🔷 The winner takes it all

Rituel estival. C’est au plus profond de l’été que sort tous les ans le classement de Shanghai, la course mondiale de petits chevaux de la recherche où les premiers sont appelés à le rester.
Tout change… Depuis 2019 et certainement jusqu’à la fin des temps, cette sortie s’accompagnera des hourras de Paris Saclay, de l’autosatisfecit du ministère de la Recherche et des félicitations présidentielles.
Pour que plus rien ne change. Aux suivants dans le classement resteront les doutes sur la méthodologie en cas de rétrogradation ou le communiqué de presse en cas de progression.
Ordre de grandeur. Rappelons que le seul budget d’Harvard, immarcescible première du classement depuis sa création, équivaut à celui de toute la recherche française.

Keep calm & science hard,
Laurent de TheMetaNews
 PS.  Merci à Daniel Egret, Frédérique Bordignon, Catherine Paradeise, Carine Dou Goarin d’avoir éclairé ma lanterne sur le sujet.

•  Shanghai est le plus ancien.  Créé en 2003, ses règles de notation n’ont presque pas changé depuis, rendant la comparaison entre les années possible.
•  Shanghai est simple.  Contrairement à certains de ses camarades (QS et THE par exemple), les Chinois procèdent à une moisson automatisée des données, sans intervention des universités.
•  Shanghai est transparent.  La moisson de données se fait sur les bases de données privées (Web of science, Clarivate…) ou publiques (OpenData) et la méthodologie est publique.

Quels effets pervers ces classements ont-ils ?
L’évaluation de la qualité par le nombre a produit nombre d’effets, parfois pervers. En particulier en mettant au centre du jeu des carrières individuelles et du prestige collectif le nombre de publications dans les revues identifiées comme majeures dans les divers secteurs disciplinaires. En favorisant la quantité, le goût immodéré du classement a fait de la course à la publication un objectif en soi, orientant les choix des sujets de recherche et les tactiques de publication vers les plus rapidement productifs en articles.

Pourquoi en fait-on si grand cas dans l’Hexagone ?
La France souffrait du handicap de la segmentation de ses universités par grands secteurs disciplinaires dans les années post-68, qui avait visé à faire face à la massification rapide de l’enseignement supérieur. Cela contribuait de façon importante à la grande médiocrité du positionnement de ses universités dès le premier classement de Shanghai en 2003. Ce fut un choc énorme dans notre pays. Le classement de Shanghai est devenu une espèce de vache sacrée en France, alors que son caractère unidimensionnel fournit une image simple voire simpliste de la « performance » des universités.

• La citation de l’année. On la doit à Martin Vetterli, directeur de l’EPFL, qui réadapte une maxime américaine dans cet excellent article de la revue Horizons sur l’oligarchie scientifique en Suisse : « Diriger des professeurs, c’est comme mener des chats. C’est impossible. On ne peut que déplacer la nourriture. »
• Copie colle. Alors que le plagiat reste une infraction relativement bien supportée en France (en témoigne cette série d’article du Monde), les Allemands sont beaucoup moins patients sur le sujet, en particulier quand il s’agit des thèses : une enquête du Wall street journal.
• L’art de l’entre deux. La crise de la Covid a fait se rencontrer la popol (politique politicienne) et la recherche. Et au milieu, la personnalité de Didier Raoult, dont les rapports avec le président de la République sont analysés dans cette enquête du Monde. On y a apprend notamment que c’est Thierry Coulhon, actuel président du Hcéres, qui faisait l’intermédiaire.