« C’est une collection de vieilles mesures »
Enseignant-chercheur en informatique à l’université de Strasbourg, Julien Gossa décrypte sur son blog Docs en stock l’actu de l’ESR. Lui aussi a lu les rapports des groupes de travail pour la LPPR et nous livre son analyse.
TMN. Qu’est-ce qui vous a le plus interpellé dans les mesures proposées ?
JG. Premièrement, l’absence d’ambition. Dans les documents des années 60 définissant la structure de l’ESR, on sentait de grands principes. Ici, c’est plutôt une collection de vieilles mesures, même si j’en partage tout à fait les constats. Deuxièmement, le déni de la consultation organisée par les sociétés savantes, qui a obtenu 9000 réponses. Et là, les neuf personnes des groupes de travail n’en parlent même pas. Soit ils en ont conscience et on a un problème démocratique, soit ils ne partagent pas l’avis de la communauté et ils doivent l’assumer et justifier leurs positions.
TMN. Vous avez parlé de « Battle royale », une lutte au dernier debout, à venir entre les régions, n’est-ce pas un peu exagéré ?
PB. Cette « Battle royale » va se généraliser entre les régions si, comme il est préconisé, il leur est possible de s’endetter pour financer les universités. Cela peut paraître caricatural, mais ce n’est pas une exagération. La concurrence est déjà présente à tous les autres échelons de l’université et entre universités, par exemple avec les Idex [Initiative d’excellence, NDLR]. Les décisions de répartition des financements descendent les échelons, puis on classe les projets, on interclasse à chaque niveau en remontant. Le but étant de faire émerger quelques projets de recherche.
TMN. Vous parliez récemment de « mauvais traitement réservé aux plus jeunes ». Des revalorisations salariales sont-elles suffisantes ?
JG. Non. Pour revaloriser les salaires, pas besoin de dix pages de rapport : il faut dégeler le point d’indice. Mais on comprend que l’enjeu est de beaucoup mieux payer quelques-uns. C’est comme si on jouait de l’argent au casino ou en bourse, c’est de la spéculation. Les jeunes ont besoin de sécurité et pas de meilleur salaire. La pression pousse les jeunes à publier à tout prix. La propagation de résultats faux est un gros risque à l’heure où tout le monde a accès à n’importe quelle information tout de suite, on devrait au contraire se concentrer sur moins de publications mais de qualité.
Propos recueillis par Lucile Veissier
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