Curieux·se de voir les résultats dans le détail ? Nous les rendons accessibles dans ce document à télécharger.
La recherche c’est (roulement de tambour)… Future ! Nous vous invitions le 28 novembre dernier à notre premier événement No Future ? avec une volonté : mettre au cœur des discussions les préoccupations des jeunes chercheur·es. Munis de cartes roses et jaunes, le public a tenté de répondre à une question et une seule après avoir écouté les questions du jury et les réponses des grands intervenants : La recherche vous fait-elle encore rêver ? Pour le public, le choix était sans équivoque : 83% des votes était Future. Les six membres du jury avaient eux au global un avis plus équilibré – nous y reviendrons vendredi plus en détail. Mais les personnes présentes le jour J ne sont pas les seules à s’être exprimées sur le sujet…
40 % des répondants en première année de thèse se disent optimistes, 15% le sont quatre ans après.
Choix du roi. La question était aussi au cœur d’un sondage que nous avons lancé le 7 octobre dernier et concocté exclusivement pour les jeunes chercheur·es. À sa clôture, près d’un mois et demi plus tard, 745 doctorant·es (environ deux tiers des répondant·es), jeunes docteur·es et postdocs (un quart des répondant·es) s’étaient prêté·es au jeu, venant de toutes les disciplines : 73% en sciences exactes et sciences de la vie et 27% en sciences de la société et sciences humaines. Elles et eux aussi ont tranché : un peu plus d’un·e répondant·e sur deux estiment que la recherche les fait toujours rêver ! Ce rêve semble pour autant fragile : en première année de thèse, trois doctorant·es sur quatre répondent positivement, moins d’un·e sur deux continue de le faire quatre ans après le début de sa thèse.
Ce rêve rose… « Je me suis engagé·e dans la recherche avec l’idée que cette profession contribuait à changer les choses et permettait d’organiser sa vie assez librement. Mais dans les faits, ce n’est plus le cas. Hélas. Désillusions… », peut-on lire parmi les commentaires laissés par les répondants. Cette désillusion va de paire avec la manière dont ils et elles envisagent leur avenir dans le milieu de la recherche : si 40 % des répondants en première année de thèse se disent optimistes, seulement 15% le sont quatre ans après le début de leur thèse. En moyenne, moins d’un·e jeune chercheur·e sur trois, seulement, voit en rose son avenir dans la recherche.
Trois répondant·es sur cinq estiment que leurs efforts ne sont pas récompensés.
Oncle Picsou. Il faut dire qu’un peu plus de la moitié des répondants considèrent qu’il est plus difficile de devenir chercheur·e en France qu’ailleurs. Un problème de valorisation du diplôme lorsqu’il s’agit de la recherche privée ? Le rapport rendu il y a peu par Sylvie Pommier et Xavier Lazarus sur la valorisation du doctorat tentait de donner quelques pistes d’améliorations sur ce point (nous vous en parlions). Et du côté du public ? « Je souhaiterais vraiment poursuivre une carrière académique mais les avantages tant financiers que sociaux que proposent le milieu académique ne suivent plus le modèle économique actuel », peut-on lire de la part d’un·e répondant·e.
Carte au trésor. En 2018, les résultats de l’enquête Génération PhD — 2574 interrogé·es — montraient ainsi que quatre jeunes chercheur·es sur cinq considèraient ne pas être payés à la hauteur de leurs qualifications. Si la problématique de la rémunération n’a pas été abordée de but en blanc lors de cette nouvelle enquête, la question suivante a été posée aux jeunes chercheur·es : « Aujourd’hui dans mon travail de chercheur·se, j’ai l’impression que mes efforts sont récompensés ? » Verdict : un peu plus de trois répondant·es sur cinq considèrent que non. Cette absence de récompense a été particulièrement soulignée par les post-doctorants (76%) ainsi que par les jeunes chercheur·es en sciences de la société (10 points de plus au moins que dans les autres disciplines), ces derniers étant plus touchés par la précarité.
75% des femmes considèrent qu’il est plus difficile de devenir chercheur en France contre 54% des hommes.
Mi-figue mi-raisin. Comment se sentent les jeunes chercheur·es au quotidien ? Le sentiment de compétition est majoritaire : plus de 53% des répondant·es ont opté pour ce choix de réponse. Les ressentis s’opposent ensuite : d’abord les catégories « seul·e » et « soutenu·e » ont chacune été choisie par un peu plus de 40% des répondant·es, puis « heureux·se » et « en souffrance », avec respectivement 26% et 19% des répondant·es et enfin « respecté·e » (29%) et « méprisé·e » (14%). Des ressentis qui varient en fonction des familles disciplinaires : les répondant·es issues des sciences humaines et sociales s’estiment plus « seul·e » ou « en souffrance » alors que celles et ceux issues des sciences exactes et de la vie se sentent plus « soutenue » et « heureux·se » que leurs homologues.
Pouce en l’air. Si, dans l’ensemble, ces ressentis au quotidien semblent être quasi similaires entre les genres — toutes disciplines et niveaux confondus —, lorsqu’il s’agit du terme « respecté·e », on peut noter une différence de presque dix points d’écart entre hommes et femmes. Un constat renforcé par leur appréciation de l’égalité femme-homme dans la recherche puisque trois répondant·es sur quatre considèrent qu’on en est encore loin. Notons tout de même la similarité entre les réponses féminines et masculines : seulement quatre points les séparent. Un élément encourageant par rapport aux résultats de l’enquête Génération PhD de 2018 pour laquelle 85% des femmes avaient estimé que cette égalité n’était pas atteinte face à 64% des hommes. Signe d’une prise de conscience plus grande des jeunes chercheurs d’un problème toujours bien existant en France ? Car si la question « il est plus difficile de devenir chercheur en France » est validée par une majorité des répondants, un fossé se creuse tout de même entre les réponses des hommes (54%) et des femmes (75%).
Neuf répondants sur dix considèrent que les politiques n’écoutent pas les scientifiques.
Bouteille à la mer. Un sujet semble toucher à vif l’ensemble des jeunes chercheur·es interrogé·es : plus de neuf sur dix considèrent que les politiques n’écoutent pas les scientifiques. Pour autant, les jeunes chercheur·es ne perdent pas espoir : trois quart d’entre eux considèrent que les chercheurs permettront de résoudre les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui — des épidémies au réchauffement climatique — et plus de trois sur cinq souhaitent poursuivre une carrière académique. Quel a été le déclic pour eux ? Quelques mots reviennent dans les différentes réponses de nos répondants : « la passion », « l’envie d’apprendre et de comprendre », « la beauté de la science », « faire un métier qui a du sens », « faire quelque chose d’utile à la société »… Ne reste plus qu’à écouter leurs préoccupations.