Patrick Fridenson a dirigé une mission sur la reconnaissance professionnelle du doctorat en 2014. Ce spécialiste de la question du doctorat fait le bilan de ces dernières années pour TMN. Parlons d’actualité d’abord : la réforme de l’ENA aura-t-elle un effet positif pour les docteurs ? Il serait bien évidemment tout à fait souhaitable que les quelques places réservées pour des docteurs à l’ENA soient maintenues dans le cadre du futur Institut du Service Public [si vous avez raté le début, NDLR]. Mais il existe différentes écoles de la fonction publique dont les dirigeants sont encore à convaincre. Le projet de réforme, qui sera précisé d’ici le 6 juin, prévoit une convergence entre l’ENA et son équivalent territorial, l’Institut national des études territoriales, ce qui constituerait une opportunité pour envisager le recrutement de docteurs. Enfin, l’articulation entre la vision très opérationnelle des stages et le tronc commun envisagé entre les treize écoles de l’Institut reste à préciser. On peut souhaiter que sur les deux volets soit tenté un rapprochement avec le monde universitaire. La reconnaissance professionnelle du doctorat reste-t-elle un gros mot dans l’ESR ? La résistance ne vient pas seulement des autres milieux ; elle existe aussi dans le nôtre. Une partie des enseignants-chercheurs et des chercheurs vise toujours la reproduction interne – former des docteurs uniquement pour l’enseignement supérieur et la recherche – et ne va pas au-delà d’un discours de lamentation lorsqu’elle n’est pas assurée par l’Etat, d’où la floraison de CDD et de vacataires. Les docteurs ont besoin de voies de recrutement durables : si l’Etat doit en prendre sa part, nos milieux doivent aussi préparer les autres. C’est un débat qui dure depuis longtemps mais les choses bougent. Quel est le contenu des discussions à mener à l’extérieur de l’ESR ? Sont-ils prêts à embaucher des docteurs ? Dans quelles conditions de salaire ? Attendent-ils une contrepartie de l’Etat ? Voici la nature des discussions qu’il serait souhaitable qu’un “chef de file” au sein du MESRI mène avec les interlocuteurs extérieurs, principalement les entreprises et fonction publique territoriale. L’objectif serait également de les convaincre de l’utilité des docteurs : contrairement à certaines idées reçues, ils sont tout à fait opérationnels et ne restent pas cachés derrière leurs ordinateurs ! En recruter est aussi un moyen d’accroître la place des femmes dans l’encadrement. Quelles actions sont envisageables pour les doctorants étrangers ? Comme le récent rapport de l’IGESR le préconise [par ici pour le lire, NDLR], il serait souhaitable d’établir un vrai statut pour attirer les étudiants étrangers vers les universités françaises et les sécuriser. Pour cela, l’idée de « chercheurs en mobilité internationale » est bonne. De plus, j’estime qu’une partie des docteurs étrangers formés en France devraient pouvoir rester et être recrutés dans certains domaines spécifiques. Enfin, pour l’immense majorité qui repartent dans leur pays d’origine, des discussions avec les pays en question – principalement du Sud – permettraient d’assumer nos responsabilités en appuyant les docteurs dans leur départ et leur arrivée. |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....