Elisabeth Popp Bermann est en poste dans le Michigan. Pour cette chercheuse américaine en sciences politiques, le moment est historique. Au vu des premières décisions de Joe Biden, peut-on dire que la « science est de retour » ? Oui, sans aucun doute. La science est bel et bien de retour dans le gouvernement fédéral depuis son élection. L’administration Trump se désintéressait complètement de l’expertise scientifique et passait outre les processus de décision scientifique, notamment dans des agences comme le CDC ou l’EPA [les agences sanitaires et environnementales, NDLR]. Joe Biden a rétabli l’indépendance des scientifiques dans ces agences, tout comme dans d’autres, et a énoncé très clairement que toute décision prise par son administration le serait sur des bases scientifiques. Je voudrais quand même appeler à la vigilance : la science est devenue tellement politique ici que les Américains n’arrivent même plus à s’entendre sur des évidences… et une gouvernance ne peut tout résoudre à elle seule. Quelles sont les plus importantes décisions prises ces trois derniers mois ? Le fait que les Etats-Unis aient à nouveau rejoint l’accord de Paris sur le climat n’est qu’un retour à l’ère pré-Trump mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une décision symboliquement importante. Le succès incroyable de l’administration Biden concernant la vaccination anti-Covid n’est pas réellement une annonce mais a permis de sauver des vies, c’est donc une réussite importante. Le fait que Joe Biden ait nommé conseillère scientifique Alondra Nelson, une chercheuse en sciences humaines, est également très encourageant : c’est une manière de faire passer le message que le but ultime de la politique scientifique d’un pays doit être au service des besoins humains. Les chercheurs américains vivent-ils un moment historique ? Je le pense. Et pour plusieurs raisons : d’une part, la course contre la montre est lancée pour tenter de résoudre la crise climatique. Si nous voulons préserver ce qui reste de notre planète, nous devons agir maintenant. D’autre part, les menaces contre la science et la démocratie sont réelles et persistent malgré l’alternance politique aux USA. Si nous ne trouvons pas de solution pour nous en défendre, nos choix d’action climatique s’en trouveront drastiquement réduits. Tout ce que l’administration Biden construit aujourd’hui pourra-t-il être déconstruit dans quatre ans en cas de victoire républicaine ? Malheureusement oui, en grande partie. Toutes les décisions réglementaires prises par un gouvernement peuvent être annulées par le prochain. Pour qu’elles aient des effets à plus long terme, le Congrès doit les inscrire dans la loi : je reconnais que ce dernier a déjà agi concernant le Covid mais son ambition dans d’autres domaines où la science compte est encore inconnue. Or, sans son intervention, toutes les décisions politiques « pro science » de Joe Biden pourraient très facilement être annulées. |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....