🔷 On n'avait pas épuisé le sujet

26 mai 2021 | La recherche et sa politique
Une dernière
louche de doctorat

On n’en avait pas tout à fait fini avec le sujet du doctorat. La preuve par deux cette semaine avec une interview, une tribune… et une anecdote, qui suit.
Cette anecdote est tirée de cet article du Guardian qui montre, si besoin en était, la distance qui sépare l’Allemagne de la France quand on parle PhD.
Franziska Giffey est en effet la troisième ministre démise de ses fonctions dans le gouvernement Merkel pour suspicion de plagiat sur sa thèse. Le quotidien remarque, goguenard, que des scandales sexuels auraient été moins gênants.
On se répète (lire notre numéro de la semaine dernière) mais, plus qu’un diplôme, le doctorat est en effet outre-Rhin un passeport pour la notabilité. Bien loin de la situation française, non ?

Keep calm & science hard,
Laurent de TheMetaNews

Si vous n’avez que 30 secondes

Où vont les docteurs ? L’analyse de Julien Calmand
Patrick Fridenson, suite (et fin) : ses préconisations
Les Français ont-ils confiance en vous ? (Réponse : oui)
Ils refont leur carte de visite
Votre revue de presse express
Et pour finir avec la fin d’une arche

A partir d’ici 4 minutes de lecture ingénieuse

Quatre questions à…. Julien Calmand

« Le processus de démotivation est en train de marcher »

Ce chercheur analyse les causes de la (trop) lente mue du doctorat en France.

Julien Clamand (pas en photo) est l’auteur
d’une thèse sur le sujet

En quoi l’Hexagone fait-il figure d’exception pour les docteurs ?
Le doctorat s’est traditionnellement construit en France comme un vivier de recrutement pour les universités, les grandes écoles fournissant les élites du privé et les hauts fonctionnaires. De fait, les docteurs sont très peu reconnus en dehors du secteur public, contrairement aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, où ils accèdent aux postes les plus élevés. La palette des débouchés s’élargit aujourd’hui sous l’influence de la compétition inter entreprises, qui ont besoin de docteurs car ils sont capables de favoriser l’innovation. Il y a un retournement de situation mais il est lent et progressif : aujourd’hui, même les écoles d’ingénieurs vont vers le doctorat, de plus, l’emploi dans la recherche publique se réduit et se précarise progressivement.

Quels sont les points de blocage ?
Si il y a un acteur qui a moins joué le jeu jusqu’à présent, ce sont les organisations patronales. Les entreprises intègrent des docteurs, financent des Cifre mais les conventions collectives bloquent leur reconnaissance. A tel point que le doctorat n’est reconnu que dans une branche, celle de la chimie. Une explication à cela : la reconnaissance du doctorat amènerait des rémunérations plus élevées que celles des écoles d’ingénieurs ou de commerce. L’Etat a tout de même joué un rôle décisif grâce aux Cifre ou au dispositif Jeunes docteurs ; les derniers chiffres du Cereq montrent d’ailleurs que les embauches augmentent.

L’académie fait-elle toujours autant rêver ?
Le processus de démotivation est en train de marcher : les doctorants veulent toujours intégrer la recherche académique mais dans une moindre proportion : 70% il y a cinq ans, 50% aujourd’hui. Pour beaucoup, se positionner dans la recherche publique est aujourd’hui synonyme de CDD, de post-docs… ça va les décourager. Ils gagnent des postes dans le privé, pas nécessairement dans la recherche d’ailleurs, même si nous manquons de statistiques sur cette population précise.

Tous les docteurs sont-ils égaux face à cette situation ?
Le doctorat fait sa mue sur fond de sélection au financement de la thèse et cette sélection ne se passe pas de la même manière dans toutes les disciplines, forcément. Cette sélection existait déjà depuis longtemps dans les sciences formelles et du vivant. Or en sciences humaines, les possibilités de financement ne sont pas aussi importantes, une inégalité se crée parce qu’il y a moins de partenariat public privé, moins de projets de recherches internationaux et beaucoup moins de postes, sauf en sciences de l’éducation ou sciences économiques.

Propos recueillis par Laurent Simon

Une réaction ? On vous écoute.

