🍀 Les doctorants et le star system



03 décembre 2021 | La recherche et sa pratique 
La patrie
reconnaissante ?

Josephine Baker n’était pas chercheuse. Mais une femme noire au Panthéon reconnue parmi les figures importantes de la nation, c’est une première remarquable, même si l’opération soulève quelques réserves.
En recherche, les figures connues de femmes noires ne courent pas les rues non plus. Y en a-t-il, même ? On peut penser à Timnit Gebru, récemment mise sur le devant de la scène après avoir été licenciée par Google.
Dans le passĂ©, rien ne me vient Ă  l’esprit – mais reprenez-moi si je me trompe – mis Ă  part les premières informaticiennes de la NASA, Ă  l’époque oĂą l’informatique Ă  peine naissante n’était pas considĂ©rĂ©e comme importante.
Un vide qu’il ne reste qu’Ă  combler au plus vite !

A très vite,
Lucile de TMN

 PS.  Pour rester sur le sujet des femmes, la discrimination est le sujet d’un colloque sur le genre en santé. Et, petite anecdote au passage, trois des intervenants ont été un jour interviewés par TMN – mais pas sur ces sujets. Serez-vous les retrouver ? Une était citée ici et un autre là.


Au sommaire de ce numéro
  • Jean Frances et StĂ©phane Le Lay dĂ©cryptent MT180
  • Des visios ludiques avec Gather
  • Le partage de donnĂ©es en manque de reconnaissance
  • Des infos en passant
  • Votre revue de presse express
  • Et pour finir avec une ode Ă  la science ouverte



D’ici, environ quatre minutes de lecture



Quatre questions Ă … Jean Frances et StĂ©phane Le Lay


« La compétition efface la coopération »


Les deux sociologues Jean Frances et Stéphane Le Lay ont écumé le concours de Ma Thèse en 180 secondes et apportent leur analyse critique.




Le concours MT180 est-il le rĂ©vĂ©lateur d’une Ă©volution du doctorat ?
JF Ce n’est pas un rĂ©vĂ©lateur mais il s’inscrit dans un mouvement plus large et y participe : aujourd’hui, le doctorat n’est plus que la rĂ©alisation de travaux de thèse mais correspond aussi Ă  une scolaritĂ© avec la formation et la validation de compĂ©tences. C’est dans ce cadre que les doctorants sont amenĂ©s Ă  la communication, qui devient ici « promettante » [la promesse d’applications pourtant Ă©loignĂ©es de leurs travaux, NDLR]. Le tout est lĂ©gitimĂ© par les institutions qui soutiennent ce concours – qui aurait Ă©tĂ© dĂ©considĂ©rĂ© dans les annĂ©es 1990.
SLL D’un côté, on attend des jeunes docteurs qu’ils soient affutés, de plus en plus brillants, bref, meilleurs qu’il y a quinze ans. De l’autre côté, MT180 banalise le rapport à la recherche. Cet aspect contre-intuitif crée une mise en tension.
Le bénéfice revient-il plutôt aux doctorants ou aux institutions ?
SLL
Au départ, on peut penser que ce sont les doctorants qui en bénéficient car ils sont sous les projecteurs, présentent leurs travaux et sortent de l’isolement. Mais certains candidats qui sont allés loin dans le concours témoignent avoir eu le sentiment après coup d’avoir été instrumentalisés à des fins d’images [l’étude des sociologues se déroule en pleine création des Comue, NDLR]. Donc finalement, ce sont plutôt les acteurs institutionnels qui en bénéficient en montrant leurs doctorants.
JF La plupart des doctorants sont satisfaits de la formation à la communication mais moins du rôle qu’on leur demande de jouer. Ils se rendent compte a posteriori qu’ils se sont pris au jeu et sont venus à une communication promettante.
Pousse-t-on les doctorants Ă  un comportement contraire Ă  l’Ă©thique ?
JF
Oui. Pas le format en lui-même – on demande juste au doctorant de faire de la vulgarisation – mais l’exacerbation de la compétition en est la cause. Et cela s’insère dans un contexte où la compétition pour l’obtention des moyens afin de mener ses recherches, qui deviennent de plus en plus rares, incite à des comportements contraires à l’éthique. Les candidats arrivent en général dans le concours sans cynisme mais réalisent que s’ils veulent gagner, ils doivent se débarrasser de certaines règles d’éthique. 
SLL La compétition interindividuelle efface la coopération. En recherche, on ne peut pas travailler seul mais le format du concours pousse à se mettre en avant. Certains candidats mettent “nous” et “équipe” dans leur topo ou sur leur diapositive mais la tendance est plutôt de se montrer comme un chercheur brillant et solitaire.
Comment voyez-vous le futur du concours ?
SLL
Certains prédisaient que le concours allait mourir au bout de deux ans mais, huit ans plus tard, il continue à être suivi. Les candidats mentionnent même leur participation dans leur CV, sur LinkedIn ou dans des articles scientifiques. Le concours MT180 a pris une place à part entière dans la gestion de carrière.
JF Le format “trois minutes” tend à se déployer : les présentations courtes deviennent un standard auquel il faut savoir répondre car il est jugé pertinent, notamment par les ressources humaines.


