
04.04.2025 • N° 496 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
Va-t-on se réveiller ?
Marche. Hier, les scientifiques ont à nouveau défilé partout en France sous la bannière Stand Up for Science, en protestation contre les attaques qui deviennent malheureusement le quotidien de leurs homologues aux États-Unis.
Retour aux sources. Non sans lien, je vais cette semaine encore vous parler de physique, ma discipline d’origine. Enfin plutôt de physiciens. Vous me pardonnerez, vous auriez certainement fait pareil à ma place.
Ni une, ni deux. Car lorsque j’ai eu vent de cette équipe sur le point de se faire renvoyer d’une institution étasunienne des plus réputées, le NIST, j’ai pris mon téléphone et appelé mes anciens collègues pour en savoir plus.
Étude de cas. Qui sont ces chercheurs, comment et pourquoi se font-ils virer ? J’analyse ce cas concret d’attaque contre les sciences dont on parle parfois en termes très généraux. Leurs homologues français sont indignés.

Bonne lecture,
— Lucile de TheMetaNews
Sommaire
→ ANALYSE Ces physiciens victimes du DOGE
→ OUTIL Quiz et formations sur les données
→ CHIFFRE Ils envisagent de quitter les US
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Où sont les femmes ?
TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES |
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ANALYSE
Ces physiciens victimes du DOGE
Alors que se multiplient les annonces de coupes budgétaires et de licenciements menés par l’administration Trump, toute une équipe de physiciens au sein du NIST est menacée. Leurs collègues français réagissent.

↳ « Notre équipe partira au plus tard le 3 mai 2025. Après cela, vous pourrez me contacter à mon adresse personnelle : xxx@yahoo.com. Je continuerai certainement à travailler depuis chez moi, peut-être affilié à une université… » Voici l’extrait d’un courriel envoyé par un physicien du National Institute of Standards and Technology (NIST), une agence fédérale étasunienne de recherche des plus réputées, à ses collègues du monde entier (…)
OUTIL
Quiz et formations sur les données
Devoirs de printemps. Êtes-vous incollable sur les données que vous produisez et/ou utilisez ? Doranum a élaboré une série de quiz pour vérifier que vous avez acquis les notions principales en quelques clics. Bénéfices, aspects juridiques, identifiants, entrepôts ou data papers sont au programme. En parlant de data papers, un cours sur les raisons et la façon de les rédiger puis les publier est en ligne sur la plateforme des Unités régionales de formation à l’information scientifique et technique (Urfist). Si vous préférez les interactions en personne, jetez un œil au programme du Printemps de la donnée.
EXPRESS
Pendant ce temps dans les labos
● Retract-action. Combien de temps faut-il pour rétracter une publication ? Dans le cas de plagiat, 1,7 année en moyenne, d’après une étude publiée dans Accountability in Research. Un délai qui augmente pour l’auto-plagiat (3,2 ans) et pour les figures dupliquées (4 ans). Un billet sur Plagiarism Today souligne la nécessité de mieux définir l’auto-plagiat et d’établir un système de détection efficace. Une autre étude déposée sur arXiv montre le manque d’action de la part des éditeurs à travers le cas de la revue Bioengineered de chez Taylor & Francis : alors que plus d’un quart des articles publiés entre 2010 et 2024 ont été identifiés comme problématiques, seul 15% d’entre eux ont été rétractés. Une revue de Wiley a quant à elle rétracté plus de 200 papiers, signale Retraction Watch. Des publis qui, même rétractées, impactent les systematic reviews et méta-analyses en santé. Une étude sortie dans JAMA Intern Med. (signé entre autres par Guillaume Cabanac, relire notre portrait) fait le calcul : les résultats seraient modifiés de 50% dans près d’un cas sur cinq.
● Big data. Le Cern vient de publier son étude de faisabilité pour le projet de Futur collisionneur circulaire (FCC) : plus de 1200 pages en trois volumes sur les aspects scientifiques, techniques et socio-environnementaux. Faut-il le construire ? Nous analysions les différentes positions. Lors d’une conférence de presse, la directrice Fabiola Gianotti a souligné que la question se posait également en termes de compétitivité, sachant qu’un projet similaire pourrait voir le jour plus tôt en Chine. Le conseil du Cern va examiner la question et rendra son avis en novembre. Nature en parle également.
● Mais aussi… Comment publier de manière intègre à l’heure de la science ouverte ? Inrae publie ses recommandations et propose une formation ● Nos analyses et interviews sont maintenant référencées dans le catalogue des bibliothèques universitaires de Montpellier (merci à Régis Griesser et Marie Nikichine) ● Le collectif Labos 1point5 lance la version Campus de son outil GES 1point5 afin de réaliser le bilan carbone à l’échelle d’établissements. Pour la découvrir, un webinaire aura lieu le 6 mai ● Intitulée Printemps bruyant, une marche anti-pesticides aura lieu samedi 5 avril, à l’appel notamment des Scientifiques en rébellion ●
CHIFFRE
3/4
Aux États-Unis, trois scientifiques sur quatre envisagent sérieusement de quitter le pays, révèle un sondage réalisé par Nature auquel plus de 1600 personnes ont répondu. La proportion est encore plus élevée chez les jeunes doctorants et postdocs et beaucoup sont à la recherche d’opportunités au Canada et en Europe. Une fois n’est pas coutume, Le Point et Paris Match reprennent l’info.
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Tournée de shots. Pourquoi les chercheurs se mobilisent sous la bannière Stand Up for Science ? La biologiste Armelle Rancillac ainsi que votre journaliste préférée de TMN vendredi (moi-même) étaient les invitées de l’émission l’Happy hour scientifique sur Radio Campus Paris. À ré-écouter absolument !
→ Scientifiques menottées. Deux chercheuses ont été arrêtées aux États-Unis pour des raisons très différentes : la biologiste russe Kseniya Petrova travaillant à Harvard aurait rapporté des embryons de grenouilles dans ses valises ↯ après des vacances en France, rapporte Le Parisien. La doctorante turque Rumeysa Ozturk se voit quant à elle reprocher d’avoir co-écrit une tribune pro-palestinienne ↯, explique Le Monde.
→ Signer la science. Pourquoi y a-t-il si peu de chercheurs avec des troubles auditifs ? Les sciences leur sont à l’heure actuelle très peu accessibles, une anomalie que tente de réparer l’association STIM Sourd, inventant de nouveaux signes pour des termes scientifiques ↯, rapporte Le Monde.
→ Deux palets, deux mesures. Les chercheurs du monde entier ne veulent plus venir en conférence aux États-Unis, rapporte Science. Des voyages coûteux qui deviennent en plus un sujet de crainte et de dilemme moral. Pendant ce temps, après une bonne journée de colloque en Californie, des physiciens se détendent… en jouant au hockey, rapporte le même média.
→ IA tout compris. Certains chercheurs ont cruellement besoin de l’IA, même si d’autres usages sont critiquables, expose en substance le philosophe des sciences Mathieu Corteel dans le média lundimatin. Un peu comme Pierre Noro – relire notre interview –, il espère voir émerger des usages émancipateurs grâce à l’intelligence collective.
↯ : liens menant à des articles protégés par un paywall
OÙ SONT LES FEMMES ?
Et pour finir…
Foucault, Fresnel, Cauchy, Belgrand… Mais où sont les femmes parmi les savants de la Tour Eiffel ?