Vous souhaitez inviter un chercheur ou un doctorant étranger dans votre équipe pour un séjour long ? Ce peut être un parcours parsemé d’embûches que des arrêtés successifs ont rendu encore plus périlleux. La voie royale est habituellement la procédure « passeport-talent, mention chercheur-scientifique » qui nécessite la signature d’une convention par l’université ou l’établissement d’accueil. Cependant, depuis le 27 août 2019, cette convention ne fait plus mention des chercheurs non salariés en France. Elle exclut donc les chercheurs et doctorants étrangers hors Union européenne, qu’ils aient un contrat ou non dans leur pays d’origine.
Protéger les visiteurs. Pourquoi ces nouvelles dispositions ? Certains suspectent une pression venant du ministère de l’Intérieur pour limiter l’entrée de visiteurs étrangers, de peur qu’ils restent en France après expiration de leur visa. Mais pour les personnels des centres du réseau Euraxess que nous avons interrogé, le but est avant tout de protéger les étudiants, en application d’une circulaire de 2006. « C’est quand même problématique de travailler sans aucun contrat, pour l’aspect éthique, mais aussi au niveau des assurances », répond le centre acc&ss de la Cité universitaire de Paris.
« Cela devient un véritable casse-tête pour nous et les personnels administratifs. »
Une physicienne anonyme
Depuis septembre, il était donc devenu impossible de recevoir des chercheurs étrangers non salariés en France, principalement des doctorants boursiers dans leur pays d’origine. Les services concernés ont continué d’utiliser l’ancienne convention d’accueil pour des séjours débutant en 2019 mais comment faire pour 2020 ? « Aucune demande n’a été faite depuis janvier, alors que d’habitude il y en a beaucoup, notamment pour des étudiants en provenance du Brésil », témoigne-t-on au centre acc&ss. Le réseau EURAXESS a fait remonter en janvier le problème au ministère, qui semble l’avoir entendu… mais en partie seulement.
Casse-tête. Le tout récent arrêté du 22 février 2020 réintroduit en effet dans la convention d’accueil une case pour les chercheurs salariés dans leur pays d’origine. Mais la situation reste bloquée pour les doctorants boursiers, soit environ 2 000 visiteurs par an. « Il faut bien s’imaginer que le statut des doctorants à l’étranger n’est pas forcément le même qu’en France, alerte une chercheuse en physique, cela devient un véritable casse-tête pour nous chercheurs et pour les personnels administratifs. » France, terre d’accueil pour les chercheurs ? Il y a encore du travail.
Qui sont les chercheurs étrangers en visite ?
Voici un bilan pour l’année 2018
Combien ? 14 500 chercheurs, dont 8250 doctorants.
Quelles disciplines ? Sciences exactes ou naturelles dans plus de 50% des cas.
D’où ? Principalement de Chine, d’Algérie, de Tunisie, d’Inde, du Brésil… mais plus de 160 pays sont représentés.
Quel âge ? En moyenne 31 ans côté chercheurs, 28 ans côté doctorants.
Quels revenus ? Presque la moitié est salarié en France, mais beaucoup de doctorants ont une bourse dans leur pays d’origine.
Source : rapport annuel de la Fondation nationale Alfred Kastler