Un canular qui tourne bien



vendredi 4 septembre 2020 /// L’actu des labos
Le fossé entre
générations

Cet été j’ai pu lire sur Twitter ces échanges d’une hallucinante violence entre deux chercheurs. Tous deux travaillent dur pour faire avancer la recherche française. Et pourtant.
L’une est postdoc en recherche de poste, l’autre, un professeur reconnu. Et la différence entre générations se fait pleinement sentir dans leurs paroles lourdes de sous-entendus.
Les jeunes sont-ils des fainéants incapables de faire le moindre sacrifice ? Les vieux ont-ils eu leur poste si facilement qu’il leur est impossible de comprendre ?
A TheMetaNews, on aimerait les réconcilier.
Bonne lecture,
Lucile de TMN



A partir d’ici 5′ de lecture reposante.


Graver l’intégrité
dans le marbre

Inscrire l’intégrité scientifique dans la loi ? Des parlementaires montent au créneau.


On espère un peu moins de violence.
Une communication qui arrive à point nommé. Le 9 juillet dernier, Pierre Henriet (député LREM) et Pierre Ouzoulias (chercheur en archéologie et sénateur communiste) dressent un bilan sur l’intégrité scientifique à l’OPECST (l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques). Leur rapport sur le sujet, en préparation depuis un an, est presque terminé. L’OPECST voudrait que ses propositions puissent être insérées dans la loi Recherche qui doit justement être votée avant la fin de l’année

« L’intégrité scientifique désigne l’ensemble des règles et des valeurs qui garantissent le caractère honnête et scientifiquement rigoureux de l’activité de recherche. »
Communication devant l’OPECST du 9 juillet 2020

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L’actualité sur fond de crise sanitaire et de bataille autour des traitements pour la Covid rappelle l’importance de l’intégrité scientifique afin de retrouver la confiance des citoyens. Les parlementaires en charge du rapport pointent un manque d’outils pour la renforcer. Leurs suggestions se déclinent en deux volets. 
1. Une définition légale. Inscrire au code de la recherche une définition de l’intégrité – aujourd’hui uniquement défini dans des chartes locales de déontologie. Celle-ci est tirée du rapport de Pierre Corvol de 2016

2. Un renforcement du rôle de l’OFIS. L’Office français pour l’intégrité scientifique a été créé en 2017, suite à la circulaire Mandon – faisant elle-même suite au rapport Corvol. Concrètement, cela passerait par :

  • étendre les formations à l’intégrité scientifique destinées aux doctorants à tous les chercheurs passant leur HDR,
  • donner au conseil de l’OFIS le droit de statuer dans les cas concrets de méconduite,
  • rendre l’OFIS autonome – il est aujourd’hui dépendant de l’Hcéres, en proie à des problèmes de direction depuis plusieurs mois.

A suivre. Si la définition de l’intégrité scientifique semble être acceptée quasi-unanimement parmi les parlementaires et la communauté scientifique, le sujet de l’autonomie de l’OFIS risque d’être moins consensuel. 


Un chiffre qui en dit long
-27%
C’est la différence en terme de production scientifique – comprendre le nombre de publications – entre femmes et hommes, selon une étude publiée dans PNAS. Les auteurs ont suivi les carrières de plus de 1,5 millions de chercheuses et chercheurs de toutes disciplines depuis 60 ans.
En revanche, la productivité annuelle des femmes est similaire à celle des hommes (— 0,9%) : en effet, les femmes ont des carrières plus courtes de 15,9 % en moyenne. Les auteurs concluent donc que pour réduire les inégalités de genre, c’est non seulement auprès des jeunes chercheuses mais aussi des plus âgées qu’il faut agir.


Un outil dans la boîte
Où sont vos fans ?
Sous vos yeux ébahis,
la carte de mes citations !
D’où êtes-vous cité ? Ce nouvel outil de Publons (une filiale de Clarivate) permet de localiser les citations de vos articles sur une carte interactive. Pas seulement le pays mais carrément la ville d’affiliation de vos « citants ». Si vous avez plus de 1 000 citations, la carte peut être plus longue à charger (on vous le souhaite). Un outil gratuit pour les chercheurs !


3 questions à… Florian Cova
« Le but était de piéger la revue »


L’hydroxychloroquine contre les accidents de trottinette ? Si vous avez raté le canular de l’été, voici un rattrapage avec un de ses facétieux auteurs.


Quel a été l’événement déclencheur ? La publication d’un autre article dans la même revue prédatrice. En juillet, le collectif Laissons les médecins prescrire avait publié sa propre étude supposée démontrer l’efficacité du traitement hydroxychloroquine et azithromycine. Bien qu’il s’agisse d’une revue prédatrice, ils l’avaient présentée aux médias comme une revue sérieuse pour montrer que leur étude avait été validée par la communauté scientifique. Certains journalistes avaient contacté la revue qui leur a assuré qu’elle n’était pas une revue prédatrice [et qu’un peer review avait bien eu lieu, NDLR]. Ce qui était faux.
Pour qui avoir fait ce canular ? Est-ce une juste blague entre chercheurs ? Non, le but était vraiment de piéger la revue Asian Journal of Medicine and Health et de montrer qu’elle était une revue prédatrice. Le premier auteur de notre article a lancé sur les réseaux sociaux l’idée de soumettre un papier très nul pour voir si la revue l’accepte. Au cours de la rédaction, on a profité de l’occasion pour se moquer de toutes les fautes méthodologiques qui trainaient dans le débat français autour de l’hydroxychloroquine.

Votre démarche a-t-elle été comprise par le grand public et les médias ? 
On a eu beaucoup de reprises dans les médias, mais le message a été un peu brouillé. Le canular était pour eux une façon de dénoncer les revues prédatrices en général, alors que cela a déjà été fait plein de fois [en 2013, John Bohannon avait soumis le même article à plus de 304 revues, NDLR].



Des infos en passant //////// L’ADBU (Association des directeurs de bibliothèques universitaires) lance un appel pour une gouvernance partagée de HAL //////// Distinguer la vraie de la pseudo-rationalité par Bruno Andreotti & Camille Noûs dans Zilsel //////// Redevenir chercheuse après 22 ans off : le témoignage d’une chercheuse dans Science Mag //////// Comment utiliser les réseaux sociaux quand on est chercheur ? Des conseils dans Impact of Social Sciences //////// eLife soutient la reproductibilité en proposant Executable Research Articles où le code est publié avec le papier //////// De nouvelles idées pour améliorer vos posters par Mike Morrison de #betterposter (dont nous vous avions déjà parlé) dans The Publication Plan //////// 


Votre revue
de presse express



Et pour finir…

De la détection de pulsar à une pochette d’album, il n’y avait que deux pas — ou plutôt deux personnes : Harold D Craft, Jr. qui a publié il y a pile 50 ans cette visualisation dans sa thèse et le graphiste Peter Saville, qui l’utilise neuf ans plus tard pour la couverture de Unknown Pleasures, album mythique de Joy Division. (© Harold D Craft, Jr.)