En réaction à la crise de la Covid et la loi Recherche, le sociologue Arnaud Saint-Martin propose une réflexion sur l’ethos de la science. L’autonomie de la science était-elle déjà en danger avant la crise du Covid ? Dès lors que la recherche est entravée, l’autonomie, c’est-à-dire la capacité collective de définir ses propres problèmes, selon des termes spécifiques, est en danger. Dans l’ouvrage, je prends l’exemple de l’obscurantisme anti-scientifique de Trump aux États-Unis et la marche pour les sciences organisée en 2017 en réaction à cette involution : ce fut un moment important de rappel de la prééminence de l’ethos de la science et de la nécessité de l’autonomie. Les chercheurs réaffirment-ils leurs valeurs en ces périodes difficiles ? L’institution de la science s’appuie sur un système collectif de valeurs à la fois morales et scientifiques, parmi lesquelles l’universalisme, la passion de la vérité, l’exigence de la prudence, le temps long, etc. C’est dans les moments où ça chauffe qu’elles sont réinvesties – en dehors de ces moments de mobilisation, elles sont en arrière-plan, évidentes et non questionnées. Pourquoi la science, que vous décrivez comme un « style de vie », n’a de sens que si elle est partagée ? La science s’éprouve collectivement : d’abord en s’appuyant sur une montagne de travaux précédents puis en soumettant son travail à l’avis de la communauté. Enfin, le partage se fait – devrait se faire – avec les publics extérieurs au champ scientifique. Un savoir grandit d’autant plus qu’il est mis dans le collectif et c’est en cela qu’il constitue une conquête culturelle de première importance. Qu’il nous faut défendre et illustrer, sans pour autant céder à l’hubris de la science qui sauve le monde. Arnaud Saint-Martin est l’auteur du livre sobrement intitulé Science paru chez Anamosa. La collection dont fait partie ce titre propose des ouvrages courts et incisifs autour d’un mot dévoyé ou instrumentalisé. Photo © Caroline Meslier Saint-Martin |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....