22.03.2024 • LA RECHERCHE ET SA PRATIQUE
Parce que la quantique le vaut bien
Chatoyant visage. Alors, cette crème “quantique” de Guerlain, vous l’avez testée ? Vous a-t-elle donné un teint lumineux en restaurant l’émission de vos biophotons, le tout pour la modique somme de 650 euros le pot de 50 ml ?
Orchidée Impériale. Suite au mini-esclandre parti de France et relayé jusqu’en Chine, le géant des cosmétiques de luxe a retiré la mention “quantique” de son nouveau produit mais pas celle de sa collaboration avec des universitaires.
Planètes alignées. C’était début janvier et nous sommes en mars. Mais vous nous connaissez, on aime prendre le temps de traiter les sujets, surtout ceux qui nous touchent au plus près – moi-même étant physicienne de formation.
Zone grise. L’occasion était donc trop belle pour ne pas revenir sur l’usage du mot quantique dans l’espace public et tenter de tracer une ligne entre charlatanisme et science.
Bonne lecture,
— Lucile de TheMetaNews
Sommaire
→ ANALYSE Quand la quantique échappe aux physiciens
→ OUTIL Un « violentomètre » pour les femmes en science
→ CHIFFRE Des rapports de reviewers (pas) à rallonge
→ EXPRESS Votre revue de presse
→ ET POUR FINIR Indécent
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ANALYSE
Quand la quantique échappe aux physiciens
La polémique Guerlain a eu le mérite de mettre un coup de projecteur sur les liens plus ou moins sérieux entre biologie et quantique, un terme qui entre définitivement dans notre culture.
↳ Avant même sa sortie dans les tout premiers jours de janvier 2024, la crème prétendument “quantique” de Guerlain a défrayé les chroniques. Des communiqués de presse à trou – il ne manquait plus que le nom de chercheurs –, des employés qui témoignent anonymement de l’absence de preuves scientifiques à l’appui de l’argumentaire marketing… les révélations du youtubeur G Milgram a fait l’effet d’une petite bombe (…)
OUTIL
Un « violentomètre » pour les femmes
Bip bip biiiip. On imaginerait presque un petit boîtier pendant au cou des chercheuses, par-dessus leur blouse blanche, sonnant à l’approche de vieux pervers. Lancé par la Fondation L’Oréal, le “violentomètre” est en fait un tableau listant les types de comportements problématiques auxquels chaque femme peut être confrontée, adapté au monde scientifique par la doctorante Giorgia Magni. On vous coupe la parole, vos compétences sont remises en question et, bien sûr, on vous affirme que le milieu de la recherche est exempt de sexisme ? C’est déjà de la violence et il faut en parler – vous pouvez aussi relire notre analyse sur les femmes et les maths.
EXPRESS
Pendant ce temps dans les labos
● Une petite pièce. Point concours : la session synchronisée se clôture le 29 mars sur Galaxie. Avis aux candidat·es maîtres ou maîtresses de conférences à des postes de prof : si la qualification n’est plus demandée, vous devez fournir votre arrêté de titularisation selon l’arrêté du 6 février 2023 (article 19)… bien qu’aucune case n’y fasse référence lors du dépôt de votre dossier via Galaxie. Vous devez a priori l’envoyer par email directement à l’établissement comme écrit en tout petit en bas de cette page, ce qui a semé la confusion pour les candidats à des postes ouverts il y a quelques semaines. Parmi eux, Viviane Pons a raconté ses mésaventures sur les réseaux sociaux (ici Mastodon). Quant au référencement des postes par discipline, une lectrice nous signale le site Opération Postes pour les matheux.
● Copy-paste. L’utilisation de ChatGPT se généralise et personne ne pourra l’arrêter – on vous en parlait. Ce qui pourrait rester discret si l’on se relit attentivement. C’est apparemment ce que manquent de faire un nombre de plus en plus important d’auteurs, laissant traîner leur commande “Regenerate Response” ou des phrases typiques de l’IA telle que “Certainly! Here is…” dans leur manuscrit – qui ne sont pas même retoqués par les éditeurs et les reviewers. Retraction Watch liste l’ensemble des 77 papiers identifiés à l’heure actuelle par votre collègue toulousain Guillaume Cabanac. Tous ont été signalés sur Pubpeer et on ne peut que vivement vous recommander d’utiliser les extensions – navigateur ou Zotero – pour ne pas se retrouver à citer ces articles problématiques.
