Jean Sibilia : « Il y a une maladie endémique dans la recherche »

— Le 29 mai 2019
Jean Sibilia, président de la Conférence des Doyens des Facultés de médecine, tire la sonnette d’alarme sur l’état de la recherche médicale française et avance une série de propositions communes aux filières santé, la première étant un choc de simplification.

Vous alertez sur le déclin de la recherche française, en particulier médicale. Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion ?


JS. : Nous avons, au nom de la conférence des doyens de médecine et des autres conférences de santé décidé de faire un état des lieux. De nombreux rapports, tous concordants (ministère, Cour des comptes…) existaient, sans qu’une synthèse en ait été faite. C’est maintenant chose faite et nous en avons tiré 38 propositions très opérationnelles que nous allons hiérarchiser. Avec de nombreux chercheurs et de grandes personnalités de la recherche, nous préparons une tribune que nous diffuserons bientôt. Nous partageons le constat que, malgré ses atouts et ses avancées, il y a une maladie endémique dans la recherche en France. Ce sentiment de déclin est d’ailleurs partagé par de nombreux chercheurs.

La préparation de la loi de programmation de la recherche vous donne donc cette occasion…

JS. : Nous devons aujourd’hui alerter les institutionnels et les politiques, qui expriment souvent une forme de déni, ne reconnaissant pas suffisamment le déclin de notre recherche. Il faut repartir du terrain, se saisir de ce défi sans précédent et essayer de ranimer notre recherche médicale. Je suis médecin-chercheur, directeur adjoint d’une unité Inserm depuis dix ans, je n’ai donc pas perdu ce regard. La loi de programmation de la recherche qui se prépare n’est pas thématisée. La recherche médicale n’y est pas suffisamment représentée ; nous voulons collectivement la défendre, cette recherche a fait la réputation de notre pays et est une formidable source d’innovation, d’attractivité et de richesse pour nos universités et nos territoires.


Si vous ne deviez retenir qu’une de vos propositions, laquelle serait–ce ?

JS. : Ce serait de simplifier le système. L’organisation est trop compliquée, on a ajouté des couches au fil des années sans supprimer les anciennes, il faut reconfier à chacun sa mission première, pour que les chercheurs puissent se consacrer à leur tâche. Ils sont aujourd’hui noyés dans des réponses à des organismes multiples, aux financements fragmentés – à l’exception notable de ceux de l’European research council –. Chercher à obtenir une grant de l’ANR d’un montant de 50 000 ou 100 000 euros avec un taux de réussite de 10% ou 15% est une déperdition d’énergie et de moyens. Ce n’est pas de cette manière là que nous concurrencerons efficacement les pays émergents ou même européens sur la scène internationale.

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