Prêt·e pour la « décroiscience » ?

26.09.2025 • N° 534 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE


Au royaume des sourds

White rabbit. Berkeley, 1972. Quatre jeunes économistes et mathématiciens se lancent dans une étude inédite : peut-on indéfiniment maintenir la croissance, alors qu’elle repose sur des ressources finies ? Après avoir fait tourner leurs simulations sur des ordinateurs à cartes perforées, le résultat est sans appel : non.

Jeunes et cons. Le rapport Meadows, issu ces travaux, fera beaucoup parler de lui mais ne changera pas la donne politique, au grand dam de ses auteurs. « Ils pensaient qu’il suffisait de dire les choses pour que les gens en tirent des conséquences », expliquait au micro de France Inter Abel Quentin, qui romance dans son ouvrage Cabane les trajectoires de ces quatre scientifiques.

Nouvel espoir. Cinquante ans plus tard, nous y sommes toujours. Mais le sujet revient sur le devant de la scène : le biologiste de formation et journaliste Nicolas Chevassus-au-Louis consacre son nouvel ouvrage à l’idée d’une nécessaire décroissance de la science. Pourquoi, comment ? Nous l’avons interrogé.

Bonne lecture, 
— Lucile de TheMetaNews

Sommaire

→  INTERVIEW  Nicolas Chevassus-au-Louis et la « décroiscience »
→  OUTIL  Zettlr transforme vos notes en chef-d’œuvres
→  EXPRESS  Un peu d’écologie, un zeste de plagiat et beaucoup d’APC
→  CHIFFRE  Les résultats négatifs ne manquent pas
→  EXPRESS Votre revue de presse
→  ET POUR FINIR Du Nobel au Ig Nobel

TEMPS DE LECTURE : 5 ou 10 MINUTES

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INTERVIEW

« En aucun cas je ne défends un arrêt total de la recherche »

Docteur en biologie et journaliste, Nicolas Chevassus-au-Louis interpelle la communauté scientifique sur son impact écologique et sa nécessaire décroissance.

L’idée de la décroissance dans le milieu scientifique revient-elle aujourd’hui en force ? 

On assiste aujourd’hui à un retour de la figure de Grothendieck, avec notamment la republication de ses ouvrages comme Récoltes et semailles. C’est pour moi l’indice que quelque chose est en train d’évoluer très vite (…)

OUTIL

Zettlr transforme vos notes en chef-d’œuvres

Zettelkasten. Besoin d’un coup de main pour organiser vos notes et rédiger vos articles, thèses ou livres à partir de celles-ci ? Logiciel libre développé par un chercheur, Hendrik Erz, et maintenu par une communauté de scientifiques, Zettlr est un éditeur de texte scientifique qui permet d’alimenter une base de notes en Markdown (un langage de balisage léger qui offre une syntaxe facile à lire et à écrire), avec une possibilité de synchronisation avec Zotero. Comme Obsidian mais en mieux, résume sur son blog le maître de conférences Arthur Perret. Ce dernier animera d’ailleurs une formation organisée par l’Urfist le 3 décembre 2025 à Lyon. Et si vous n’y avez pas encore jeté un œil, les sept Unités régionales de formation à l’information scientifique et technique (Urfist) font leur rentrée avec une large sélection de formations !

EXPRESS

Pendant ce temps dans les labos

● Reviewer #2 n’existe pas. Grâce à de faux emails institutionnels, des individus créent des profils de reviewers qui semblent légitimes et acceptent des manuscrits qui ne devraient pas l’être, alerte un preprint sur arXiv. Pour y remédier, les auteurs proposent par exemple la vérification des emails via des articles publiés, un système de parrainage ou le recours à des identifiants comme ORCID. Vous êtes d’ailleurs incité à en créer un et à le maintenir à jour dans les dernières recommandations du Comité pour la science ouverte.