● Mais aussi… Le mathématicien français Michel Talagrand s’est vu décerné le prestigieux prix Abel 2024 par l’Académie norvégienne des sciences et des lettres. Le prix lui sera remis à Oslo le 21 mai prochain par le roi Harald V. S’y rendra-t-il en Harley Davidson, barbe et cheveux blancs au vent ? Les paris sont ouverts ● Des chercheurs en BD avec la sortie de Laurent Schwartz, Les engagements d’un médaillé Fields (le premier parmi les Français, en 1950) aux éditions Petit à Petit et la parution de l’ouvrage Horizons climatiques, Rencontre avec neuf scientifiques du G.I.E.C. chez Glénat
CHIFFRE
302
Quelle est la longueur typique d’un rapport de reviewer ? Le nombre médian de mots est de 302, révèle un article publié dans Scientometrics et disponible sur HAL. Ayant analysé un échantillon de plus de 50 000 publications, les auteurs montrent que des rapports plus longs (d’environ 1000 mots) peuvent être associés à un plus grand nombre de citations. Ils concluent sur le rôle crucial que le peer review joue dans la qualité des publications.
EXPRESS
Votre revue de presse
→ Mouchoirs blancs. Près d’un diplômé du doctorat en France sur cinq travaille à l’étranger, selon les chiffres du ministère de la Recherche. Des statistiques pas inédites mais que Le Monde illustre avec des interviews de postdocs partis de l’Hexagone pour garnir leur CV mais laissant leur famille derrière eux ↯, ainsi que l’analyse de la chercheuse Marie Sautier qui étudie le phénomène.
→ La voix de la science. Après les Scientifiques en rébellion qui s’insurgeaient début février dans les colonnes de L’Obs suite à la marche arrière du gouvernement sur la réduction des pesticides, c’est au tour des sociétés savantes de signer une tribune dans Libération ↯ dénonçant l’instrumentalisation de la grogne des agriculteurs et des décisions prises « en dépit des connaissances scientifiques ».
→ Charge mentale. Être à la tête d’une équipe et toutes les responsabilités qui accompagnent ce poste est chronophage… mais a aussi de quoi faire fuir votre créativité. Entre le reviewing de papier, les demandes de financement, l’enseignement… l’hydrologue canadien Jeffrey J. McDonnell décrit pour Science Careers comment il a perdu puis retrouvé son habileté à explorer de nouvelles questions.
→ Jugée coupable. Alors que la chercheuse en psychologie Francesca Gino est en pleine procédure judiciaire, Science révèle les conclusions du rapport d’enquête menée en interne par la Havard Business School. Même si la chercheuse affirme ne pas avoir été au courant des manipulations de données commises dans les papiers qu’elle signait, les investigateurs ont retenu une fraude intentionnelle.
→ Crime passionnel. Croyant dur comme fer à l’hypothèse d’une fuite de laboratoire comme origine du Covid-19, les deux biologistes Richard Ebright et Bryce Nickels s’en prennent régulièrement à leurs collègues défendant la thèse d’un passage “naturel” de l’animal à l’homme. À bout, douze d’entre eux se plaignent à la Rutgers University employant les deux biologistes, rapporte Science.
→ Madeleine de Proust. Pourquoi les matheux et physiciens sont-ils tant attachés au tableau noir et à la craie ? La revue en ligne de vulgarisation scientifique Nautilus s’est plongée en immersion au sein d’un institut londonien et fait appel aux historiens pour mieux comprendre la pratique. Un article traduit par Courrier International.
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INDÉCENT
Et pour finir…
Avez-vous déjà essayé de générer vos schémas via une IA ? Le résultat peut être, disons-le poliment, surprenant.