[TMN#6] La Recherche Passée Au Scanner

A la veille d’un jeudi de l’Ascension que vous passerez peut-être au laboratoire en manip, chez vous à faire de la biblio ou tout simplement à regarder l’intérieur de vos paupières, voici notre condensé de l’actu de la semaine.

[TMN#6], c’est une semaine en 6 mn chrono !
Laurent de TheMetaNews


Précisions sur [TMN#5]

Dans la série « on a des lecteurs formidables » (oui, vous), voici quelques correctifs sur notre précédent numéro Spécial européennes :

  • Pierre Karleskind n’est pas PhD en philosophie mais tout simplement PhD (on a bêtement recopié le LinkedIn). Merci à Dimitri Chuard.
  • Le Parti communiste emmené par Ian Brossat avait bien un programme ESR et il était plutôt très complet (voir page 16). Cette acuité, on la doit à Léa Doubtsof.
  • Et puis ça on l’a vu nous-même (on est donc un peu formidables) : on a écorché le nom d’Alexandre Auric, qui s’appelle en fait Audric Alexandre, candidat du parti des citoyens européens.

Les sociétés savantes scannent toujours

Une loi de programmation de la recherche, ça se prépare. Les résultats du deuxième volet de la grande enquête (1540 réponses !) des sociétés savantes sur l’emploi des chercheurs sont parus et, en attendant la synthèse commentée, il est riche d’enseignements. Nous n’en tirerons que quelques données brutes pour le moment :  

  • Vous êtes plus de 80% à penser que « la stabilité de l’emploi encourage à la prise de risques ».
  • Vous êtes très partagés sur la mise en place de « tenure track » à la française, consistant en gros en un CDD de 4 à 6 ans précédant une éventuelle titularisation.
  • En revanche, les conditions de l’emploi temporaire dans l’ESR sont
    « iniques » pour 80% d’entre vous.
  • On finit par un autre consensus : pour attirer plus de jeunes, il faut selon vous à plus de 90% « améliorer les débouchés du doctorat » ou « mieux financer les laboratoires de recherche ».

Reste encore un dernier volet sur les relations entre recherche publique et société, vous avez encore quelques heures pour y répondre.


Avez-vous déjà publié en preprint ?

C’est dans l’air du temps. Dans une com’ parue mi-mai, l’éditeur Springer Nature a décidé de ne plus « seulement soutenir » les publications en preprint mais de les « encourager » en levant l’ambiguïté sur deux points : premièrement, les auteurs peuvent choisir la licence qui les arrange pour publier, « y compris Creative commons » et Springer jure dans un deuxième temps que ce choix n’impactera pas une éventuelle publi dans un de leurs journaux. Et vous, alors, avez-vous déjà tenté le preprint ?

*|SURVEY: Oui, à plusieurs reprises|*
*|SURVEY: Oui, une seule fois|* *|SURVEY: Non mais je l'envisage|* *|SURVEY: Non, je ne le ferai pas|* *|SURVEY: Je ne sais pas, je ne me prononce pas|*


LifeTime veut garder le cap

Ce n’est pas une bonne nouvelle qu’a appris début mai le consortium franco-allemand LifeTime, dont nous interviewions la tête de pont française, Geneviève Almouzni dans notre [TMN#2]. En effet, le projet semble ne pas avoir été retenu dans le mega appel à projets européens Horizon Europe, le successeur d’H2020, dont les contours se précisent peu à peu, rapporte Science business. Néanmoins, dans un message rédigé au nom de tous les “LifeTimers”, elle et Nikolaus Rajewsky ne baissent pas les bras et, forts des soutiens de leurs gouvernements et d’officiels européens, déclarent vouloir « trouver de nouveaux mécanismes pour pérenniser de tels projets ». LifeTime continuera donc, « à pleine vitesse ». Difficile de savoir de quoi l’avenir sera fait, surtout que les élections au Parlement ont rebattu les cartes.


Des enseignants sous le Smic
Etre titulaire d’un master et être payé moins que le salaire minimum ? C’est possible pour les jeunes chercheurs effectuant des vacations d’enseignement et c’est ce que dénonce cette année encore leur Confédération. La règle de trois est assez simple : le Smic est à 10,03 euros bruts, une heure de vacation est payée 41,41 euros bruts mais représentent 4,2 h de travail effectif… soit 17 centimes sous le salaire minimum !


« Il y a une maladie endémique dans la recherche » 

Jean Sibilia, président de la Conférence des Doyens des Facultés de médecine, tire la sonnette d’alarme sur l’état de la recherche médicale française et avance une série de propositions communes aux filières santé, la première étant un choc de simplification.

Jean SibiliaTMN. Vous alertez sur le déclin de la recherche française, en particulier médicale. Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion ?

JS. Nous avons, au nom de la conférence des doyens de médecine et des autres conférences de santé décidé de faire un état des lieux. De nombreux rapports, tous concordants (ministère, Cour des comptes…) existaient, sans qu’une synthèse en ait été faite. C’est maintenant chose faite et nous en avons tiré 38 propositions très opérationnelles que nous allons hiérarchiser. Avec de nombreux chercheurs et de grandes personnalités de la recherche, nous préparons une tribune que nous diffuserons bientôt. Nous partageons le constat que, malgré ses atouts et ses avancées, il y a une maladie endémique dans la recherche en France. Ce sentiment de déclin est d’ailleurs partagé par de nombreux chercheurs.

