Patrick Tort est l’auteur de Darwin n’est pas celui qu’on croit (Ed. Le Cavalier Bleu). Il commente pour TMN la tribune d’Antoine Petit appelant à une réforme « darwinienne de la recherche ». En appelant à une loi « inégalitaire », voire « darwinienne », le président du CNRS se trompe-t-il de Darwin ? En effet, il ignore La Filiation de l’Homme (1871) où Darwin expose sa théorie de la civilisation : la sélection des instincts sociaux entraîne l’extension indéfinie du « sentiment de sympathie » ainsi que celle de la reconnaissance de l’autre comme semblable. D’où, contre l’ancien primat de la compétition éliminatoire, la valorisation morale de la coopération, de l’altruisme, et de la sympathie étendue à la famille, puis à la tribu, à la nation, à l’humanité, et enfin à « tous les êtres sensibles ». L’essor sélectionné des instincts sociaux complexifie l’organisation communautaire et démultiplie les capacités rationnelles nécessaires pour assumer cette complexification. Capable de transformer son milieu en adjuvant de survie, l’espèce humaine échappe largement aux conséquences de la sélection naturelle qui perd ainsi son rôle de facteur principal du devenir. Dans cette logique, la civilisation est conçue comme l’institutionnalisation rationnelle de l’altruisme, et, en tant que telle, s’oppose à la sélection naturelle éliminatoire car elle combat désormais l’élimination des moins aptes par des mesures inverses de protection. Faut-il choisir entre la compétition et la collaboration ? Oui. L’humanité a besoin pour subsister d’une coopération planétaire instruite par une science globale des risques majeurs menaçant la survie de toutes ses populations et de leurs environnements ; l’idée même de frontière nationale devient un handicap pour cette avancée ultime de civilisation que serait une mutualisation complète des données et des solutions par une communauté scientifique mondiale entièrement collaborative et indépendante des intérêts privés. À quoi ressemblerait une recherche réellement darwinienne ? À celle qui élaborerait dans l’urgence un contrat planétaire de survie solidaire fondé sur une science globale des interactions et des compatibilités – une socio-écologie critique. |
Hélène Gispert : « L’absence des femmes aux Nobel n’est que la partie émergée de l’iceberg »
Les femmes sont encore une fois les grandes perdantes de cette série de Nobel 2024. Faut-il s'en indigner ? En effet, si l’on regarde les cinq dernières années, sur les trois prix de médecine, physique et chimie, 29 hommes et seulement six femmes ont été récompensés....