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Rendez-vous. Dans moins d’une demie-heure va commencer notre rencontre en ligne avec Igor Dotsenko et Igor Kadenko. Rejoignez-nous Ă partir de 09h00 pour une heure de conversation.
Parler encore. L’un en France, l’autre en Ukraine, ces deux chercheurs vous livreront leur tĂ©moignage et leur ressenti devant cette guerre qui nous a tous pris par surprise.
La science, aussi. Une heure d’Ă©change pour ne pas oublier que malgrĂ© le fracas des bombes et la folie de certains, la solidaritĂ© peut permettre d’espĂ©rer des jours meilleurs.
Keep calm & science hard,
L’Ă©quipe de TheMetaNews
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Cinq minutes avec les Ukrainiens
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Faut-il maintenir les liens avec la Russie ?
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Que ce soit avec les Ukrainiens qui rĂ©sistent Ă l’invasion ou avec les scientifiques russes qui s’opposent Ă leur gouvernement, certains chercheurs français cherchent Ă maintenir le lien.
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Choc des images. Igor Dotsenko, maître de conférences au Collège de France, est sous le choc en voyant les images des bombardements russes partout en Ukraine. Toute sa famille est là -bas, les informations se propagent très vite via les réseaux sociaux. « Les Ukrainiens sont très bien équipés en smartphones et réseaux mobiles, prennent des photos et vidéos et les diffusent, par exemple sur des boucles Telegram », nous confie le physicien. Ce dernier est ainsi en contact avec de nombreux chercheurs ukrainiens. Certains, informaticiens, participeraient à des cyberattaques de médias russes, d’autres, chimistes, proposent des recettes de cocktail Molotov.
Guerre de l’information. « Les Ukrainiens connaissent bien le mode de pensĂ©e des Russes car nous avons tous grandi en URSS », tĂ©moigne Igor Dotsenko. Dans cette guerre de l’information, les Ukrainiens comptent profiter de cette proximitĂ© culturelle pour influer sur l’opinion populaire russe. Le physicien s’explique : « En envoyant des images de colonnes de chars russes dĂ©truits, nous espĂ©rons leur ouvrir les yeux sur ce qu’il se passe rĂ©ellement, casser les illusions et faire peur aux parents russes dont les enfants sont envoyĂ©s au front, sans portable pour prendre des nouvelles ».
« Le gouvernement russe fait pression (…) mais la communautĂ© des enseignants chercheurs n’est pas totalement soumise »
Recherche, terre d’accueil. Pendant ce temps-lĂ , des chercheurs français se mobilisent. L’Institut national de physique nuclĂ©aire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS a par exemple mis en place une cellule de soutien financier et d’aide au logement pour les Ă©tudiants et chercheurs ukrainiens. « En physique des particules, on a l’habitude des grosses collaborations et donc d’accueillir des chercheurs Ă©trangers », tĂ©moigne Marie-HĂ©lène Schune, chercheuse et au pilotage de cette cellule. Sur la vague de stagiaires prĂ©vue, seules deux Ă©tudiantes viendront, les hommes Ă©tant interdits de sortie du territoire.
Étroites coopĂ©rations. Au sein du ICJLab Ă Orsay, des liens forts avec l’Ukraine se sont dĂ©veloppĂ©s grâce Ă la prĂ©sence d’un chercheur d’origine ukrainienne, avec par exemple une confĂ©rence franco-ukrainienne annuelle. Depuis, une trentaine de doctorants ukrainiens ont Ă©tĂ© formĂ©s dans les laboratoires de l’IN2P3 ou de l’IRFU au CEA et sont repartis ailleurs en Europe ou en Ukraine. Marie-HĂ©lène Schune elle-mĂŞme avait l’habitude de se rendre une fois par an en Ukraine pour enseigner et devait justement donner un cours Ă Kharkiv la semaine dernière.
« Il ne faut pas laisser tomber les chercheurs russes qui se mobilisent. »
Pas dans le mĂŞme sac. Il n’y a pas que les Ukrainiens qui sont en danger. Parmi les signataires – aujourd’hui plus de 6 000 – de l’appel des scientifiques russes Ă stopper la guerre (Ă lire en intĂ©gralitĂ© ici), Marie-HĂ©lène Schune a reconnu plusieurs collègues dont elle souligne le courage. Si elle souscrit Ă la suspension des collaborations institutionnelles avec la Russie, prĂ´nĂ©e notamment par le CNRS ou l’Agence nationale de la recherche, maintenir le lien Ă l’échelle individuelle est selon elle souhaitable. Un moyen selon elle de soutenir les chercheurs russes qui prennent des risques en prenant position contre leur gouvernement et de construire une paix durable.
LibertĂ©s restreintes. Une opinion partagĂ©e par Carole Sigman, chercheuse en sciences politiques : « Il ne faut pas laisser tomber les chercheurs russes qui se mobilisent. On pourrait d’ailleurs envisager d’inclure ceux qui sont en danger dans les programmes d’aide aux chercheurs ukrainiens. » Les universitaires russes n’ayant que des contrats Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e d’un Ă cinq ans, il est très facile d’Ă©vincer ceux qui dĂ©rangent politiquement. « Le gouvernement fait pression sur les recteurs d’universitĂ© depuis l’annexion de la CrimĂ©e pour qu’ils exercent un contrĂ´le politique sur les enseignants et les Ă©tudiants — qui risque d’ailleurs de se renforcer. Mais la communautĂ© n’est pas complètement soumise », explique la spĂ©cialiste de l’enseignement supĂ©rieur russe. Encore des raisons d’espĂ©rer, donc.
