Avec sa double casquette de sociologue des sciences et de postdoc, Emilien Schultz est le candidat parfait pour une interview sur les contrats postdoctoraux. Peu d’études, peu d’assos… Personne ne s’intéresse aux postdocs ? En effet, il n’y a que très peu de travaux et d’initiatives dédiés aux postdocs à ma connaissance – du moins en France. Les postdocs ne correspondent pas à un statut clairement défini : c’est un produit en creux d’autres catégories mieux délimitées, la thèse d’un côté et la position de chercheur ou d’enseignant chercheur-titulaire qui structurent encore beaucoup les carrières. D’une certaine manière, ils sont uniquement lus sous le statut de « docteurs » alors que leurs situations sont très hétérogènes : entre avoir une bourse Marie Curie et survivre avec un contrat à temps partiel de quelques mois, l’expérience et les activités sont complètement différentes. Il s’agit aussi d’un statut qui n’est pas revendiqué par les intéressés qui, sauf exception, veulent en sortir le plus rapidement possible. Comment expliquer leur développement en France ? La multiplication en France des contrats postdoctoraux est très liée au développement du financement sur projets, pour lequel l’ANR a été un acteur important. Il en résulte des attentes contradictoires. D’un côté, les chercheurs demandaient à pouvoir financer leurs jeunes collègues et ont donc pu le faire. De l’autre, cela a conduit à l’explosion de ce type de contrat dans les équipes sans être accompagné par une réflexion politique de leur place dans le fonctionnement de la recherche. Ainsi, lorsque l’ANR a été créée en 2005, peu de monde avait réfléchi aux conséquences – le sujet a pris de l’importance à partir des Assises de la recherche en 2012. Il n’y a alors qu’un pas à associer ce laisser-faire dans la multiplication de ce type de contrat à une volonté d’éroder les institutions existantes, comme cela peut être observé aussi par le recours aux vacataires dans les enseignements à l’université. Le postdoc représente t-il une chance de se former ou une main-d’œuvre indispensable dans les labos ? Aujourd’hui, le discours consistant à dire qu’une thèse ne suffit plus pour avoir un poste s’est généralisé et les parcours professionnels se sont complexifiés avec des exigences d’expérience à l’étranger et une augmentation du nombre de publications nécessaires. Le postdoc occupe donc un double rôle d’étape dans les carrières et de situation professionnelle à part entière, souvent subie en l’absence d’alternative. Loin d’être une activité de recherche autonome, ces chercheurs réalisent bien souvent des tâches indispensables à des recherches collectives. Il est alors important d’éviter les visions enchantées qui réduisent ce travail à une simple parenthèse vers une situation pérenne — qui souvent n’arrive jamais. Et de lutter contre leur invisibilisation au profit des chercheurs permanents dans la conduite des projets de recherche et dans le fonctionnement des laboratoires. |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....