Marie-Christine Bénard « S’en prendre à ces visas n’est pas du Trump pur jus »

— Le 22 juillet 2020
Les chercheurs interdits de visa aux Etats-Unis ?
Christine Bénard qui appartient à l’Avrist livre son explication à TMN.

Comment expliquer la suspension par Donald Trump des visas H1B ?

L’explication numéro 1 est son populisme protectionniste. Il vise sa réélection en novembre : ce sujet des visas et de l’immigration « parle » globalement aux électeurs de Trump. Dans le détail, pour les USA, s’en prendre aux visas temporaires H1B — accordés à raison de trois ans, renouvelable une fois en cas de CDD contracté avec un employeur américain, pour les personnes très qualifiées — est plus complexe et moins primaire. Autrement dit ce n’est pas du Trump pur jus, c’est un souci stratégique constant des Etats-Unis. Le sujet est tout sauf nouveau et il est particulièrement sensible chez les Républicains. Je l’ai déjà connu il y a vingt ans à l’époque de George W. Bush.

Ce n’est donc pas une lubie de Donald Trump…

Depuis 20 ans, les Etats-Unis dépendent de l’importation de compétences de haut niveau en recherche, pour continuer à se maintenir comme leader international. Depuis 20 ans la proportion des jeunes Américains dans les carrières de recherche n’a cessé de diminuer car elles sont mal rémunérées et longtemps précaires, jusqu’à une éventuelle « tenure ». Pour y parvenir il faut être recruté comme « assistant professor » sur une « tenure track » [Ca ne vous rappelle, rien ?, NDLR]. D’autre part, importer des jeunes très bien formés par d’autres pays, aux frais de ces derniers, est économiquement une très bonne affaire. C’est l’identité des US : ce pays n’a cru et embelli que grâce à l’immigration.

Est-il toujours envisageable de s’expatrier scientifiquement aux USA malgré cette situation ?

La réponse à cette question ainsi formulée est compliquée car elle mélange des circonstances temporaires (la pandémie) qui n’ont rien à voir avec les parcours scientifiques d’une part et, d’autre part, des tendances lourdes sur le long terme, propres aux parcours scientifiques des premières années après la thèse, qui restent in fine assez peu sensibles pour les Français aux valses politiques américaines sur les visas. En effet, la pandémie va rester un paramètre majeur dans la circulation des chercheurs sur les 12 à 24 mois qui viennent, quelle que soit la nature de la visite ou du séjour…

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