Les chercheurs ne sont pas des anges. |
Les jeunes chercheuses seraient moins « performantes » si elles ont été encadrées par des femmes. Faut-il pour autant prôner un encadrement masculin ? Le choix de la question. Les chercheurs de l’université New York d’Abu Dhabi – deux femmes et un homme pour les encadrer, ironie de l’histoire – ont décidé d’étudier la relation « mentor / protégé » via l’analyse de millions de publications scientifiques dans toutes les disciplines. Leur critère pour en évaluer la qualité ? Le nombre de citations du ou de la protégé·e une fois la période d’encadrement terminée. Simple. Une publi polémique. Publié dans Nature Communications le 17 novembre, cet article conclut que l’encadrement par des chercheuses n’est pas la panacée et qu’au contraire, leur encadrement par des hommes serait la meilleure solution afin d’« élever le statut des femmes en science ». Il n’a pas fallu deux jours pour que l’éditrice, alertée par des lecteurs, précise que le papier est sujet à critiques. La conclusion qui fait mâle. Les résultats de l’étude sont clairs : les jeunes chercheuses sont moins « performantes » – leur nombre de citations chute jusqu’à 35% – si elles ont été encadrées par des femmes plutôt que par des hommes. De plus, la charge d’encadrement semble impacter plus négativement les chercheuses que les chercheurs. Chacun son interprétation. « Nous sommes d’accord sur le constat et ce n’est pas une nouveauté : les femmes sont moins citées que les hommes », confie Luisa Maria Diele-Viegas, à l’origine d’une pétition pour le retrait de l’article. En revanche elle s’oppose complètement à l’interprétation des résultats : « C’est bien plus complexe… Les auteurs ont ignoré tout le contexte (harcèlement sexuel, pression sur les femmes dans l’académie) et toute la littérature à ce sujet ! » Mais qui est légitime ? Si deux des chercheurs sont informaticiens de formation, les auteurs nous l’assurent, l’une d’entre eux est bien sociologue. Tout en se défendant de formuler des opinions, les chercheurs affirment qu’il faut non seulement retenir les femmes dans la recherche, mais également maximiser leur impact – en terme de nombre de citations bien sûr. Une approche plus humaine ? Une évaluation de la performance que dénonce également la postdoctorante d’origine brésilienne – mais elle n’est pas la seule. « Alors que les hommes disent “let’s publish!”, les femmes prennent plus de temps pour encadrer de manière informelle, tenant compte du bien-être et de la santé mentale. » Toute une communauté. Pour Florence Apparailly (voir sa tribune), l’usage du mot mentorat est dévoyé. Celui qu’elle pratique à Montpellier est bien différent de l’encadrement par un directeur de thèse. D’autres réactions, notamment via Twitter et une lettre signée Charlotte Francesiaz et Olivia Mendivil Ramos, ont convaincues l’éditrice de Nature Communications à démarrer une enquête. |