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 Des infos en passant. La guerre russo-ukrainienne a des rĂ©percussions jusque dans l’espace : le Cnes annonce ainsi le dĂ©part des scientifiques russes de Kourou //////// Le programme PAUSE qui accueille des universitaires en danger lance un appel aux collègues ukrainiens en danger. Peut-ĂŞtre faudrait-il l’Ă©tendre aux Russes qui s’opposent Ă Poutine ? //////// Un rassemblement Ă©tait organisĂ© mardi 1er mars Ă Paris en solidaritĂ© avec Fariba Adelkhah et tous nos collègues ukrainiens, russes et biĂ©olorusses //////// Les lettres ouvertes et les pĂ©titions du monde de la recherche se multiplient pour protester que ce soit du cĂ´tĂ© russe, français ou du reste de l’Europe //////// #ScienceForUkraine recense les initiatives d’aide aux chercheurs et Ă©tudiants ukrainiens (financement ou hĂ©bergement). La chercheuse lettone Ă l’origine de la plateforme Ă©tait interviewĂ©e dans Heidi News ////////
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Quelques questions à … Igor Kadenko
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« Je voudrais pouvoir me réveiller et que la guerre soit finie »
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Ce physicien et chef de département veille sur ses collègues et étudiants et tient bon grâce à ses recherches.
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Quelle est la situation à l’Université Taras-Chevtchenko de Kyiv ?
Lundi dernier [le 28 fĂ©vrier, l’interview s’est dĂ©roulĂ©e le mardi 1er mars, NDLR], l’universitĂ© a dĂ©clarĂ© deux semaines de vacances pour tout le monde, donc nous restons chez nous. Tous les matins, je contacte l’ensemble des professeurs de mon dĂ©partement [Igor Kadenko est Ă la tĂŞte du dĂ©partement de physique nuclĂ©aire, NDLR] pour vĂ©rifier qu’ils ne vont pas trop mal et qu’ils sont disponibles pour les enseignements en ligne. Pour les Ă©tudiants, c’est plus compliquĂ© : certains ont pris l’avion pour la France ou l’Allemagne, lĂ oĂą ils avaient des stages dans des labos. Nous avons par exemple des liens Ă©troits avec le Laboratoire de l’accĂ©lĂ©rateur linĂ©aire Ă Orsay [aujourd’hui IJCLab, voir notre article â–˛, NDLR]. D’autres Ă©tudiants sont dans leur famille, Ă©parpillĂ©s dans toute l’Ukraine, oĂą ils sont actuellement plus en sĂ©curitĂ© qu’à Kyiv. Mais la situation est plus critique pour ceux qui sont restĂ©s dans la capitale car il n’y a pas d’abri dans les logements Ă©tudiants. Ils se sont donc rĂ©unis dans le sous-sol de la facultĂ© de physique qui ressemble maintenant Ă un camp de rĂ©fugiĂ©s. En plus, ils n’ont plus d’argent pour acheter Ă manger donc les professeurs ont organisĂ© un système de dons.
J’imagine que la recherche n’est pas la priorité à l’heure actuelle…
De manière gĂ©nĂ©rale, en effet, ce n’est pas la prioritĂ©. Mais, malgrĂ© la terrible situation, je continue mes recherches avec nos collègues hongrois de l’Atomki qui nous soutiennent beaucoup. Parce que si je passais mon temps Ă lire les informations, je deviendrais certainement fou. Ainsi, j’analyse les donnĂ©es de l’expĂ©rience que nous venons de terminer ensemble et nous sommes en train de faire des dĂ©couvertes intĂ©ressantes ! Mais un autre problème est que notre projet s’est terminĂ© Ă la fin de l’annĂ©e dernière et que le financement du nouveau projet que nous avions obtenu pour cette annĂ©e a Ă©tĂ© coupĂ©. Ainsi, beaucoup de membres de l’équipe sont aujourd’hui sans salaire.
Qu’espérez-vous pour les jours et semaines qui viennent ?
Ça devient de pire en pire et je n’ai aucun espoir tant que Vladimir Poutine reste au pouvoir. Je rêve de pouvoir me réveiller et que la guerre soit finie et que les Russes soient partis, mais cela n’arrivera malheureusement pas. Je peux juste espérer que notre université ne soit pas détruite comme celle de Kharkiv. Ce matin, j’ai demandé des nouvelles du bâtiment principal de l’université et il était toujours debout [le bâtiment rouge est un symbole de l’université de Kyiv, NDLR]. Je suis également inquiet au sujet des infrastructures de physique nucléaire au sud de la ville car elles contiennent des sources radioactives. Les employés de l’université ont vérifié ce matin qu’elles avaient bien été éteintes selon les règles de sécurité depuis jeudi dernier. Si jamais elles sont bombardées, ce qui peut arriver car les Russes ne contrôlent pas bien, des composants radioactifs partiraient en suspension dans l’air.
Quel est votre message à destination des chercheurs français ?
Nous avons été émus de voir le soutien de nos collègues aux Etats-Unis, au Japon ou en Allemagne… Mais je demande aux chercheurs d’être proactifs et d’appeler leurs gouvernements à faire plus : mettre plus de pression sur Vladimir Poutine, fournir une aide financière et militaire à l’Ukraine ou du moins, laisser les personnes qui veulent se battre pour la liberté nous rejoindre. Nous devons nous serrer les coudes pour ne pas atteindre le point de non-retour !
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Propos recueillis et traduits de l’anglais par Lucile Veissier
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