Le livre Ma thèse en 180 secondes. Quand la science devient spectacle est issu de la rencontre de trois sociologues. Ce travail collectif, effectué sur leur temps libre, donne un ouvrage peu jargonnant et plaisant à lire, plongeant le lecteur dans la vie des services communication des différentes universités et organismes de recherche et celle la peau des doctorants.
Vous voulez réagir ? On vous lira

Un outil dans la boîte


Des visios ludiques




 A la quĂŞte d’une confĂ©rence sympa  Pour mettre un peu de piment dans vos visioconfĂ©rences – on vous prĂ©sentait SpatialChat il y a peu (c’était ici) – voici aujourd’hui Gather, gratuit jusqu’Ă  25 personnes. PrĂ©sentĂ© comme un « mĂ©lange entre Zoom et un RPG [jeu de rĂ´le, NDLR] en 2D » par les universitaires de Genève qui vous prĂ©sentent comment tirer en partie pour l’enseignement avec des exemples de scĂ©narios pĂ©dagogiques, l’outil est aussi parfait pour organiser des Ă©vènements en ligne de type sĂ©minaire.


Un chiffre qui en dit long
 65% 
C’est la part de chercheurs estimant n’avoir jamais été récompensés de quelque manière que ce soit pour avoir partagé leurs données, selon le rapport annuel sur le statut des données ouvertes publié par Figshare, Digital Science et Springer Nature. Au delà du manque de reconnaissance, plus de la moitié des 4 200 chercheurs interrogés sont inquiets de leur utilisation abusive.


 Des infos en passant  Amis des SHS, Ă©crire un data paper, ça vous tente ? Le chercheur Victor Gay vous partage son expĂ©rience dans un papier disponible sur HAL //////// En mesurant qui publie le plus dans une revue, les chercheurs sont capables de dĂ©tecter des mauvaises conduites Ă©ditoriales. Exemple avec un article dans PlosOne //////// La soutenance est aussi un moment d’émotion pour l’encadrant qui n’est souvent pas prĂ©parĂ©, tĂ©moigne cette chercheuse dans LSE Impact blog //////// Comment citer des logiciels ? Conseils et exemples par le rĂ©seau JATS for Reuse //////// 


//////// Une journée d’étude « Le doctorat CIFRE et la recherche par le projet en agence d’architecture » a lieu aujourd’hui même (03 décembre) et il est possible de la suivre à distance //////// Les chercheurs fortement cités sont plus enclins à juger sur des critères bibliométriques, rapportent trois chercheurs norvégiens dans LSE Impact blog ////////


Votre revue de presse express



Et pour finir…
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Une ode à l’open science sur un air de Queen et Bowie, par le bibliothécaire Jeff Edmunds. Eh oui, le monde des revues scientifiques est sous pression !