USA, Royaume-Uni, les raisons de la colère

Des mouvements sociaux de grande ampleur se déroulent en ce moment aux États-Unis et au Royaume-Uni. Explications.

— Le 7 décembre 2022

Manchester United. C’est tout un secteur qui s’est soulevé contre son gouvernement les 24, 25 et 30 novembre derniers. Les universitaires se sont lancés dans une grève d’une ampleur inédite Outre-Manche, sous la bannière rose de leur principal syndicat, l’University and College Union (UCU). Ce dernier multiplie les actions depuis 2018 : près de 70 000 universitaires devaient suivre le mouvement. Ses revendications (listées ici) concernent les salaires, les conditions de travail et les pensions de retraite. Si ça vous rappelle quelque chose, c’est normal, les préoccupations de vos collègues anglo-saxons ne sont pas très éloignées des personnels de recherche français telles qu’exprimées durant les protestations qui ont précédé le vote de la loi Recherche, notamment en juillet 2020.

Les syndicats réclament 13,6% d’augmentation au gouvernement

Ô brother. Le journal Nature a interrogé trois scientifiques britanniques à la veille de leurs actions ; leurs motivations ne vous seront pas étrangères : augmentation de la démographie étudiante, problème de gestion des ressources humaines… tous craignent pour la qualité de leur recherche à cause de la charge de travail excessive qui leur est imposée sans compensation salariale. S’il fallait voir le verre à moitié plein, il semble que la mobilisation ait en partie porté ses fruits, puisque l’intersyndicale a annoncé l’ouverture de négociations avec le gouvernement au lendemain des manifestations, concernant les salaires et les conditions de travail dans le secteur. Les deux parties ont jusqu’au 31 janvier 2023 pour s’entendre.

Convergence des luttes. En attendant, à Manchester, Londres ou Newcastle, plusieurs milliers d’universitaires se sont rassemblés pour manifester ou autour de piquet de grèves, dénonçant des augmentations de salaires cantonnées à 3% en mai dernier — l’inflation au Royaume-Uni approche les 10% — ainsi que plus généralement pour dénoncer la précarité grandissante d’un milieu où « 68% des chercheurs ont des contrats à durée déterminée », comme on peut le lire sur cette bannière déployée le 25 novembre. De fait, l’UCU réclamait une augmentation massive de 13,6% des rémunérations pour combler les effets de l’inflation et assurer un “extra” aux personnels concernés. Une proposition évidemment repoussée par l’Universities and Colleges Employers Association (UCEA), représentant les “patrons” du secteur.

Les négociations ont jusqu’à fin janvier pour aboutir

Yellow jackets. La mobilisation des universitaires anglais survient dans un pays au climat social dégradé depuis des semaines, notamment suite à l’éruption du mouvement « Don’t pay », des citoyens refusant de s’acquitter de leurs factures d’énergies. Les universitaires étaient par ailleurs déjà descendus dans la rue en février dernier pour protester contre des coupes dans leur régime de retraite. Pour satisfaire les désidératas des manifestants et de leurs syndicats, des économistes du secteur conseillent d’accorder une augmentation de 8% aux personnels universitaires, comme le rapporte Times Higher Education. D’autant que le niveau élevé des rémunérations des doyens d’université fait parfois grincer des dents Outre-Manche.

Royal air farce. Les polémiques volant en escadrille, le premier ministre Rishi Sunak a annoncé le 25 novembre restreindre les possibilités d’accueil des étudiants étrangers au Royaume-Uni pour limiter l’immigration et le regroupement familial dans le pays, comme l’a rapporté la BBC. Une décision que les universités ont accueilli avec effroi, une proportion non négligeable de leurs recettes provenant des droits d’inscription de ces mêmes étudiants. Les plus petites et les moins réputées d’entre elles craignent d’être impactées par la mesure qui n’affecterait Cambridge ou Oxford et consorts que dans une moindre mesure. 

Messieurs les Anglais. En France, le temps n’est pas à la révolte mais à la gestion de l’après Loi Recherche, avec une ministre, Sylvie Retailleau, qui en gère le « service après vente ». Mais si les chercheurs français avaient une baguette magique, que changeraient-ils dans le système ? C’est la question qu’a posé Denis Wirtz, vice-président Recherche de l’université John Hopkins (USA) aux twittos de l’ESR, qui lui ont répondu en substance : des moyens, des personnels et du temps. Comme quoi avec les Anglais, l’incompréhension n’est toujours totale.

Les jeunes chercheurs ont gain de cause en Californie

Chose promise, chose due. Traversons maintenant l’Atlantique où des milliers de jeunes chercheurs, après des semaines de mobilisation, ont réussi à arracher un accord avec l’Université de Californie, un géant de l’enseignement supérieur et de la recherche aux États-Unis qui accueille 200 000 étudiants et près de 150 000 personnels de recherche sur dix campus dans tout l’État. Il a fallu pour cela 15 jours de piquets de grève très suivis. L’Université de Californie a en effet annoncé le 29 novembre dernier la signature d’un accord sur cinq ans avec le principal syndicat rassemblant un quart des 50 000 grévistes, rapporte le magazine Science qui suit de près le mouvement. Neal Sweaney, post doc en biologie à l’université de Californie, l’a confirmé lors d’une conférence de presse où il a présenté les accords concernant les postdocs et les chercheurs (consultables ici). Pour les premiers, le salaire minimum devrait être augmenté à hauteur de 70 000 dollars d’ici à 2027. En attendant la signature définitive de ces accords, les grèves continuent.

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