Votre liberté ou comment la protéger

19.11.2025 • N° 547 • LA RECHERCHE ET SA POLITIQUE


Du temps pour penser

Libéré, délivré. Nous avons la liberté de la presse. Vous avez la liberté académique. Deux libertés professionnelles au coeur de nos métiers, deux piliers de la démocratie qui se doivent d’être défendus au même titre.

Alerte orange… Malgré cela, l’intérêt pour la liberté académique est récent dans l’Hexagone. Il a fallu le retour de Donald Trump ou la menace de plus en plus tangible du Rassemblement national en France pour en reparler.

… Et rouge. De la politique fiction, direz-vous ? L’annulation d’un colloque sur l’Europe et la Palestine au Collège de France il y a quelques jours a remis le sujet sur le devant de la scène (plus d’infos ci-dessous).

Être ou ne pas être. Alors pour protéger la liberté académique, faut-il l’inscrire dans la constitution ? Le débat est ouvert et est au coeur de notre analyse du jour, signée à quatre mains par Laurent et moi-même.

Bonne lecture,
— Noémie de TheMetaNews

Sommaire

→  ANALYSE Liberté académique dans la Constitution
→  EXPRESS Le Collège dans la tourmente, les jeunes docteurs en sursis
→  LA VIE DE L’ESR Quelques nominations à la cantonade
→  CHIFFRE Les dépenses de recherche en France
→  EXPRESS Votre revue de presse
ET POUR FINIR À vos oreilles

TEMPS DE LECTURE : 6 ou 12 MINUTES

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ANALYSE

La liberté académique doit-elle être gravée dans le marbre ?

Faut-il renforcer l’arsenal juridique autour de la liberté académique ? La tentation est grande devant la montée de l’illibéralisme mais il existe des risques.

↳ Quiproquos. Traiter de la question de la liberté académique en France, c’est d’abord se heurter à un mur d’incompréhension. Petit retour le 28 octobre 2020 lors des débats parlementaires de la Loi de Programmation de la Recherche (LPR), la « grande loi » de financement de la recherche. Plus précisément au Sénat (…)

EXPRESS

Pendant ce temps-là dans la recherche


→ Crise de colloque. C’est LA grande affaire de la semaine dernière : l’annulation du colloque « Palestine et Europe » organisé au sein du Collège de France, avant que celui-ci ne se tienne finalement à huis clos au Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (pour le revisionner, c’est ici), qui en était le co-organisateur. On en sait plus aujourd’hui sur les raisons de son annulation : tout d’abord la lettre de l’actuel ministre de la Recherche Philippe Baptiste (merci RogueESR) pointant à Thomas Römer, administrateur du Collège, « le manque de pluralisme » dudit colloque a fuité. Il y exprime également à titre personnel « son profond désaccord » avec le choix de sa thématique et l’invite à agir en connaissance de cause. Soit à peu près le maximum de pression qui peut être faite à l’écrit sans contrevenir à la liberté académique. Inutile de dire que cette décision a déclenché un tsunami de réactions, dont une pétition appelant à la démission de Philippe Baptiste, une manifestation syndicale hier à 17h devant le ministère, etc. À l’origine de cette polémique, un signalement par l’association Action avocats (merci AEF) ainsi que par la la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui tient à se défendre contre toute ingérence académique. L’administrateur du Collège a donné une interview à L’Obs ↯ où il met en avant « les risques réels » de sécurité liés à la tenue de ce colloque et les « nuits sans sommeil » qui ont mené à cette décision. Bientôt l’acte 2 ? Un colloque sur la Palestine sera organisé le 16 décembre par le chercheur Didier Fassin au sein des mêmes murs • 

→ Hello again. L’annulation de l’aide à l’embauche de jeunes docteurs pour raisons d’économie avait fait grand bruit dans le monde de l’innovation depuis plusieurs mois (relire notre analyse sur le sujet signée Noémie Berroir), bloquant voire annulant le recrutement de PhD dans les entreprises. Heureusement, la filière a trouvé son héraut en la personne de Paul Midy, député Renaissance de l’Essonne, qui a défendu sa réintroduction dans la prochaine loi de finances (PLF) au sein du Crédit impôt recherche. Avec succès, puisque son amendement a été voté le 14 novembre ; espérons que la joie du secteur ne sera pas de courte durée avant le passage au Sénat et la délibération finale de ce PLF à hauts risques qui, à ce rythme, n’arrivera pas avant la fin décembre • 

