[TMN#4] La rigueur est-elle passée de mode ?

Vous nous avez noté !

Et voici notre bulletin. Sur les trois premiers numéros de votre newsletter la moyenne de vos notes (le sondage est en pied de mail encore cette semaine) est de…

8,5/10

Très bien. Mais peut encore mieux faire !

Nous avons retenu de vos retours de nombreux points positifs… et certains négatifs, comme un besoin de repères visuels, une version anglaise, des messages tronqués, notamment sur Gmail, ou pourquoi pas une table des matières en introduction de la news.
D’autres remarques ? Répondez à ce mail, nous sommes à l’autre bout du clavier.
Laurent de TheMetaNews
PS/ Pour être sûr(e) de recevoir nos prochaines éditions, n’oubliez pas de copier/coller l’adresse « hello@themeta.news » dans votre carnet d’adresses ou de nous envoyer un mail, même vide. 🙂


Le plan S au rayon suspense

Si vous êtes en train de regarder la dernière saison de Game of thrones, vous avez une idée de ce qui se trame dans la tête des éditeurs scientifiques en attendant la révélation du plan S révisé suite à la consultation faite en début d’année. Ce grand projet, voulu par l’Europe, et qui veut tout simplement que toutes les publis des recherches financées par les membres de l’alliance cOAlitionS (qui rassemble à l’heure actuelle 11 organismes nationaux de financement de la recherche) doivent être disponibles immédiatement et en libre accès, par exemple sous licence Creative commons. C’est évidemment une pierre de la taille d’une météorite dans la cour des dinosaures de l’édition, dont Springer (Nature…) qui s’en est encore récemment inquiété. L’éditeur pointe notamment que cOAlitionS ne représente qu’une minorité des financeurs et tente une sortie par le haut en redéfinissant le rôle d’un “éditeur post plan S”. Nous y reviendrons évidemment dans les prochains numéros de TheMetaNews.


Vous reprendrez
bien une
pinte ?

Le festival Pint of science remet le couvert du 20 au 22 mai prochain dans toute la France avec une série de rencontres slash discussion slash conférences entre le grand public et des grands scientifiques sur des thèmes plus que variés, allant du cerveau à la génomique, en passant par le stress, l’astronomie… Il y en a pour satisfaire toutes les curiosités et c’est si peu cher que c’en est risible (deux euros par séance) mais il faut s’inscrire pour y montrer le bout de son éprouvette. Attention les places partent vite !


Les chercheuses au bout du fil
Ensemble tout devient possible, même l’égalité femme/homme. En janvier de l’année dernière un annuaire mondial des femmes scientifiques a été lancé par le collectif 500 women scientists. En moins d’un an, ce registre comptait 7685 personnes à fin 2018, majoritairement dans les sciences biologiques, qui y ont renseigné leur âge, leur parcours professionnel, leur discipline… d’après l’analyse qui en a été faite dans PLOS. Le but étant de faciliter notamment le recours à des oratrices pour des symposiums ou des interviews. D’après un sondage mené sur les participantes, près de 11% avaient été contactées par ce biais, même si ce chiffre semble sous-évalué. Les Américaines représentent le gros des troupes, avec la moitié des inscrites – il est que l’initiative provenait des Etats-Unis –. Les Londoniennes occupent également une place de choix dans le palmarès, ainsi que les Australiennes ou les Sud-Africaines. Les Françaises occupent une modeste quatrième place en Europe : il ne tient qu’à vous que cela change.


Pour ou contre disliker les publis ?

Petit rappel : la semaine dernière, nous vous avons posé la question de savoir si introduire une appréciation négative sur certaines publis, notamment pour affiner les raisons pour lesquelles elles sont citées, vous semblait justifié. Il semble bien que ce soit le cas, même si le faible nombre de répondants empêchera de tirer des conclusions hâtives.
Vos réponses

  • Oui, il faut introduire une appréciation négative 59,1%    
  • Non, ce n’est pas nécessaire 31,8%
  • Je ne sais pas, je ne me prononce pas 9,1%
Questionnaire en ligne sur 22 répondants entre le 07/05/19 et le 13/05/19


“ On entend beaucoup parler d’excellence mais pas de rigueur ” 

Comment monter un institut de A à Z et l’amener au plus haut niveau dans une discipline émergente ? Thierry Galli, fondateur de l’Institut de psychiatrie et de neurosciences de Paris (IPNP) qui a emménagé il y a quelques mois, en a une petite idée, tout comme sur le recrutement et l’évaluation des chercheurs. Interview.

TMN. L’IPNP est un tout jeune institut, comment avez-vous recruté les chercheurs qui le composent aujourd’hui ?

