Des recherches conformes aux valeurs de la République ? Impossible selon Patrick Lemaire, le porte-parole du collectif des sociétés savantes L’insertion surprise de trois amendements en dernière minute dans la loi Recherche a suscité un tollé. Lequel est le plus problématique, selon vous ? Les trois amendements sont très différents. Celui sur le rôle du CNU dans le recrutement des enseignants-chercheurs est un serpent de mer — la communauté veut majoritairement préserver la qualification nationale par le CNU mais n’est pas unanime — et il y a eu de multiples tentatives depuis des années de la supprimer. Ce texte ne tombe pas du ciel mais déposer un amendement controversé à la dernière minute et l’examiner de nuit sans que la communauté puisse s’exprimer est un processus choquant. Quant au deuxième ? Il est au mieux imprécis. Qu’est ce qu’une entrave à la tenue d’un débat : manifester à l’extérieur de la salle où se tient le dit débat ? Ce texte, en résonance avec des actualités plus lointaines, ne me semble pas avoir été très bien préparé et prévoit des peines trop lourdes. Quant au dernier amendement, de loin le plus inquiétant, il tombe du ciel, inspiré par l’actualité autour de la mort de Samuel Paty, mais il confond tout. Les libertés académiques existent pour se défendre des pressions politiques. Les astreindre au respect d’une vision politique n’a aucun sens. Je défie quiconque de définir précisément ce que sont « les valeurs de la république » évoquées dans l’amendement, d’autant qu’elles varient au cours du temps. La recherche ne doit-elle donc connaître aucune limite ? La seule limite acceptable est le respect de l’intégrité des pratiques, que nous avons d’ailleurs eu toutes les peines du monde à inscrire dans la LPR. Il ne faut pas aller chercher bien loin pour trouver des situations où cet amendement serait problématique, et pas uniquement en sciences sociales : regardez ce qui se passe en ce moment même aux Etats-Unis. A terme, la bioéthique ou la biologie de l’évolution pourraient être visées. Je ne comprend pas pourquoi Frédérique Vidal a approuvé, de manière enthousiaste qui plus est, cet amendement, qui se retrouve inséré avant l’article 1 de la loi Recherche. Que la LPR commence par des restrictions des libertés académiques et du droit de manifester est tout un symbole ! |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....