
05.12.2025 • N° 552 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
Science, envers et contre tout
Onusien. Près de 600 membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) étaient réunis cette semaine à Saint-Denis, pour donner le coup d’envoi de leur 7e rapport qui sortira en 2028 ou 2029. Le tout dans un contexte d’attaques répétées envers les sciences du climat.
Fairplay. Hasard du calendrier, Valérie Masson-Delmotte, qui co-présidait le groupe 1, présentait ce mardi les efforts de transparence sur les données de leurs dernières synthèses et résumés (voir notre outil). Une transparence qui, face aux critiques, « garantit la robustesse du travail ».
Dilemme. La science ouverte est pourtant mise en balance dans votre quotidien : peut-on avancer dans sa carrière sans prioriser son h-index ? L’évaluation a certes beaucoup évolué dans les discours mais qu’en est-il sur le terrain ? Voici les résultats de notre enquête en partenariat avec l’EPRIST.

Bonne lecture,
— Lucile de TheMetaNews
Sommaire
→ ANALYSE L’évaluation à l’heure de la science ouverte
→ OUTIL Les données du Giec à un clic
→ EXPRESS Des données, de l’IA et peut-être de la souveraineté
→ CHIFFRE Toujours plus de publis
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Chocofraudes
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ANALYSE
L’évaluation la joue-t-elle open ?
Quand vient l’heure de l’évaluation, les chercheur·ses restent tiraillé·es entre h-index et ouverture des publications. Tour d’horizon des politiques institutionnelles mais aussi des pratiques en commission.

↳ Huis clos. Enfermés depuis maintenant plusieurs heures, vingt chercheuses et chercheurs débattent, n’arrivant pas à se mettre d’accord sur les candidat·es à sélectionner pour les quatre postes ouverts cette année. « X était quand même plus éloquente à l’oral ». « Le projet de Y est beaucoup plus porteur… », « Z a tout de même un h-index de 30 ! ». Le mot est lâché, symbole d’une évaluation basée sur des indicateurs chiffrés. Une évaluation supposée être d’un autre temps, à l’heure de la science ouverte (…)
OUTIL
Les données du Giec à un clic
À la source. Influence du réchauffement climatique sur votre objet d’étude, présentation à vos collègues, aux étudiants ou au grand public… Et si vous utilisiez directement les données du dernier rapport du Giec ? 200 graphiques et 130 codes sont réunis au sein du Data Distribution Centre, un atlas interactif vous permet de vous déplacer sur le globe et d’observer région par région l’élévation des températures en fonction des scénarios et d’autres paramètres. Un outil précieux présenté par la climatologue Valérie Masson-Delmotte aux Assises nationales des données de la recherche (voir nos brèves).
EXPRESS
Pendant ce temps dans les labos
● Passionnément. Les 1er et 2 décembre derniers avait lieu la seconde édition des Assises nationales des données de la recherche à l’ENS Paris Saclay – nous y étions. Santé, climat, mais aussi évidemment IA… les enjeux et des initiatives dans différentes disciplines étaient mises en lumière avec un accent particulier sur la souveraineté – actu oblige. Le ministère en a profité pour remettre les prix science ouverte, dont voici la liste des lauréats.
● Break free. Le CNRS a annoncé cette semaine la fin de son abonnement au Web of Science, cette énorme base de données des publications scientifiques commercialisée par Clarivate. Ses agents n’auront plus accès au “WoS” à compter du 1er janvier 2026. Deux ans après avoir coupé Scopus, l’autre grande base payante développée elle par Elsevier, le CNRS suit les traces de Sorbonne Université qui, dès janvier 2024, avait été la première à résilier son abonnement. Comment faire sans ? La réponse : OpenAlex – relire notre analyse.
● Résistance. « L’IA tue ». Vous allez peut-être voir fleurir ce logo dans les signatures mail de vos collègues – et peut-être aussi dans la vôtre, dites-le nous. L’Atelier d’écologie politique (Atecopol) publie un manifeste d’objection de conscience face à l’IA dans l’enseignement supérieur et la recherche, qu’il est possible de signer. Gouffre énergétique, accélération de secteurs polluants et porte ouverte à un futur dystopique, les scientifiques listent les raisons qui les poussent à refuser tout net son utilisation.
