Élitiste mais intègre. Clarivate révèle la liste des Highly Cited Researchers 2022 où figurent près de 7 000 chercheuses et chercheurs de par le monde. La France se place en huitième position avec 134 auteurs à succès. Grâce à un partenariat avec Retraction Watch, les scientifiques coupables de méconduites n’y figurent a priori plus – pas de trace effectivement du professeur Didier Raoult, on a vérifié. 

● On track. Jeunes docteurs en SHS, faites-vous financer un postdoc de deux ans et accompagner pour une première candidature à l’ERC Starting Grants grâce au programme Access ERC de l’ANR. Le critère principal ? Être entre 2 et 7 ans après le doctorat. Un webinaire de présentation aura lieu le 30 novembre – ici pour s’inscrire –, pour un dépôt des dossiers le 5 janvier 2023.

● Passeport scientifique. Comment utilisez-vous ORCID : un peu, beaucoup, à la folie ? Répondez à l’enquête sur les identifiants numériques des chercheurs lancée par le réseau des Unités régionales de formation à l’information scientifique et technique (URFIST). Et si tout cela est du chinois pour vous, notre encadré sur ORCID vous éclairera peut-être sur les enjeux.

● h-index carboné. Prendre l’avion permet aux jeunes chercheurs d’obtenir de la visibilité scientifique… et aux plus seniors de la conserver. C’est ce que démontre une étude publiée dans Environmental research par des membres du collectif Labos1point5 sur la corrélation entre fréquence des voyages en avion et h-index. Ce résultat contredit les études précédentes qui ne montraient pas de relation entre les deux – relire notre numéro à ce sujet.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Concurrence déloyale. Face à une industrie florissante proposant des salaires bien plus attrayants, les biologistes de l’Université de Californie ont de plus en plus de difficultés à recruter des post-docs. Les mauvaises conditions de travail poussent les doctorants, qui menacent même de faire grève, à fuir la recherche académique, rapporte le site spécialisé STAT.

→ Et de deux… Le Cneser (comité consultatif du ministère de la recherche) a innocenté pour la deuxième fois, et sans aucune justification, un enseignant de l’Université Lyon-2 accusé de harcèlement sexuel par sa doctorante, rapporte Médiacités Lyon. Cette  décision ne fait pas l’unanimité et suscite de nombreuses critiques quant au fonctionnement du Cneser.

→ Case prison. L’astrophysicien français Jérôme Guilet – qui témoignait déjà pour TMN – revient sur son engagement pour le climat en tant que scientifique et sur les dernières actions de Scientifiques en Rébellion dans une interview menée par Basta! Le séjour en prison de seize chercheurs a beaucoup fait réagir – plus de 1400 scientifiques avaient signé une tribune en soutien.

→ Avec contrefaçons. Le nombre d’articles contrefaits ne cessent de croître en Chine, s’inquiète le média américain The BL (pour Beauty of Life). Plagiat, falsification de données mais aussi “ghostwriting” – production de fausses études contre de l’argent – sont devenus monnaie courante afin d’obtenir financements ou promotions. Un phénomène qui risque d’entacher définitivement la crédibilité internationale de la recherche chinoise.

→ Faux espions. Accusée depuis sept ans d’espionnage pour la Chine, la chercheuse sino-américaine Sherry Chen a obtenu justice. Elle devrait recevoir près de deux millions de dollars de dommages et intérêts, explique MIT Technology Review. Une victoire symbolique qui, Sherry Chen l’espère, servira d’exemple pour ses compatriotes comme elle diffamés.

L’ARBRE QUI NE CACHE PAS DE FORÊT

Et pour finir…


Une belle illustration de la surprise qu’on peut avoir à la lecture de certains papiers…