● Recherches raffinées. Vous souhaitez promouvoir les méthodes dites de “raffinement”, permettant de réduire la douleur et le stress chez les animaux de laboratoire et d’améliorer leur bien-être ? Un appel à projet pour un financement à hauteur de 30 000 euros vient d’être lancé par le FC3R, qui appelle également aux candidatures pour des prix “Culture du soin” et “Recherche” jusqu’au 6 octobre.

● La vita dura. Les doctorant·es ne sont pas tous·tes exposé·es aux mêmes types de précarité, analysent des sociologues dans une étude publiée dans la Revue française des affaires sociales et déposée sur HAL. La dite étude est basée sur une enquête menée auprès des doctorants de l’Université Grenoble Alpes (1000 répondants). Même si la majorité des doctorants sont à l’aise matériellement et ont une vie sociale plus remplie que la moyenne, certains cumulent les difficultés matérielles, professionnelles et sanitaires, d’autres sont au contraire très isolés sans avoir de soucis de santé ni au labo.

  Mais aussi…  Le réseau social Bluesky semble un bon candidat pour rendre visible des résultats de recherche et les discuter entre scientifiques, révèle une étude déposée sur arXiv et… reprise sur BlueskyUn MOOC pour « ouvrir la science en études aréales » – on apprend le mot – est organisé par l’Inalco du 6 octobre au 20 décembre 2025On vous le rappelle : la Fête de la science aura lieu du 3 au 13 octobre avec pour thème les intelligences

CHIFFRE

53%

Un peu plus de la moitié des chercheurs ont généré des résultats négatifs – ou “non-concluants”, ne validant pas leur hypothèse, parfois à l’encontre du reste de la littérature – révèle un sondage mené par Springer Nature auprès de plus de 10 000 chercheurs du monde entier. Si 85% des répondants estiment qu’il est important de les partager, seulement 30% les ont soumis à une revue. Autocensure ? Pour plus des deux tiers les ayant publiés, l’expérience était pourtant positive, avec de multiples bénéfices : trouver de nouvelles hypothèses ou méthodes… et éviter la duplication inutile de travaux.

EXPRESS

Votre revue de presse

→ Synthetic papers. La réécriture d’articles par IA générative permettrait de passer à travers les filtres anti-plagiat, alerte une étude déposée sur medRxiv. Ayant identifié plus de 400 articles similaires dans la littérature biomédicale récente, les auteurs ont également fait le test eux-mêmes en générant trois faux manuscrits qui n’ont pas été détectés comme tels. La boîte de Pandore est ouverte, s’inquiète une chercheuse interviewée par Nature

→ Numéros gagnants. La Commission européenne envisage de recourir au tirage au sort pour l’attribution des financements d’Horizon Europe. Rassurez-vous, les candidatures devront déjà passer une première étape de sélection, explique Science Business, et ce n’est pas pour demain. La Suisse l’expérimente pourtant depuis quelques années avec succès – nous vous en parlions.

→ Cibles en vue. Atterrés mais pas surpris, voici la réaction des scientifiques ↯ suite à la dernière diatribe anti-science (surtout anti climatologie) de Donald Trump à l’ONU, rapporte Libération. Pendant ce temps, les voix des climatologues états-uniens sont en train de s’éteindre, alerte dans une tribune à Libération Thomas Lauvaux, enseignant-chercheur à Rennes. L’historien Nils Gilman estime quant à lui dans les colonnes de L’Express que l’équivalent de la bibliothèque d’Alexandrie est mis en danger par le président des États-Unis.

→ Rattrapé. Un scientifique chilien a été reconnu coupable du viol d’une chercheuse française lors d’une expédition en Antarctique en 2019, rapporte plusieurs médias avec l’AFP dont Le Dauphiné Libéré. L’agresseur risque entre trois et quinze ans de prison. Verdict le 3 octobre.

↯ : liens menant à des articles protégés par un paywall

DU NOBEL AU IG NOBEL

Et pour finir…

Cette année, le plus farfelu des Ig Nobel revient à…