Un métro nommé désir

— Le 23 octobre 2020

Un vieux projet qui vient pourtant de naître
La ligne de métro 18 « spéciale chercheurs » du plateau de Saclay divise. Enquête au moment où les premiers coups de pelle sont donnés.

La seule solution. A l’heure où des hordes de chercheurs continuent à débarquer sur le plateau de Saclay, tout le monde réclame de nouveaux moyens de transports (Sylvie Retailleau la première dans notre interview à relire). La solution ? Une ligne de métro, la 18ème du nom (oui, il y en a bien 17 autres), dont les premiers coups de pelles devaient être donnés cette semaine… mais les travaux sont bloqués par des militants écologistes.

Pas au courant. « Chercheurs, enseignants et étudiants sont très mal informés », affirme Fabienne Mérola qui travaille sur le campus. Pour la chimiste, cette ligne ne remplirait pas leurs besoins. Pourquoi ? « Elle reliera quelques sites du plateau au RER B (à Massy) mais des bus en site propre le font déjà – voire mieux grâce au cabotage [qu’est-ce que le cabotage, NDLR]. » Mais surtout, les conséquences environnementales pourraient être très néfastes.

Un bilan (trop) positif. Quel bilan carbone pour la nouvelle ligne de métro ? Aucune étude n’a été publiée, peut-être parce que son empreinte carbone ne sera semble-t-il jamais compensée. Déjà en 2011, Carbone4 préconisait de renforcer les lignes existantes plutôt que de creuser de nouveaux tunnels. Puis il y a deux ans, Pascal Auzannet s’interrogeait : « fallait-il pour autant un métro lourd, comme sur les autres lignes, avec le risque de surcapacités ? »

Terres à manger. C’est le nerf de la guerre depuis le début du projet. Sur le plateau de Saclay, les terres de qualité se prêtent à l’agriculture. En 2010, des zones ont été sanctuarisées (dont une grande partie des terres agricoles). Mais il semble inéluctable pour beaucoup que l’apparition du métro – à capacité surestimée – engendrera une augmentation des flux, des développements urbains et donc un grignotage supplémentaire des terres.

Agriculteurs désabusés. La famille Vandame cultive le blé sur le plateau : Emmanuel dénonce le découpage de leurs parcelles par le futur métro. Sa femme, Cristiana comprend la nécessité d’urbaniser une partie du plateau pour la recherche mais se désole du désintérêt qu’on porte à leurs messages : « Nous avons utilisé tous les moyens démocratiques – concertations, enquêtes… –  mais nous n’avons jamais été entendus. » Ils accueillent des militants écologistes sur leur terrain.

Obsolescence programmée. « Si c’est pour avoir quelque chose de plus confortable, de plus prestigieux… en avons-nous réellement besoin ? », questionne Fabienne Mérola. Dans le contexte de crise environnementale et sanitaire, à l’heure où l’on aime à (re)parler d’autosuffisance alimentaire et de productions locales, ce projet pharaonique peut sembler venir d’un autre temps.
Paris-Saclay en quelques chiffres

2010 : création de l’établissement public (EPPS puis EPAPS) en charge du développement du pôle scientifique et technique, directement sous la tutelle de l’Etat.
2026 : première section de la ligne 18 en fonctionnement, la totalité en 2030.
Un budget total de 6 milliards d’euros, estimait la Cour des comptes en 2017 (dénonçant au passage le manque de transparence).
15% de la recherche publique y est concentrée (à terme 20 ou 25%).
27 communes concernées.

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