TG. Cela s’est fait de la façon suivante : l’unité Inserm était alors en bout de course et la mission qui m’était confiée par les tutelles (Inserm et Université Paris-Descartes) était de la replacer sur la scène internationale de la recherche en psychiatrie et neurosciences. Le conseil scientifique de six personnes que nous avons réuni, travaillant intégralement hors de France, a été chargé d’évaluer les candidatures reçues suite à un appel d’offre pour des chefs d’équipe. Les chercheurs de l’ancienne unité désireux de diriger ou continuer à diriger une équipe devaient aussi candidater. Nous avons fait tabula rasa d’une certaine manière et c’est certainement ce procédé qui a été le plus innovant par rapport aux habitudes françaises. Nous avons pu faire venir des gens d’horizons très divers (des neurosciences moléculaires et cellulaires jusqu’à la recherche clinique) même si ils sont moins larges qu’espérés, puisque l’interdisciplinarité que nous désirions, avec des mathématiciens, des physiciens.. n’a pu se faire.

TMN. A l’heure où l’impact factor est décrié, comment le conseil scientifique a-t-il procédé ?

VA. Ils ont utilisé des critères classiques et de notoriété, y compris les IF des journaux mais pas uniquement. Ils ont surtout passé beaucoup de temps à auditionner les candidats. C’est la clef. Il y a plusieurs problèmes bien connus avec les IF et pour l’évaluation l’on peut résumer en disant: un article dans un journaux dont l’IF est 20 n’est pas nécessairement et automatiquement “scientifiquement ou techniquement meilleur” ou “d’impact double dans le domaine” qu’un article publié dans un journal dont l’IF est 10. Il faut toujours regarder le contenu précis (qualité des données et de leur interprétation) et évaluer l’impact dans le domaine scientifique. Pour cela, il faut bien connaître le domaine et savoir positionner les travaux avec des experts. A distance, le nombre de citations d’un article peut être utilisé à condition de vérifier qu’il n’est pas cité parce qu’il est contredit. Bref, on est en droit de prendre en compte le journal dans lequel a été publié les travaux pour se faire une idée de l’effort qu’il a fallu pour qu’ils soient publiés mais cela n’épargne pas une évaluation approfondie. En passant beaucoup de temps, c’est ce que notre SAB a fait pour l’IPNP.

TMN. Pourtant tout le monde veut publier dans Nature, Cell, Science

VA. C’est l’attrait de la marque : ils ont été extrêmement intelligents en la déclinant pour élargir leur assise éditoriale. Il en va de même quand on achète une voiture, on décide souvent de la marque puis du modèle, les gens peuvent être fidèles à une marque toute leur vie. Ces journaux les plus en vue recherchent le tremblement de terre permanent, la preuve définitive. Avec leurs titres secondaires, les auteurs sont tentés de rester chez le même éditeur, un peu comme si, ne pouvant se payer le cabriolet de la marque, l’on restait malgré tout fidèle en achetant la petite citadine. Fondamentalement, le problème est que quand on veut évaluer des chercheurs, deux paramètres sont également importants : la rigueur et la créativité. L’une ne devrait pas aller sans l’autre. La condition première et obligatoire pour recruter est la rigueur. Sans rigueur, on peut se fourvoyer et fourvoyer ses collègues or, depuis dix ans, on entend trop peu parler de rigueur et beaucoup trop d’excellence. La prime trop importante à la nouveauté et à la créativité sans bonne estimation de la rigueur est probablement la cause de rétractations d’articles médiatiques.


Une enquête sur les jeunes chercheurs

Si vous avez moins de 35 ans, doctorant, docteur ou en contrat de recherche, alors vous cochez toutes les cases pour aller cocher celle de la grande étude diffusée par le projet de recherche Harbingers – réservez-vous tout de même 25 minutes dans votre emploi du temps –, afin de connaître vos habitudes en termes de publications, d’Open science, etc. Si vous voulez en savoir plus sur les raisons du pourquoi de cette enquête, c’est par ici.


2500


C’est le nombre de papiers qui ont été publiés en preprint depuis la mise en place du partenariat entre PLOS et bioRxiv il y a pile un an. Ce dont se félicite PLOS. Et vous, avez-vous déjà publié en preprint ? Qu’en avez-vous pensé ? (Répondez-nous par retour de mail)


Une solution pour les gros fichiers

Renater, c’est le fournisseur d’accès internet (FAI) pour beaucoup de chercheurs en France. Sachez que ce FAI pas comme les autres, puisque c’est le vôtre, vous propose dorénavant un service équivalent, après connexion avec vos identifiants, à celui de Wetransfer pour l’envoi de fichiers lourds, voire très lourds : jusqu’à 100 Go. Attention toutefois, le lien de partage expire au bout de trois semaines, ce qui pourra être un peu court pour certaines utilisations. Renater assure néanmoins avoir mis à l’étude l’extension de cette durée. On vous tiendra informés.