TMN. La préparation de la loi de programmation de la recherche vous donne donc cette occasion…

JS. Nous devons aujourd’hui alerter les institutionnels et les politiques, qui expriment souvent une forme de déni, ne reconnaissant pas suffisamment le déclin de notre recherche. Il faut repartir du terrain, se saisir de ce défi sans précédent et essayer de ranimer notre recherche médicale. Je suis médecin-chercheur, directeur adjoint d’une unité Inserm depuis dix ans, je n’ai donc pas perdu ce regard. La loi de programmation de la recherche qui se prépare n’est pas thématisée. La recherche médicale n’y est pas suffisamment représentée ; nous voulons collectivement la défendre, cette recherche a fait la réputation de notre pays et est une formidable source d’innovation, d’attractivité et de richesse pour nos universités et nos territoires.

TMN. Si vous ne deviez retenir qu’une de vos propositions, laquelle serait-ce ?

JS. Ce serait de simplifier le système. L’organisation est trop compliquée, on a ajouté des couches au fil des années sans supprimer les anciennes, il faut reconfier à chacun sa mission première, pour que les chercheurs puissent se consacrer à leur tâche. Ils sont aujourd’hui noyés dans des réponses à des organismes multiples, aux financements fragmentés – à l’exception notable de ceux de l’European research council –. Chercher à obtenir une grant de l’ANR d’un montant de 50 000 ou 100 000 euros avec un taux de réussite de 10% ou 15% est une déperdition d’énergie et de moyens. Ce n’est pas de cette manière là que nous concurrencerons efficacement les pays émergents ou même européens sur la scène internationale.


 Revue de presse express

  • Allez, si vous n’aviez qu’un papier à lire cette semaine, ce serait celui-ci. Dans une enquête formidable, le magazine américain The Atlantic tente de démontrer comment la recherche sur la dépression s’est fourvoyée vingt ans durant. Edifiant. Dans la série, on peut tromper mille personnes une fois
  • A la réflexion, il y a en a bien un deuxième, du New York Times, à propos de Juul, un fabricant de e-cigarettes, et des raisons pour lesquelles des scientifiques américains refusent des grants de cet industriel, pourtant substantielles (200 000 dollars). Question d’éthique… mais pas seulement.


18%


Des mails renseignés dans la base Medline (spécialisée dans les publis médicales) sont invalides ! Les auteurs de cette étude remarquent de surcroît que près d’un tiers des chercheurs du secteur utilisent un service grand public (Gmail, hotmail…) pour des mails pro. Et vous ?


Le déclin de l’empire américain

Ce n’est évidemment pas une surprise mais une confirmation. Trois chercheurs résument dans un post de blog de la London school of economics – lui même basé sur une étude parue dans PLoS – les raisons de la perte d’influence des Etats-Unis dans la science mondiale en analysant la nationalité et le parcours de près de 600 prix Nobel. Si l’on voulait résumer les cent dernières années en quelques mots, ce serait les suivants : des années 20 aux années 40, les Etats-Unis ont grignoté l’Europe puis ont fini par la dépasser jusqu’aux années 60. Entre 1970 et 1990, l’hégémonie était totale ; elle est aujourd’hui (depuis les années 2000) remise en cause par l’Asie, qui grignote à son tour les parts américaines pendant que l’Europe se maintient. Go Europe !


Du côté des appels à projets

  • Il vous reste cinq semaines pour candidater aux projets Fondation Arc 2019 : les candidatures seront closes à compter du 9 juillet prochain. A la clef, 25 000 euros sur un ou deux ans pour des projets au spectre large, de la recherche fondamentale jusqu’aux sciences sociales.
  • Vite, vite, l’appel à projet du prix Claude Pompidou sur la recherche pour la maladie d’Alzheimer, doté de 100 000 euros, est à adresser avant le 31 mai.
  • L’European brain research area a plusieurs deadlines pour déposer des projets “cluster” entre plusieurs labos, le prochain est le 1er juin. Si vous le ratez, le suivant sera le 1er janvier.
  • Autre discipline, la Fondation Mustela propose des bourses de recherche pour les doctorants ou les post docs d’horizons assez variés (psychologie, sociologie, sciences humaines…). Le dossier est à remplir avant le 9 juin.
  • Enfin, last call pour déposer les dossiers définitifs pour l’appel à projet sur les maladies rares de l’ANR, c’est le 11 juin prochain.

Merci en particulier cette semaine à l’ITMO Neurosciences pour son travail de veille.


ET POUR FINIR

On finit par une petite page de pub pour un artiste extraordinaire que vous connaissez peut-être déjà : xkcd. Voici un de ces derniers dessins, toujours à forte valeur ajoutée scientifique. Si vous voulez préacheter son prochain livre, qui sortira en septembre 2019, c’est par ici.

Qui sommes-nous ?


Laurent Simon

Né depuis une quarantaine d’années, journaliste depuis quinze ans, dont dix ans de rédaction en chef en presse pro, docteur en pharmacie et récemment diplômé du master médias de Sciences po Paris, où TheMetaNews a été pensé pour la première fois. Oh ! Il a un père chercheur qui est certainement pour quelque chose dans tout ça.

Eddie Barazzuol

Né également depuis une quarantaine d’années, il est passé par Le Figaro, la presse quotidienne régionale, AEF ou La Recherche où il a exercé ses compétences en communication, marketing mais aussi en organisation d’évènements. Freelance depuis 2018, il n’a plus quitté la compagnie des chercheurs, puisqu’il a développé et lancé la grande enquête GenerationPhD.