Objectivité, excellence et bonnes nouvelles : ils nous ont écrit

— Le 22 juin 2022

Trois lecteurs ont réagi coup sur coup à un édito de TMN mercredi, qui mentionnait la réaction d’un lecteur anonyme pointant un parti-pris critique de nos analyses du système de recherche. La revue de presse du même numéro renvoyait à une tribune de Jean-Marc Egly sur le déclin de la recherche française.

Guillaume Sescousse nous a écrit

Guillaume Sescousse est chargé de recherche et travaille en neurosciences à Lyon.

↳ J’ai personnellement une opinion bien différente, et je pense que le système actuel souffre de nombreux dysfonctionnements, dont les solutions ne se trouvent malheureusement pas dans les propositions de Jean-Marc Egly. La fétichisation de l’excellence, mesurée essentiellement à l’aide d’indicateurs notoirement biaisés comme l’impact facteur ou le taux de succès à l’ERC, est contre-productive. Cette réalité a été empiriquement démontrée dans de nombreux articles publiés ces dernières années dans le champ de la « meta-science », et a été par exemple très bien résumée dans ce récent article de Romain Brette.

« Ces opinions contrastées reflètent – au moins en partie – une différence de génération »

Guillaume Sescousse

↳ Au lieu de porter aux nues des individus qui décrochent des financements disproportionnés et publient à tour de bras dans des magazines scientifiques soit-disant prestigieux, il me paraîtrait plus juste de valoriser des collectifs, dont l’unique but est de produire une science rigoureuse, ouverte et sociétalement pertinente. Et je me risquerais à lancer une hypothèse : ces opinions contrastées reflètent – au moins en partie – une différence de génération. Alors que « l’ancienne génération » a tendance à ne voir la recherche que par le prisme de l’excellence et de la compétition, la jeune génération que je vois autour de moi est fatiguée de cette grille de lecture et se concentre de plus en plus sur ce qui fait l’essence même de la recherche, c’est-à-dire le développement de connaissances et la recherche de la vérité, dans un esprit collaboratif, en se foutant bien des mesures d’excellence.

Megan Quimbre nous a écrit

Megan Quimbre est ingénieure documentaliste à l’Ifremer.

↳ Au contraire, je trouve que si vos analyses ont bel et bien un parti-pris, c’est bien celui de montrer l’état du secteur de l’ESR aujourd’hui, sans un vernis qui en cacherait les défauts. Car, il faut dire qu’il s’agit tout de même d’un secteur jugé prestigieux par l’opinion publique, sans qu’elle en connaisse véritablement les tenants et aboutissants… Surtout lorsqu’on a une ministre – pardon Mme Vidal – qui est aux abonnées absentes. Entre mal-être des doctorant·e·s, manque de moyens humains et financiers, perte de sens pour de nombreux personnels (et j’en passe), je trouve qu’il est juste de reconnaître et de relayer les difficultés éprouvées par les personnes qui vivent de et pour ce secteur ! C’est, à mon sens, un forme de respect pour une partie de la population qui, au gré des politiques gouvernementales, s’est retrouvée démunie (quand elle ne se sentait pas carrément humiliée et méprisée) face à des décisions destructrices pour leur environnement de travail et leur santé mentale. 

« Il est juste de reconnaître et de relayer les difficultés éprouvées par les personnes qui vivent de et pour ce secteur ! »

Megan Quimbre

↳ À lire la réponse de ce lecteur, on a le sentiment que soit il se fait l’avocat du diable, soit il fait partie de cette minorité de personnels de la recherche privilégiés … Et qui refusent de reconnaître leur privilège ! Ce lecteur a peut-être le luxe de profiter d’une situation stable, dans un établissement disposant de suffisamment de moyens (humains comme financiers), qui ne l’oblige pas à courir après les financements et le temps pour mener ses recherches … Et tant mieux pour lui si c’est le cas ! Mais qu’il ne diminue pas le ressenti de bon nombre de personnels de l’ESR, qui n’ont pas cette chance. 

↳ En tant que personnel de l’ESR (ni doctorante ni chercheuse) de moins de 30 ans, je suis heureuse de voir un média relayer de manière aussi synthétique (et, je trouve, de manière relativement neutre) les problématiques actuelles du milieu dans lequel je travaille !

Guillaume Blanc nous a écrit

Guillaume Blanc est maître de conférences en physique dans une université parisienne.

↳ Premier point : il semble à peu près certain que des chercheurs sont satisfaits du système, notamment ceux qui sont aux divers manettes dudit système et qui donc n’ont pas intérêt à ce qu’il change. Après, ça vaudrait le coup que vous trouviez un chercheur (ou une chercheuse !) lambda qui soit vraiment satisfait·e du système (il y en a aussi !) ; je suis curieux de savoir ce qu’il/elle pense de tout ça (manque de moyens, dont humains, individualisation, précarisation des jeunes, glissement du fondamental vers l’appliqué, paperasse et bureaucratie à outrance, etc.). Le challenge est de trouver un·e chercheur·se qui se trouve en adéquation avec le système actuel mais pas sur une thématique dite « excellente » où les moyens ruissellent naturellement. 

« Il y a malgré tout des choses positives dans les labos »

Guillaume Blanc

↳ Deuxième point : il y a malgré tout des choses positives dans les labos, notamment l’implication dans la réduction de leur empreinte environnementale. Nous l’avons vu à la journée Labos1point5 du 1er juin, certains font réellement de belles choses, et parfois même c’est le directeur d’unité (la DU en l’occurrence) qui mène la barque. Parler et témoigner de ça, ça peut aussi faire boule de neige, en inciter d’autres à se lancer… Il y a certainement aussi des labos qui ont des fonctionnements plus démocratiques que d’autres : il y a malgré tout un espace de liberté dans l’espace des contraintes imposées que les chercheurs peuvent choisir de s’approprier pour le meilleur ou pour le pire (en s’ajoutant d’autres contraintes, par exemple). Ou d’autres idées qui pourraient tirer la communauté vers le haut…

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