Les discussions en cours autour de la loi de bioéthique en disent long sur le rapport des Français à la science selon Philippe Berta, un des rares chercheurs député à l’Assemblée nationale. Le projet de loi contient des mesures pour faciliter la recherche, notamment sur les cellules embryonnaires, mais va-t-il assez loin ? Malgré ses avancées, je pense effectivement que cette loi ne prépare pas suffisamment l’avenir. Il n’est pas insensé d’imaginer que dans les 5 ans chacun puisse séquencer son génome en 2 heures chrono pour 50 euros. Il vaut mieux anticiper et il est de prime importance que cela soit fait “à la française” avec des banques de données comme le “health data hub”. Il nous faut accompagner les patients lors la révélation de certains résultats et, de manière plus pragmatique, conserver la maîtrise de ces données, que les grands groupes américains ne se gênent pas aujourd’hui pour revendre à « big pharma ». On dit souvent que la recherche est le temps long mais pas en génétique apparemment… Sept ans entre deux lois de bioéthique, c’est effectivement long. Alors que de surcroît, on pourrait aller plus loin dans le diagnostic si la loi le permettait avec des outils déjà disponibles à l’heure actuelle, par exemple pour les porteurs sains de maladies comme la drépanocytose ou la mucoviscidose. En plus, la microfluidique est sur le point de tout révolutionner. Quels sont les freins ? J’entend beaucoup le mot d’eugénisme : il est utilisé à tort et à travers. Il suppose la volonté d’un tri massif à l’échelle d’une population, avec l’exemple de la Seconde Guerre mondiale en tête. Nous voulons simplement donner des solutions diagnostiques quand il n’y a pas de solutions thérapeutiques. Je note d’ailleurs que ceux qui crient à l’eugénisme sont généralement anti-IVG, alors que leurs opinions mènent justement à des avortements spontanés ou médicalisés. J’ai encore du mal à faire comprendre que les scientifiques ne sont pas des fous ou des apprentis sorciers. Les Français ont-ils un problème avec la science ? Notre pays est remarquablement “aculturé” dans ce domaine et il en va de même pour nos représentants nationaux. Il faut dire qu’en dehors de Paris et d’institutions comme la Cité des sciences ou le Palais de la découverte, vous pouvez sortir les rames pour faire de la vulgarisation. J’en sais quelque chose avec la création de l’Ecole de l’ADN. Cette absence de culture fait qu’on agite des peurs, voire des mensonges. Il a par exemple fallu que je fasse un cours à l’Assemblée sur la différence entre transgenre et intersexe, que tous les députés n’ont pas écouté d’ailleurs, pour éviter les amalgames et la récupération politique. |
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En tant que chercheur, que vous apportait un réseau social tel que Twitter avant ? Twitter m’était utile pour faire de la veille scientifique et technologique, en étant connecté à des experts de mon domaine qui produisent ou pointent vers des publications ou d’autres...