En pleine période des concours – certains dossiers sont examinés en ce moment même – Franck Lépine, ancien membre d’un des comités de section du CNRS (la 04), nous raconte l’envers du décor. Être membre d’un comité de section, on imagine que c’est une grosse dose de travail ingrat et peut-être un zeste de conflit d’intérêt. Pourquoi s’engager là-dedans ? C’est en effet un travail qui prend du temps et qui peut être délicat. Peu de gens se présentent et on m’avait convaincu de le faire. J’étais surpris d’être élu ! D’un côté, le travail dans le comité est très gratifiant car on a l’impression d’être utile pour la communauté. De l’autre, il est frustrant quand on voit passer des dizaines de bons candidats pour seulement quelques places aux concours. Je m’attendais à voir beaucoup de conflits d’intérêt, mais ce n’a pas été le cas. Nous avons évidemment tous des biais, nous ne sommes pas des ordinateurs, mais le fait d’être vingt membres autour de la table limite fortement la portée d’opinion extrême. Qu’est-ce qui est déterminant chez un candidat : son CV, son projet, l’équipe d’accueil ? Tout est important, mais rien n’est déterminant. S’il existait une carte d’identité du candidat parfait, on se priverait de certains talents. J’ai vu des gens sortir du lot alors qu’ils avaient un profil très atypique. Mon message aux potentiels candidats est de ne pas se censurer même s’ils pensent ne pas avoir le profil parfait. Par contre, lorsqu’on s’y engage, le concours se prépare très en amont et avec l’équipe d’accueil. L’audition également doit être soignée. Lorsque les candidats confondent l’audition avec une conférence ce peut être rédhibitoire. Le comité n’est pas intéressé par les détails de la dernière publication du candidat, il veut savoir si c’est la bonne personne pour ce projet et dans ce laboratoire. Certains candidats se plaignent du manque de transparence des décisions et de l’absence d’un retour officiel. Qu’en pensez-vous ? Contrairement à ce que certains pensent, les candidats peuvent appeler les membres du comité après publication des résultats pour demander un retour, c’est complètement transparent. Mais il serait trop difficile de donner un retour officiel. Nous ne pouvons pas remplir de grille d’évaluation et résumer en dix lignes le travail de vingt personnes pendant plusieurs mois est tout simplement impossible. Par contre, chaque membre de la commission a un avis personnel – comment a-t-il perçu la candidature ? – qui est plus utile qu’un avis officiel trop succinct. De plus, il est important pour chaque candidat de discuter avec un maximum de chercheurs afin de nourrir sa réflexion. |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....