Des infos en peu de mots Ne pas révéler ses liens avec la Chine, ça peut valoir cher. En l’occurence. 37 mois de prison pour ce chercheur en rhumatologie américain (via THE). Cette sentence fait suite à une demi-douzaine d’arrestations pour les mêmes motifs ////////// Le géant Clarivate, bien connu pour son Journal of citation report, rachète le spécialiste des bases de données Proquest pour 5,3 milliards de dollars, une opération qui devrait être effective avant la fin d’année ////////// Dernière minute Les sages de la Cour des comptes se sont penchés sur l’Ecole des hautes études en sciences sociales et le résultat de leurs cogitations, ainsi que la réponse de la ministre, a été publié //////////

Un chiffre plutôt qu’un long discours
81%
Des Français ont confiance en la science. C’est du moins le résultat de ce baromètre Cevipof, loin devant les grandes entreprises privées (50%) ou la justice (48%) mais au coude-à-coude avec la gendarmerie (79%) ou les hôpitaux (83%). Parmi les autres résultats concernant la vaccination anti-Covid, les scientifiques ne seraient responsables de la dégradation de la situation sanitaire que pour 3% des Français (heureusement !) et à 23% responsables de son amélioration.

La parole est à… Patrick Fridenson

« La société française a besoin des docteurs »

Dans cette tribune, ce chercheur revient sur la désaffection pour le doctorat… et comment y remédier.

Il a dirigé une mission sur la reconnaissance professionnelle du doctorat entre 2014 et 2016

Beaucoup reste à faire depuis la mission qui m’a été confiée par le ministère en 2014 au sujet de la reconnaissance professionnelle du doctorat. Au-delà des constats sur lesquels je reviens brièvement, c’est avant tout d’actions dont nous avons besoin et je les liste ici. Certains de ces points d’avenir sont également recommandés par l’IGESR dans son rapport sur la poursuite de carrière ou, plus récemment, par le rapport de Fabienne Blaise, Pierre Desbiolles et Patrick Gilly sur le recrutement des enseignants-chercheurs.

Lisez la suite de la tribune

Ils refont leur carte de visite Alain Carpentier, membre de l’Académie des sciences est élevé à la dignité de grand’croix de l’Ordre national du Mérite //////// Arnold Munnich, membre de l’Institut, est lui nommé Commandeur //////// On signale des nominations au Conseil d’orientation scientifique du Musée du quai Branly-Jacques Chirac //////// Christophe Strassel est nommé membre du conseil d’administration de l’École nationale des chartes, en remplacement de Louis Gautier ////////

//////// Laurence Corvellec est nommée directrice générale des services (DGS) de l’université d’Aix-Marseille pour quatre ans //////// Valérie Liger-Belair est nommée directrice générale des services de l’Institut national des langues et civilisations orientales //////// Cinq nominations d’inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche de 2e classe ////////

Votre revue de presse express

La baie des pirates. Poursuivie, la fondatrice de SciHub, Alexandra Elkabyan a la vie dure : son iCLoud vient d’être livré au FBI par Apple. Mais sa communauté travaille à la sauvegarde des 77 TB d’articles du site pirate, rappelle Motherboard.
Total recall. Les Echos couvrent également l’installation de Total sur le campus de Polytechnique, sans beaucoup plus d’infos que nous. La suite se déroulera devant les tribunaux.
Charité bien ordonnée. La fiscalité des dons est-elle bien adaptée en France ? Non, à écouter Thierry Philip, cancérologue et président de l’Institut Curie dans cette tribune au Monde.
Bisbilles syndicales. C’est un contentieux qui a pris racine suite au vote de la Loi de programmation de la recherche : les syndicats non signataires (CGT, SNCS) de l’accord sur les rémunérations peuvent-ils assister au comité de suivi ? Pour la justice, c’est oui mais le ministère ne semble pas pressé d’appliquer cette décision, pointe David Larousserie dans Le Monde.
Islamogauchisme, saison 2. Vous reprendrez bien une louche de polémique ? Cet entretien paru dans le Figaro de la sociologue Nathalie Heinich pour paver la sortie de son livre s’en chargera.

Et pour finir

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Après le « Et pour finir » de la semaine dernière, vous allez nous accuser de faire une fixette sur Charles Darwin — et vous n’auriez pas complètement tort — mais voilà : l’arche qui porte son nom aux Galapagos vient de s’effrondrer, rapporte le Guardian.

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