EXPRESS

C’est la vie de l’ESR


→ Le JO au pas de course. Le taux de promotion pour l’année 2025 dans le corps des conservateurs des bibliothèques est fixé à 16% • Une note de service du ministère est publiée pour présenter les modalités de recrutement, de mobilité et de déroulement de carrière des personnels des bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, pédagogiques, sociaux et de santé (BIATPSS) 

Ils réimpriment leur carte de visite. Votre ancienne ministre de tutelle Sylvie Retailleau a été récemment nommée au conseil d’administration du cimentier Ecocem, qui vient d’inaugurer son centre de recherche et d’innovation à Paris-Saclay • Nathanaël Mion est nommé conseiller discours et prospective au cabinet du ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace • Khaled Ahmed El-Enany Ali Ezz, professeur d’égyptologie à l’Université d’Hélouan en Égypte et titulaire d’un doctorat de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, a été nommé directeur général de l’Unesco • Geneviève Berger, ancienne directrice générale du CNRS,a été élue présidente du Conseil d’orientation stratégique de l’Université Paris-Saclay • Deux membres du corps des attachés d’administration de l’État sont nommés directeur général des services (DGS) : Nicolas Boistayà l’université de La Rochelle et Alain Helleu à l’université de Picardie Jules Verne • Sébastien Saez est nommé directeur de l’École d’ingénieurs de l’université de Caen Normandie (Esix) • Christine Campagne est nommée directrice de l’École nationale supérieure des arts et industries textiles • Plusieurs nominations au conseil scientifique de l’Institut national du cancer en qualité d’experts médicaux et scientifiques •

→ Et si c’était pour vous ? Le poste de délégué territorial à la recherche et à la technologie pour la collectivité de Nouvelle-Calédonie et des îles Wallis et Futuna est déclaré vacant à compter du 1er février 2026 • Celui de directeur de l’École supérieure d’ingénieurs Réunion Océan Indien (Esiroi) — école interne de l’université de La Réunion — également mais à compter du 1er janvier 2026 

EXPRESS

61,5 milliards

En 2023, la dépense intérieure de recherche et développement expérimental (DIRD) — soit la recherche et développement (R&D) exécutés sur le territoire français — a été de 61,5 milliards d’euros explique une récente note du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace. Un chiffre en baisse de 0,5% par rapport à 2022. L’effort de recherche français est de 2,18% du PIB, en baisse de 4 points par rapport à 2022. La note expose également les premières estimations pour l’année 2024 : la DIRD s’établirait à 63,6 milliards d’euros, « une augmentation de 1,3 % ». Cette hausse associée à une croissance du PIB de 1,2 % en 2024, conduirait à une stabilité de l’effort de recherche.

EXPRESS

Votre revue de presse


Mais genre. L’université française est-elle vraiment sous influence ? Dans le cadre d’un Complément d’enquête sur le « wokisme », l’émission de France 2 a consacré une partie de son reportage au milieu universitaire pour étudier les accusations auxquelles il fait face de manière récurrente. Ils rencontrent notamment Étienne Ollion, sociologue au CNRS et auteur d’une large étude sur l’influence du courant « woke » sur l’ensemble de la publication scientifique en sciences sociales.

Du tout au tout. Dans une interview à Libération, le récent prix Nobel d’économie Philippe Aghion est revenu sur « les grands sujets qui animent la discussion économique » ↯. Et la liste est longue : le budget français, la réforme des retraites, les rapports économiques avec la Chine ou les États-Unis, l’IA mais aussi l’élection présidentielle de 2027 ou la taxe Zucman. Nous vous parlions justement de sa présence dans le débat public il y a quelques semaines

Long terme. Dans une tribune au Monde, le chercheur en neurobiologie et professeur émérite au collège de France Alain Prochiantz, plaide pour un financement durable du risque ↯, essentiel à la recherche et à l’innovation scientifique et médicale. Et repère des obstacles à la recherche tant sur l’aspect financier que dans le fonctionnement des institutions de recherche. 

Money, money, money. Le budget 2026 en discussion au Parlement n’augure à première vue rien de bon pour les universités — nous vous en parlions. Lamri Adoui, président de l’université de Caen Normandie ainsi que de France Universités, revient sur la situation préoccupante des établissements ↯ dans une interview aux Échos. De son côté, Le Monde dénonce un budget de la recherche en trompe-l’œil ↯ du fait d’une surévaluation budgétaire pour financer une partie des pensions des fonctionnaires.

Liens menant à des articles derrière un paywall :

À VOS OREILLES

Et pour finir…


Si vous aimez la musique ou que vous avez juste envie de faire une pause dans vos recherches, ce jeu est fait pour vous.