Vous avez dit déontologie ?



17 janvier 2019 /// L’actu des labos


Do’s
and don’ts


Jeremy Bentham aurait certainement apprécié cette édition de TMN. Juriste anglais du XIXème siècle, il est à l’origine du terme déontologie. Le cas des recherches chinoises sur le profilage ADN de la minorité ouïghoure est un beau cas d’école.
SI vous avez eu des cas de conscience, n’hésitez pas à nous en parler par retour de mail et partageons-les, on trouve souvent du courage dans celui des autres.
Bonne lecture,
Lucile de TMN


Si vous n’avez que 30 secondes

• Participez à une enquête sur le doctorat ;
Un outil pour glaner des images libres de droit ;
• Yves Moreau témoigne sur le profilage ADN en Chine ;
• Votre revue de presse express.



A partir d’ici 4′ de lecture. A tout de suite.


En quête du bonheur
des thésards 


Vous êtes doctorant ou avez débuté un doctorat ces quinze dernières années ? Répondez à la grande enquête « Doctorat et qualité de vie » organisée par Vies de thèse en collaboration avec Doctopus. Anonyme, elle balaye les possibles causes de souffrance en thèse (quantité de travail, harcèlement, violences…), en 15 à 30 min. Avec déjà 1600 réponses, elle est ouverte jusqu’à fin janvier, donc ne tardez pas. Adèle Combes, docteure en neurosciences à l’origine du projet, invite chacune et chacun à faire remonter son expérience de thèse, qu’elle soit positive ou négative !


Des infos en passant //////// 800 papiers russes ont été retirés après investigation par l’académie des sciences, rapporte Science //////// Alerte rouge sur les risques psychologiques dans la recherche britannique, d’après une enquête relayée par Times Higher Education ////////


Des images
à la pelle 


Une bonne illustration vaut mieux qu’un long discours. Trouvez-en libre de droits grâce à la base de données Creative Commons Search. Vous pouvez même installer une extension de navigateur pour filtrer les images en creative commons lors de vos recherche sur le web.


« Des chercheurs sont liés
à la police chinoise »


Yves Moreau est chercheur en analyse de données génétiques. Pour dénoncer la surveillance de la minorité ouïghours par le gouvernement chinois, il a accepté de collaborer avec l’ONG Human Right Watch


Quelle est l’ampleur du profilage ADN des Ouïghours en Chine ?
Entre 2016 et 2017, le gouvernement chinois a organisé des collectes de sang dans la région du Xinjiang auprès de toute la population – ouïghoure et han – âgée de 12 à 65 ans. Quarante séquenceurs ADN ont été achetés par la province, ce qui est tout à fait anormal. Pour l’instant, seules les minorités sont ciblées mais le but est de l’étendre à toute la population. Les bases de données ADN chinoises regroupent aujourd’hui 80 millions de personnes, alors qu’en France on en a seulement 4 millions. Le profilage ADN n’est qu’une des techniques utilisées en Chine pour surveiller la population : elle est en apparence moins agressive que la reconnaissance faciale mais en reconstruisant le code génétique, elle touche à l’essence même de la personne. 

Comment la génétique peut-elle servir pour cibler une population ? 
En génétique, il n’y a pas de séparation nette mais il existe une carte des populations assez précise pour tracer des lignes arbitraires, comme dans une vallée entre deux montagnes. Les frontières restent floues mais il est possible de distinguer génétiquement la plupart des Hans et des Ouïghours. La police chinoise pourra donc dire à une personne « vous êtes Ouïghour », juste d’après son code génétique. On a aujourd’hui tendance à en minimiser les impacts mais les abus auraient des conséquences catastrophiques. Quand on regarde les publications scientifiques, les Tibétains sont étudiés quarante fois plus que les Hans et les Ouïghours trente fois plus.
Vous accusez de complicité les entreprises vendant à la Chine leurs technologies de profilage ADN. Mais les chercheurs n’ont-ils pas aussi leur part de responsabilité ?
Quand j’ai commencé mes investigations, je cherchais deux ou trois exemples d’articles non éthiques. En tirant sur le fil, j’en ai sorti des dizaines et, au final, ce sont environ 800 articles sur le profilage ADN en Chine qui ont été publiés, parfois dans de grandes revues. Les chercheurs chinois ont intérêt à publier car ils bénéficient alors d’un bonus mais, dans la moitié des cas, il y a au moins un auteur lié à la police ou la justice chinoise. Lors du peer review, rapporteurs et éditeurs doivent signaler les mauvaises conduites éthiques. Les recommandations éthiques sont clairement énoncées dans les guidelines, donc personne n’a d’excuses. Ces recherches ont un vrai impact sur la vie des gens et il faut que les chercheurs en prennent conscience.

Photo © Haleh Chizari


Ca vous fait réagir ? On le publiera.

Des infos en passant //////// L’entreprise 23andMe sort le premier médicament conçu sur mesure grâce au profilage ADN, rapporte New Scientist //////// Le mot “crap” fait maintenant partie du vocabulaire scientifique pour l’American Chemical Society ////////


Votre revue
de presse express



Et pour finir…

Rosie the Riveter fait de la science ? Non, c’est BethAnn McLaughlin, à l’origine de #MeTooSTEM, qui prend le relais ! Portrait par Anita Kunz (copyright, tous droits réservés) remis en lumière dans les meilleures illustrations de 2019 par le magazine Science.

Une chanteuse cette semaine ! La fac de lettres de Jacqueline Taieb vous plonge dans l’univers universitaire de la fin des années 1960.