● IA qu’à. Emmy va devenir le nouveau ChatGPT des agents CNRS, si l’on en croit l’annonce faite en interne cette semaine. Fruit d’un acccord avec l’entreprise française Mistral AI, l’outil d’IA générative sécurisé sera proposé aux agents à partir du 16 décembre. Un module de sensibilisation devra être suivi et tout autre outil d’IA générative sera proscrit. Côté universités, des licences auraient été achetées depuis l’accord signé par le ministère avec Mistral mais l’utilisation semble rester confidentielle. Ça vous fait réagir ? Écrivez-nous en répondant simplement à cet email, nous reviendrons plus amplement sur le sujet.
● Mais aussi… Suite au rapport Pommier-Lazarus – relire notre analyse – le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace lance un réseau des ambassadrices et ambassadeurs du doctorat : 40 docteur·es de différentes disciplines aux parcours variés (voici la liste), dont Antoine Pasquier, membre de notre jury No Future ? ● Faut-il remplacer le plastique par du verre, dans les labos de microbiologie notamment ? Nous avions interviewé des chercheurs d’Inrae : Novae, la revue de l’organisme, a publié une analyse de l’outil qu’ils ont développé, EcoLabWare ●
CHIFFRE
370 000
En 2025, 370 000 articles de plus qu’en 2024 seront publiés, pour flirter avec un total de 5 millions de publications cumulées. C’est le résultat que donne James Butcher, spécialiste de l’édition scientifique, dans l’une de ses newsetters. La Chine serait responsable d’un tiers de cette augmentation, avec pour conséquence un recul sur l’ouverture : si au global plus de 60% des publications sont ouvertes, la proportion tombe à 40% pour les auteurs chinois.
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Faustien. Développer une IA générative appliquée à la science, nourrie par les données des labos nationaux états-uniens, voici l’objectif de la mission Genesis lancée fin novembre par la Maison Blanche. Avec de potentiels bénéfices mais aussi des risques, analyse Nature.
→ Même combat. La détection de fraudes s’accélère dans les publications scientifiques, avec parfois des rétractations. Le magazine québécois L’Actualité revient sur le phénomène avec l’expert Vincent Larivière qui conclut en droite ligne de notre analyse de la semaine qu’il faut stopper la course à la publication et revoir l’évaluation des chercheurs.
→ Exemples. Des chercheuses débarquent dans une école primaire de la région lyonnaise pour montrer aux plus jeunes que la science est aussi faite par des femmes ↯, rapporte Le Progrès. Dans l’Aube, une toute jeune docteure en cryptologie présente son métier devant des collégiens surpris ↯, souligne Le Parisien. De véritables “role models” dont nous vous parlions dans notre article sur les femmes et les maths.
→ Double face. Vivre à l’étranger est une expérience souvent grisante pour les jeunes chercheurs. La doctorante Abisola Olawale raconte dans The Conversation (en anglais) comment elle navigue entre ses deux identités : l’une toujours au Nigéria, l’autre maintenant en Écosse. Sur le point de soutenir, un doctorant vient d’apprendre que son père ne pourra venir du Burkina Faso et témoigne de sa colère sur son blog Mediapart.
→ Le rat et l’huître. L’une des plus grandes conférences en IA est submergée par des soumissions mais aussi des rapports de peer review, manifestement générés par IA – plus d’un sur cinq. Les organisateurs les passent donc au crible par un outil de détection tous les textes, rapporte Nature.
→ Milliards. Faut-il construire un nouveau méga collisionneur de particules ? La Terre au carré revient sur le projet de Future Circular Collider du Cern qui ne fait pas l’unanimité, notamment pour des raisons écologiques – relire notre analyse. De l’autre côté de la planète, la Chine pourrait abandonner son projet concurrent, informe le South China Morning Post.
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