Courrier des lecteurs : « L’élimination de toute erreur est un but inaccessible » (Christophe Blondel)

— Le 28 mars 2025

Christophe Blondel, directeur de recherche au CNRS en physique, réagit à notre analyse sur les bourdes qui mènent à la rétractation.

Très intéressant votre article sur la chasse aux erreurs pour éviter les rétractations. Ce qui me frappe cependant, c’est le préjugé sur lequel il est fondé : une erreur suffit à provoquer une catastrophe. Or l’accidentologie en matière de sécurité aérienne – peut-être ce qui se fait de plus poussé dans le genre – a montré depuis longtemps que le crash est très rarement dû à une seule erreur (ou à une panne), mais, le plus souvent à un catastrophique enchaînement d’erreurs qui, isolément, ne sont souvent pas forcément graves. La recherche de la sécurité, à partir de ce constat, s’est dirigée vers la conception de protocoles permettant la digestion des erreurs ou des pannes en relative sécurité : check-lists (on ne s’en remet pas au feeling du pilote pour décider si l’avion est prêt à décoller, on lui fait lire et suivre systématiquement une liste de points à vérifier) ou « crew resource management » (véritable méthode de communication entre membres de l’équipage qui leur permet de corriger mutuellement leurs erreurs, jamais totalement évitables, même en situation de crise). 

En matière de recherche et, in fine, de publication, il me semble que c’est en grande partie semblable : il faut, surtout, éviter que tout dépende d’un maillon faible, tel est le cas si le protocole d’analyse des données est conçu ou appliqué par un seul opérateur (s’il commet une erreur, les co-auteurs, s’ils n’ont pas mis la main à la pâte, seront incapables de la détecter). L’important est qu’il y ait, à tous les stades, des instruments de surveillance indépendants et des redondances structurelles. De l’élaboration de l’expérience à la publication, le processus de recherche est certes fragile mais cette fragilité peut être combattue en le concevant non comme une chaîne mais comme un tissu : si un fil casse l’intégrité de la pièce n’est pas compromise parce qu’il y a tout un réseau de liaisons qui demeurent et permettent de contourner le défaut. L’élimination de toute erreur – qui certes résoudrait le problème – est un but inaccessible. C’est l’ensemble du processus qu’il faut concevoir comme robuste et protégé.

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