« Il faut investir massivement, ce n’est pas un marchandage »
Un milliard d’euros en plus par an pour la recherche, c’est la demande de la Conférence des présidents d’universités (entre autres) pour la prochaine loi de financement de la recherche (LPPR). Réalisable ? Gilles Roussel, président de la CPU, l’espère.
TMN. Parlons calendrier, la LPPR sera votée début 2020 pour une mise en application en 2021, n’est-ce pas trop tard ?
GR. On aurait aimé que ce soit plus tôt, effectivement. L’investissement dans la recherche publique fait partie des objectifs européens : il faut maintenant que les annonces qui ont été faites, les livres blancs qui ont été publiés et les propositions que nous faisons soient suivis d’effets. C’est probablement déjà trop tard dans certains domaines comme les batteries où la compétition est forte, alors que dans nos laboratoires, des chercheurs étaient capables de mener ces travaux. Et des manques que nous ne voyons pas aujourd’hui apparaîtront dans le futur.
TMN. On ne peut pas dire qu’Edouard Philippe ait fait de grandes promesses en janvier dernier… Etes-vous optimiste ?
GR. La recherche, c’est le temps long. Il faut investir massivement, ce n’est pas un marchandage avec le gouvernement : il faut un milliard d’euros par an, pas moins. Cette loi est essentielle car la dernière loi de programmation de la recherche a près d’une quinzaine d’années. Le premier ministre l’a mise à l’agenda politique, j’espère qu’il a mesuré l’attente de la communauté scientifique. Il n’y a aucun corporatisme dans nos propositions, il s’agit d’un investissement nécessaire pour le pays.
TMN. Vous privilégiez des revalorisations salariales plutôt que l’augmentation du nombre de postes. Est-ce pour favoriser la qualité plutôt que la quantité ?
GR. C’est avant tout un choix d’attractivité pour ces métiers, la situation des chercheurs en début de carrière est dramatique. Par ailleurs, nous sommes attachés au statut de fonctionnaire, il n’y a pas de volonté de notre part de moduler les salaires ou de ne plus maintenir de statut national. Je vous rappelle que nous pouvons déjà avoir recours à des contractuels. Pour autant, nous réclamons un peu plus de souplesse pour, au final, une meilleure maîtrise des ressources humaines. Il nous faut passer d’une gestion des statuts à une gestion des individus.
TMN. Comment enrayer l’augmentation du délai entre la fin de la thèse et le premier poste stable ?
GR. Cette évolution est mondiale : je ne sais pas si cette situation est positive mais c’est un fait. La recherche a toujours été mondialisée, les recrutements aussi et la France n’est pas coupée du monde. L’augmentation de la précarité avant d’arriver à un poste stable est regrettable, même si ce temps permet à certains de se libérer de l’influence de leur directeur de thèse, de s’ouvrir à l’international et de trouver de nouveaux horizons.
Propos recueillis par Laurent Simon et Lucile Veissier
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