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Pensé par des économistes puis adopté par les psychologues, le nudge fait plus que jamais parler de lui. Changement de paradigme. C’est dans les années 70 qu’une découverte majeure est faite : nos décisions, au moins dans le domaine économique, ne seraient pas aussi rationnelles qu’on le pensait jusque-là. Plusieurs prix Nobel d’économie (▼ voir notre trombi ▼), dont certains issus des sciences cognitives, s’attèlent alors à la tâche de cerner nos comportements et fondent une nouvelle discipline : l’économie comportementale. Mais de « nudge », il n’était point question encore. Un baptême inattendu. La première apparition du terme est tout à fait fortuite. En 2008, deux économistes publient un livre issu de leurs travaux sur « l’architecture des choix ». Mais l’éditeur choisit un nom plus vendeur : Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision. Tout est là : l’ouvrage énumère une longue liste de biais cognitifs et propose de les utiliser pour orienter les individus vers leur bien. Les « nudger », en somme. Des polémiques. C’est là que les sciences politiques et la philosophie entrent dans l’arène et débattent autour de ce « paternalisme libertarien ». Pourquoi ne pas réguler au lieu d’inciter ? Qui définit le bien vers lequel on doit tendre ? Est-ce bien respectueux de l’éthique ? Pour certaines sociologues, les décisions ne peuvent pas se réduire uniquement à une série de choix et le nudge ne s’attaque pas aux problèmes de fond. En marche. Entre temps, les politiques s’en sont saisi : Barack Obama dès 2008 puis David Cameron en 2010 recruteront Richard Thaler et Cass Sunstein, d’abord durant leurs campagnes électorales, puis pour conduire des politiques publiques. Le concept est ensuite exporté en France : en 2016, Emmanuel Macron fait appel à l’entreprise BVA et à sa “nudge unit” créée quelques années plus tôt. Le produit miracle. Car le nudge a bien évidemment des applications en marketing : comment inciter un individu à acheter votre produit ? La BVA Nudge unit promet « une puissance remarquable pour un coût très faible » grâce à une méthode bien huilée consistant à identifier les comportements avant de préconiser le “coup de coude” (to nudge en anglais) adéquat. Pour le bien commun. L’application du nudge fait en revanche beaucoup plus consensus dans les domaines tels que l’environnement ou la santé : comment inciter à manger sainement ? La crise de la Covid a renforcé la tendance : des chercheurs en sciences cognitives planchent depuis un an sur l’application des gestes barrières ou sur les incitations à télécharger l’application “TousAntiCovid”. |
L’irrationalité a-t-elle une origine biologique ? Comment expliquer que, bien qu’ayant identifié l’action conduisant à la plus grande récompense, les individus continuent de tester les options les moins intéressantes ? Le neurobiologiste Thomas Boraud propose une approche bottom-up : identifier les réseaux de neurones impliqués dans ces choix grâce à des modèles animaux — la salamandre, en l’occurrence. En collaboration avec des économistes et psychologues, le chercheur explore la théorie selon laquelle l’irrationalité serait intrinsèque. |
Les pères et grands-pères du nudge Herbert Simon Cet économiste américain, prix Nobel en 1978, signe la fin de l’homo economicus en élaborant la théorie de la rationalité limitée : la capacité de décision d’un individu serait altérée par des contraintes comme le manque d’information, de temps ou des biais cognitifs. Daniel Kahneman Père de l’économie comportementale, il reçoit le prix Nobel d’économie en 2002. Amos Tversky et lui, tous deux psychologues à Berkeley, étudient les processus de décision : la pensée humaine est partagée entre un système réflexif, délibéré et conscient et un système automatique, rapide et instinctif. Richard Thaler Il marque le début de l’ère “nudge” avec la parution de son livre en 2008 qui donne une palette d’outils pour orienter les individus vers les bonnes décisions. L’économiste américain a étudié un plan pour inciter les employés à épargner pour leur retraite. Il conseillera Barack Obama et David Cameron avant de recevoir le prix Nobel en 2017. Dan Ariely Ce professeur en économie comportementale a créé un centre de recherche pour rendre les gens « plus heureux, plus riches et en meilleure santé ». Il est aussi co-fondateur de nombreuses entreprises dont BEworks en 2010, la première proposant du conseil en économie comportementale. |