L’Allemagne mise sur l’éprouvette

Dans la série “on est bien outre-Rhin”, le gouvernement fédéral allemand est sur le point d’assurer à la recherche allemande près de 10 ans de tranquillité financière, avec des financements en croissance de 3% par an pendant cette période, en contrepartie d’évaluations annuelles et quinquennales, note Science. Au total, le boost se monte à 17 milliards d’euros ! En France, au moment où les groupes de travail discutent hardiment de la future loi de programmation de la recherche en France, voilà un exemple à suivre. Notons tout de même qu’Angela Merkel – qui a une thèse de chimie quantique, rappelons-le – doit encore donner à ce méga coup de pouce son approbation finale début juin.


IL L’A DIT

« Quand on travaille à l’échelle nano, est-ce de la physique, de la chimie, des mathématiques ? (…) C’est ce que j’appelle la superdisciplinarité »

Mauro Ferrari
prochain président de l’ERC
(Source : Science)

Le biais positif est de retour 

Le chemin vers la preuve scientifique est semé d’embûches. A ce titre, l’impact de la publication sélective d’études uniquement positives, pour des raisons que vous imaginez bien, est encore  méconnu. Mais, bien entendu, des chercheurs s’y penchent, notamment Robbie Van Aert, premier auteur d’un papier intitulé “Publication bias examined in meta-analyses from psychology and medicine: A meta-meta-analysis”, publié dans PLOS One et dont une intéressante interview est parue dans Retraction watch. Il s’est penché sur cette gangrène intellectuelle avec un focus sur les publis en médecine et psychologie avec près de 600 études passées au crible… et ses résultats sont contre-intuitifs. Cette méta-méta-analyse (qu’à TheMetaNews nous ne pouvons évidemment qu’approuver) montre en effet que si biais il y a, son effet est léger.


Que les bilingues lèvent le doigt

L’association HackYourPhd est très impliquée dans l’open science et continue de le prouver. Dans un billet publié le 13 mai dernier, elle en appelle aux bonnes volontés anglophones pour parfaire la traduction de l’Open science training handbook, “à destination des formateurs et formatrices en Science ouvertes”, pour qu’il soit encore plus accessible aux francophones. La version à traduire est disponible ici, inscrivez-vous !


Demandez les appels à projet

  • Il ne reste que quelques jours pour répondre à l’appel à proposition de l’ANR concernant les “labcom” (laboratoires communs) public et entreprises, qu’elles soient de petite taille (PME) ou de taille intermédiaire (ETI), puisque le 24 mai, ce sera trop tard pour la première session ! Une deuxième est prévue en octobre prochain. A la clef, 350 000 euros sur 54 mois.
  • Il en va de même pour l’appel de l’ANR baptisé “Ecophyto-maturation” dont l’objet est de limiter l’utilisation de phytosanitaires dans l’agriculture et destiné à la fois aux équipes publiques et privées. C’est le 22 mai prochain que cet appel sera définitivement clos et tous les dossier déposés pour des sommes pouvant aller jusqu’à 450 000 euros.
  • La saison des tulipes est passée mais les candidatures au prix scientifique franco-néerlandais Descartes-Huygens 2019, d’un montant de 23 000 euros, sont ouvertes jusqu’au 1er juillet . Il s’adresse à l’ensemble des domaines scientifiques, “y compris les sciences humaines et sociales” pour les chercheurs qui ont obtenu leur doctorat depuis plus de 8 ans. Une seule condition mais elle est drastique : être Néerlandais.
  • Pourquoi ne pas tenter le prix de la Fondation Medisite ? Il est doté de 20 000 euros et se destine aux neurosciences, hors maladies dégénératives. Le dépôt des dossiers devra être fait avant le 30 juin prochain pour un résultat en fin d’année et une cérémonie de remise officielle début 2020.
  • Epilepsie, enfin. La deadline des appels à projet de la FFRE, au nombre de quatre – “comprendre”, “soigner”, le prix Valérie Chamaillard et un prix “soutien aux pays émergents –, à la dotation variant entre 10 000 et 95 000 euros, approche puisque les dossiers sont à rendre le 1er juillet.


ET POUR FINIR

(NO SPOILER) On a commencé cette news avec Game of thrones, on la clôturera également sur la série phénomène de George R R Martin, dont la dernière saison est apparemment à couper le souffle surtout quand on apprend que Daenerys est en réalité… Non pas de spoiler, on avait promis.



Qui sommes-nous ?


Laurent Simon

Né depuis une quarantaine d’années, journaliste depuis quinze ans, dont dix ans de rédaction en chef en presse pro, docteur en pharmacie et récemment diplômé du master médias de Sciences po Paris, où TheMetaNews a été pensé pour la première fois. Oh ! Il a un père chercheur qui est certainement pour quelque chose dans tout ça.

Eddie Barazzuol

Né également depuis une quarantaine d’années, il est passé par Le Figaro, la presse quotidienne régionale, AEF ou La Recherche où il a exercé ses compétences en communication, marketing mais aussi en organisation d’évènements. Freelance depuis 2018, il n’a plus quitté la compagnie des chercheurs, puisqu’il a développé et lancé la grande enquête GenerationPhD.